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En ces mesmes jours, par le consentement dudit duc de Bourgongne, messire Jehan de Croy, filz premier né du seigneur de Croy, qui estoit encores prisonnier1 au duc d'Orléans, se parti de Paris, à tout huit cens combatans, et s'en ala au chastel de Moncheaulx en la conté d'Eu, dedens lequel estoient les enfans au duc de Bourbon et de la duchesse sa femme, c'estassavoir ung filz de trois ans ou environ, et une fille de son premier mary, aagé de neuf ans, avecques leurs nourrices et autres leurs serviteurs, et si y estoit le filz messire Mansart du Bois et le seigneur de Foulleuse, chevalier. Lesquelz, tous ensemble, furent prins dedens ledit chastel par ledit messire Jehan de Croy, lequel, avecques tous leurs biens, les amena ou chastel de Renti, et là les tint prisonniers jusques à ce que le seigneur de Crouy, son père, lui fut rendu. Laquelle prinse venue à la congnoissance dudit duc de Bourbon et la duchesse sa femme, en eurent au cuer très grant tristesse, et par espécial ladicte duchesse en fut si troublée qu'à peu près qu'elle ne mourut de dueil.

CHAPITRE LXXXII.

Comment le conte Waleran de Saint-Pol fut de par le Roy envoyé en la conté de Valois et à Coussi; lequel conte mist plusieurs villes et fortresses en l'obéissance du Roy.

Item, en ensuivant les besongnes dessusdictes, Waleran, conte de Saint-Pol, fut envoyé de par le Roy aux villes et fortresses de toute la conté de Valois,

1. Le père.

2. Renty-Assonval (Pas-de-Calais).

pour les subjuguer et réduire en l'obéissance du Roy, et pareillement, à Coucy, avec grant planté de gens d'armes, d'archers et d'arbalestriers. Et en la conté de Vertus fut envoyé messire Philippe de Cervoles, bailli de Vitri en Pertois, à tout grant quantité de combatans, pour tous mètre en l'obéissance du Roy. Et en la conté de Clermont fut envoyé le vidame d'Amiens. Et en la conté de Boulongne, d'Eu et de Gamaches, fut envoyé Ferry de Hangest, bailli d'Amiens, pour pareille cause que les devantdits. Mais ceulx de Crespy en Valois, qui estoit la maistresse ville de tout le pays, quant ilz sceurent la venue dudit conte de Saint-Pol, se submirent en l'obéissance du Roy, et il les reçeut humblement. Et après s'en ala au chastel de Pierrefons, qui moult estoit fort et défensable, et bien garni et rempli de toutes garnisons appartenans à guerre. Et lui, là venu, print à parlement avec le seigneur de Bosqueaulx, qui en estoit capitaine, et en fin fut le traictié fait, parmy ce que ledit conte lui fist donner pour ses fraiz deux mil escuz d'or, et avecques ce, lui et ses gens demourèrent tous en leurs biens. Et moiennant ce, il rendi ledit chastel en la main dudit conte, pour et ou nom du Roy, lequel y mist garnison de ses gens. Et la dame de Gaucourt, qui estoit dedens, s'en ala ou chastel de Coucy, où elle fut honorablement reçeue de messire Robert d'Esne qui en estoit capitaine. Et après, dudit lieu de Pierrefons ledit conte de Saint-Pol s'en ala à la Ferté-Milon, très fort chastel, et à Villiers Cauderès', appartenans au duc d'Orléans. Lesquelz, non pas tant

1. Villers-Cotterets, anciennement Villiers-Col-de-Rets.

seulement iceulx, mais toutes les fortresses de ladicte terre, quant ilz eurent oy la nouvelle de la reddicion de Pierrefons, tant fort chastel, se rendirent sans faire résistance audit conte, ou nom du Roy, lequel mist partout garnison de ses gens. Et puis, par Soissonnois s'en ala vers Coucy, ouquel lieu, comme dessus est dit, estoit messire Robert d'Esne et Rigault de Fontaines, et plusieurs autres gentilz hommes tenans le parti du duc d'Orléans. Et dedens la ville dudit lieu de Coucy estoit capitaine messire Enguerran de Fontaines, et avecques lui estoient plusieurs autres nobles hommes. Lesquelz, quant ilz eurent eu conseil l'un avecques l'autre, de prime face rendirent la ville et s'en alèrent avecques leurs biens. Et ledit conte, avecques ses gens, se loga dedens icelle ville et en aucunes maisons au dehors. Si fist sommer ledit messire Robert qu'il lui rendeist la fortresse pour et ou nom du Roy, ce que pas ne voult faire, mais respondi que le duc d'Orléans, son seigneur, lui avoit baillé en garde et fait faire serement de le non rendre sans son sceu ou son commandement. Et aussi estoit elle très habondamment pourveue de vivres et habillemens de guerre et autres besongnes neccessaires, pour quoy il ne doubtoit nullement estre prins de force, et avoit espérance que ou temps qu'il le tiendroit, aucuns moiens se trouveroient par lesquelz sondit seigneur et maistre rentreroit en la grace du Roy. Néantmoins, sa response oye, le dessusdit conte Walerand fist environner la fortresse et loger ses gens assez près, et icelle très fort combatre et traveiller de canons et autres habillemens de guerre. Et entre les autres choses, fist emploier mineurs à grant foison pour miner la porte de la bas

tille, nommée la Porte maistre Odon, qui estoit pour autant de chose ung aussi beau fort et aussi notable édifice qui feust à vingt lieues à la ronde d'icelle. Et avecques ce minèrent au dessoubz d'autres grosses tours, et tant continuèrent en ceste oeuvre que la besongne fut preste pour bouter le feu dedens. Et en fin, après ce que icellui messire Robert de rechef eut esté sommé de lui rendre et que point n'y vouloit entendre, fut par ledit conte ordonné par ung certain jour que toutes ses gens se meissent en armes, prestz pour assaillir se besoing estoit. Après laquelle ordonnance et que tout fut prest, fist bouter les feux dedens. Lequel feu, par le moien des aprestemens qui subtilement estoient faiz dedens, icelle mine tant continua, que finablement la plus grant partie de ladicte porte fut confondue et chey tout à plat1. Mais tant de bien y eut pour les asségez, que le mur qui estoit vers eulx demoura entier, et par ainsi lesdiz gens d'armes ne eurent guères d'avantage pour les envayr. Si y furent aucuns, tant de l'une partie comme de l'autre, à ceste besongne mors et navrez. Et pareillement fut partie une tour cornière, qui estoit assez puissant, et ne peut cheoir tous jus, pour le mur de la ville auquel elle se apuya. Si demoura, sur ladicte partie ainsi cheue, ung homme de guerre qui estoit sus pour la défendre contre les asségans, lequel fut en très grant péril de sa vie, mais en fin, par la diligence

1. A cette époque l'art du mineur se bornait à pratiquer des excavations soutenues par des piliers de bois auxquels on mettait le feu, lequel ne pouvait gagner promptement. Par conséquent il n'y avait ni explosion ni résultat instantané.

2. Faisant le coin.

de ceulx de dedens fut mis à saulveté. Finablement, après que ledit conte Walerant eut esté trois mois ou environ devant ledit chastel de Coucy, fut traictié fait entre ledit messire Robert et lui, par telle manière qu'il s'en yroit lui et toutes ses gens, avecques tous leurs biens portatifz, à saulveté, là où bon leur sembleroit, soubz bon sauf conduit, et avecques ce auroit pour ses frais douze cens escuz. Si s'en parti, à tout cinquante combatans ou environ, desquelz estoient les principaulx, son filz, le Baudrain d'Esne, chevalier, Rigault de Fontaines dessusdit, et Gaucher de Bessu. Et si y estoit la dame de Gaucourt dont dessus est faicte mencion. Et s'en ala icellui Robert et la plus grant partie de ses gens demourer à Crevecuer et ou Chastel-en-Cambrésis1.

Après la reddicion dudit chastel de Coucy, ledit conte de Saint-Pol y mist garnison de ses gens, et y commist capitaine messire Girard de Herbannes. Et estoit avecques lui en cel exercite Jehan de Luxem– bourg, son nepveu, le vidame d'Amiens, le seigneur de Honcourt et plusieurs autres nobles chevaliers et escuiers de Picardie, et par espécial de ses seigneuries. Et là tantost après, comme chevalier sage et de grant prudence et digne de rémunéracion, fut par le Roy et son conseil, esleu et commis connestable de France, et là lui fut baillé l'espée, en faisant par ledit conte le serment de bien et loyaument exercer ledit office; duquel fut déposé et jugé comme indigne messire Charles de Labreth. Et pareillement le sei

1. Cateau-Cambrésis.

2. C'est-à-dire du comte de Saint-Pol.

3. Des seigneuries du comte de Saint-Pol.

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