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si avoient pour porter leurs harnois, vivres et habillemens de guerre, environ douze mille, que chariotz que charètes, et très grant nombre de ribaudequins, ausquelz pour les mectre faloit à chascun ung cheval; et estoient iceulx ribaudequins, habillemens qui se portoient sur deux roes, et y avoit manteaux de ais, et sur le derrière longues broches de fer pour clorre une bataille, se besoing estoit, et sur chascun d'iceulx estoit assis ung gros vulgloire' ou deux. En oultre ledit duc de Bourgongne manda pareillement à le venir servir, le duc Anthoine de Brabant, son frère, à tout sa puissance. Lequel y vint à très belle compaignie. Et si y vint aussi ung chevalier anglois, nommé messire Guillaume Baldach, lieutenant du capitaine de Calais, à tout environ trois cens combatans anglois. Et se firent toutes ces assemblées entour la ville de Douay et d'Arras.

En après, ledit duc de Bourgongne, partant de la ville de Douay, avec lui son frère le duc de Brabant et très grande multitude de nobles hommes, s'en vint loger en la ville de Lescluse, appartenant au conte de La Marche. Et lendemain, premier jour de septembre, se desloga assez matin et s'en ala loger en une plaine aux champs emprès Marquion, et là fist tendre ses tentes et paveillons, et actendi tous son ost par deux jours, et par espécial les communes de Flandres, qui y vindrent en très grant appareil et se logèrent par très belle ordonnance. Si sembloit, à veoir de leurs tentes, pour le très grant nombre qu'il en y avoit,

1. Veuglaire (var. du ms. 8345), pièce de canon.

2.

fr. 93.)

Messire Guillaume Baldoc, lieutenant de Callais. » (Suppl.

que ce feussent grandes bonnes villes. Et pour vray, quant tout fut assemblé en ung seul ost, ilz se trouvèrent de cinquante à soixante mille hommes, à compter lesdictes communes, sans les varlets et pages, dont il y avoit sans nombre. Et retentissoit tous le pays du bruit qu'ilz faisoient. Et quant aux dessusdiz Flamens, il leur sembloit que nulles bonnes villes, ne fortresses, ne se tenroient contre eulx. Et avoit convenu que ledit duc de Bourgongne, à leur département, leur eust habandonné tout ce qu'ilz pourroient conquerre. Et quant ilz aloient de logis à autre, ilz estoient communément tous armez de plein harnois, à pié, tous en ordre par compaignies selon les bonnes villes et usages de leur pays de Flandres. Et mesmement, jà soit ce qu'ilz alassent de pié comme dit est, toutesfoiz il y en avoit grant partie armez de harnois de jambes. Et quant est à leur gouvernement en passant le pays, tout ce qu'ilz povoient actaindre estoit par eulx prins et ravy, et mis sur leur charroy, puis que c'estoient choses portatives. Et avecques ce, pour la grant multitude de peuple qu'ilz estoient, estoient tant orguilleux qu'ilz ne faisoient compte de nuls nobles hommes, de quelque estat qu'il feust. Et quant ce venoit au loger ou à prendre vivres, ilz chassoient hors les autres gens de guerre, moult souvent trop rudement, et par espécial ceulx qui n'estoient pas de leur pays, et avec ce leur toloient tout ce qu'ilz avoient pourveu de vivres et autres besongnes; pour quoy souvent s'esmouvoient de grans débas et hutins entre les parties, et par espécial entre les Picars et eulx, lesquelz ne souffroient point bien paciemment leurs rudesses. Et avoit, le duc de Bourgongne et au

cuns de ses capitaines, assez à besongner pour les tenir en paix et concorde l'un avecques l'autre.

En oultre, quant ledit duc de Bourgongne eut par aucuns jours actendu ses gens audit lieu de Marquion, comme dit est, et qu'ilz furent assemblez, il se partit de là, à grant triumphe et appareil, et ala loger sur la rivière de l'Escault, emprès une ville nommée Marcoing. Et lendemain au matin, partant de là, vint loger à Moucy la Gasche'; auquel lieu il y eut ung Flameng pendu pour ce qu'il avoit desrobé ung calice dedens une église, avec autres biens. Et de là, se tira à Hem sur Somme, où estoient ses adversaires. Et en approchant de la ville d'Athies, appartenant au conte de Dampmartin, qui estoit à lui contraire, furent ceulx de dedens si esbahis, que tantost, à tout les clefz de leur ville, vindrent à l'encontre dudit duc, auquel eulx, leur ville et leurs clefz lui présentèrent, par convenant qu'il les garderoit de dommage. Lequel duc, pour ce que de leur gré s'estoient venus humilier et rendre à lui, leur octroya libéralement leur requeste, et leur bailla provision de ses gens pour les garder qu'on ne leur feist aucune vilenie. Si chevaucha oultre, à tout son ost, jusques assez près de ladicte ville de Hem3,

1. Mouchy-la-Gache.

2. Ham, en Vermandois.

3. Une chronique de xv siècle, conservée à la Bibliothèque impériale, porte le chiffre de ses forces à 66 000 hommes. « Et partant, s'en ala à toute celle puissance devant la ville de Hem, et là se loga son oost, pour la première nuittié, sans le avironner tout entour. Et fu son oost nombrée à LXVI mille combactans, xx charios, sans nombre de varlès et charetons. » (Bibl. imp. Cord. 16, fol. 340 v°.)

devant laquelle il envoia plusieurs coureurs des plus expers de sa compaignie, pour veoir le gouvernement d'iceulx. A l'encontre desquelz saillirent hors les Orléanois, et y eut très grant escarmouche, tant d'un costé comme d'autre. Mais, enfin, pour la grande multitude des Bourguignons, ilz furent reboutez dedens. Et lendemain, ledit duc, qui chevauchoit en moult belle ordonnance aiant avantgarde, bataille et arrièregarde, se loga devant ladicte ville et fist tendre ses tentes en une plaine au devant de la porte, environ le get d'un canon près. Et pareillement se logèrent les Flamens et toutes autres manières de gens, par ordre, ès lieux propices et convenables, ainsi qu'il leur estoit mandé par les mareschaulx et conducteurs de l'ost. Durant lequel temps, ceulx de dedens firent aucunes saillies. Mais à chascune fois furent reboutez par force, nonobstant qu'ilz se y maintindrent très vaillamment; et en y eut de mors et de navrez de costé et d'autre. En après, le duc de Bourgongne, qui asséga celle ville tant seulement d'un costé, fist asseoir contre la porte et murailles plusieurs engins et habillemens de guerre, pour icelle démolir et abatre. Et d'autre part, les Flamens arrangèrent grant planté de leurs ribaudequins, desquelz ilz gectèrent jour et nuit dedens ladicte ville; dont moult traveillèrent leurs adversaires. Et en oultre, en assez briefz jours, les engins dérompirent la porte et muraille contre qui ilz gectoient. Mais ceulx de dedens, en grande diligence le rédifioient de bois et de fieus, au mieulx que faire le porent. Toutesfoiz, à ung certain jour, les asségans se armèrent en très grant nombre et alèrent assaillir vigoreusement à la porte, en entencion d'entrer dedens. Et dura ledit assault

bien trois heures, très aspre et cruel. Mais à vérité dire, ceulx de dedens se défendirent très chevalereusement et navrèrent plusieurs d'iceulx assaillans et avecques ce en occirent aucuns, pour quoy il convint qu'ilz se tirassent ailleurs. Et fu par un jeudi. Et lendemain, qui fut le venredi, le duc de Bourgongne, ne sçay à quelle cause, fist crier que nul, de quelque estat qu'il feust, ne assaillist ceulx de dedens, mais fist labourer à faire pons et passages sur la rivière de Somme afin de passer et avironner et asséger ladicte ville tout entour et enclorre de tous costez. Mais il en advint tout autrement et au plus loing de sa pensée. Car, quant ce vint lendemain au matin qu'il avoit ordonné ledit assault, ainsi qu'à huit heures, fut sceu que ceulx de la garnison et la plus grant partie des plus notables bourgois s'en estoient fouys et avoient emporté grant partie de leurs biens, et n'estoit demouré dedens ladicte ville si non gens de commun et des vilages qui se estoient là retrais. Lesquelz, comme demi vaincus, quant ilz virent partir ladicte garnison, ne eurent point grande puissance ne voulenté de eulx défendre, et par ainsi, sans grant péril, entrèrent ens les gens du duc de Bourgongne, et premièrement les Piquars. Et adonc, les Flamens, voyans la besongne dessusdicte, y alèrent à si grant nombre et puissance pour y entrer, que les aucuns pour la grant presse furent mors et estains. Et quant ilz furent dedens, si commencèrent à piller et rober tout ce qu'ilz trouvèrent, en usant du droit que leur avoit donné leur seigneur le duc de Bourgongne. Car il convint, à leur département comme dit est dessus, qu'il leur habandonnast tout ce qu'ilz pourroient conquerre sur les ennemis.

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