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de son parti jusques aux portes de Paris, et tellement se y conduisoient, que les Parisiens furent en ces jours en très grande neccessité de vivres. Car encores n'estoient ilz point acoustumez de guerre, ne pourveuz ainsi que besoing leur estoit, et si n'avoient point dedens icelle ville puissance en laquelle ilz se osassent fier pour yssir aux champs et combatre leurs adver

saires.

Et estoit avecques la partie d'Orléans l'arcevesque de Sens, frère de feu Montagu, non point en estat pontifical, car en lieu de mitre il portoit ung bacinet en sa teste, pour dalmatique portoit le haubert dont il estoit vestu, pour chasuble plates d'acier, et en lieu de croce il portoit une hache.

En ces mesmes jours le duc d'Orléans envoia ses héraulx, à tout certaines lectres, vers le Roy et le duc d'Acquitaine, contenans comment ledit duc de Bourgongne s'en estoit fuy de devant Montdidier et ne l'avoit osé actendre, et pareillement le rescripvi à aucuns de Paris qu'il tenoit pour ses amis, sur la fiance qu'il peust trouver aucun moien d'entrer dedens. Mais finablement il perdoit son temps. Car ceulx qui gouvernoient de par ledit duc de Bourgongne estoient assez soigneux pour l'entretenement de leur partie.

Durant lequel temps, par certains moiens qui se firent entre aucuns des gens du duc d'Orléans et ung nommé Colinet le Puiseur', qui estoit capitaine de par le Roy de la tour de Saint-Cloud, fut icelle livrée et mise entre les mains d'icellui duc d'Orléans, lequel y

1. Mieux dans Suppl. fr. 93, Colinet de Puiseux.

mist tantost garnison de ses gens. Dont ceulx de Paris furent moult troublez, pour ce que les Orléanois passoient souvent la rivière de Seine en grant nombre et couroient de l'autre costé de leur ville, par ainsi lesdiz Parisiens estoient fort oppressez desdiz Orléanois de tous costez. Pour laquelle cause fut encores ordonné par le conseil royal à envoier par tout le royaume ès lieux acoustumez, de publier autres mandemens de par le Roy, contenans les oppressions', cruaultez et dommages que faisoient chascun jour les devantdiz seigneurs et leurs aliez en plusieurs parties de son royaume et à ses subgetz, nonobstant que par avant leur eust esté par plusieurs foiz défendu de par le Roy, à quoy ilz n'avoient voulu obéir, mais, qui plus est, avoient continué et continuoient à faire de jour en jour, en plusieurs lieux du royaume, grandes assemblées de gens d'armes et de traict, de diverses nacions et pays, tant de ses subgetz comme autres estrangers, qui avoient desrobé et dégasté, et prenoient et dégastoient ses bons loiaulx subgetz, et prenoient leurs villes, chasteaulx et fortresses, et s'efforçoient de jour en jour de tuer gens, les mectoient à raençon, boutoient feux, violoient filles à marier, efforçoient femmes à marier et mariées, despouilloient et desroboient églises et monastères, et faisoient toutes les inhumanitez que ennemis povoient faire, à lui et à son royaume et encores s'efforçoient faire, dont grans

1. Monstrelet ne donne qu'en abrégé ces lettres du 3 octobre 1411, qui ne sont rien moins qu'une déclaration de guerre au parti d'Orléans, faite sous le couvert de la royauté. Ces lettres sont imprimées en entier dans le Recueil des Ordonnances (t. XI, p. 635). L'original se trouve aux Archives de l'Empire.

clameurs, complaintes et moult de douleurs lui estoient souvent venus et de jour en jour venoient incessamment, et encores pourroient plus faire, se sur ce n'estoit pourveu de bon et brief et convenable remède. Pour quoy faisoit savoir à tous qu'il vouloit et de tout son cuer désiroit, en toutes ces choses son honneur et seigneurie et de tous ses subgetz garder et préserver de cy en avant des grans oppressions et dommages, et eulx en paix et transquillité garder et maintenir de tout son povoir, et les dessusdiz inobédiens et rebelles chasser et destruire, actendu que autre foiz les avoit habandonnez, et ce nonobstant ilz n'avoient point laissé à procéder en leur mauvaise voulenté, mais ont persévéré de tout leur povoir et continué de mal en pis, et encores font. Et les autres causes et considéracions qui le mouvoient à ce, eue sur icelle besongne grande et meure délibéracion de conseil avec plusieurs de son sang et aucuns autres en grant nombre, a déclairé et déclaire par ses lectres, de sa pleine puissance, lesdiz Orléanois et tous leurs aliez et complices, pour ses ennemis, rebelles et inobédiens à lui et à la couronne de France, à sesdictes ordonnances, commandemens et défenses, et avoir forfait corps et biens. Et afin que de ce jour en avant nul ne voise avec eulx ne leur tiengne compaignie, le Roy a pleinement habandonné par ses lectres devantdictes leurs corps et leurs biens, et de toutes les gens d'armes dessusdiz qui se sont renduz et démonstrez de leur partie et qui ont délinqué et délinquent par la forme et manière que dit est. En oultre a le Roy, par sa pleine puissance et par sesdictes lectres, octroyé et donné auctorité et puissance à tous ses bons, loyaulx et vrays subjectz

et vassaulx, justiciers et officiers et à chascun d'eulx, de envayr les devantdiz et tous les autres de leur partie, et par toutes les voies et manières qu'ilz pourront, les prendre et déchacer de son royaume, et aussi de les emprisonner et tous leurs biens prendre et appréhender en quelque lieu qu'ilz soient, sans ce que, pour les choses devantdictes, sesdiz subjetz ou aucuns d'eulx soient envers lui ne sa justice aucunement empeschez ne molestez. Donné à Paris le 1 jour d'octobre l'an mil quatre cens et onze, et de nostre règne le XXIIo.

A l'occasion desquelz mandemens, quant ilz furent publiez comme dit est, y eut plusieurs seigneurs et autres vaillans gens de guerre qui se refroidèrent et targèrent d'aler ou service du duc d'Orléans et des seigneurs qui estoient avecques lui. Et au contraire, de doubte qu'ilz ne cheussent en l'indignacion du Roy, se tirèrent devers lui ou devers ceulx qui tenoient son parti, et trouvèrent les moiens d'eulx excuser au mieulx qu'ilz peurent. Et entretant que ces besongnes se faisoient, le duc de Bourgongne estant à Pontoise comme dit est, où il fut environ quinze jours, venoient à lui en très grant nombre gens de diverses nacions, tant des pays du Roy comme de ses vassaulx et subgetz. Duquel lieu de Pontoise vint un certain jour devers ledit duc ung homme assez puissant de corpulence, lequel entra dedens sa chambre, en entencion de murdrir ledit duc, et avoit en sa manche ung coustel dont il avoit voulenté d'acomplir son maléfice, et de fait s'avança pour parler à lui. Mais ledit duc, non aiant congnoissance d'icellui, et aussi tousjours doubtant telles besongnes, mist ung banc entre lui et

ledit homme. Et tantost aucuns de ses privez qui là estoient, apperceurent la mauvaistié d'icellui, par quoy il fut prins sans délay, et après qu'il eut congneu son fait, fut décapité en la ville de Pontoise.

Et de rechef, pour plus vitupérer et abaisser les entreprinses du duc d'Orléans et ses aliez, le Roy, par délibéracion de conseil, envoia encores en plusieurs parties de son royaume autres mandemens royaulx, lesquelz furent publiez à la très grant charge et deshonneur d'iceulx, desquelz réciter et escripre je me déporte à présent pour cause de briefté'. Lequel mandement fut publié par tous les lieux acoustumez du royaume de France, comme dit est, dont moult de vassaulx et autres féables du Roy, tant des bonnes villes comme d'ailleurs, s'efforçèrent d'aler servir le Roy. Et d'autre part, en plusieurs et divers lieux furent prins et arrestez très grant nombre de ceulx qui tenoient la partie d'Orléans, dont aucuns furent exécutez, et les autres mis prisonniers et raençonnez comme ennemis du royaume. Si estoit alors piteuse chose d'oyr raconter les griefves persécucions qui chascun jour se faisoient entre icelles parties, et par espécial environ la ville de Paris et le pays d'entour l'Isle de France.

Et entre les autres choses qui ne sont point à oublier, yssirent ung certain jour bien trois mille combatans, tant de la garnison comme des Parisiens, qui s'en alèrent à Vicestre, moult belle maison à une lieue de Paris, appartenant au duc de Berry. En laquelle de

1. Le ms. Suppl. fr. 93 donne ici ces lettres, qui sont du 14 novembre 1411. Elles sont imprimées dans le Recueil des Ordonnances (t. IX, p. 654).

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