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qui tenoit le parti d'Orléans, se retrahit en Lorraine devers son frère, qui estoit évesque de Metz'.

CHAPITRE LXXXIV.

Comment les ducs d'Acquitaine et de Bourgongne conquirent Estampes et Dourdan. Et la mort messire Mansart du Bois et autres prisonniers.

Or est vérité que durant les tribulacions dessusdictes, le Roy et ses princes, estans à Paris, eurent plusieurs complaintes des maulx et violences que faisoient par le pays ceulx de la garnison d'Estampes et de Dourdan; et que pour ce, nonobstant qu'il eut esté pieçà conclud que le Roy, ne le duc d'Aquitaine, ne se mectroient point sus à puissance devant ce que l'iver seroit passé, néantmoins pour résister aux entreprinses des dessusdiz, fut ce propos rompu. Et le xxIII° jour de novembre, ledit duc d'Acquitaine, acompaigné du duc de Bourgongne, des contes de Nevers, de La Marche, de Penthièvre et de Vaudémon, du mareschal Bouciquault et d'autres grans seigneurs, avec très grant nombre de piétons, tant de la communaulté de Paris comme d'ailleurs, se parti de ladicte ville de Paris, en l'intencion de mectre en l'obéissance du Roy les dessusdictes places d'Estampes et de Dourdan, et aucunes autres qui faisoient guerre de par ledit duc d'Orléans et ses aidans. Et s'en ala par Corbueil, où il séjourna aucuns jours pour actendre ses gens. Et de là, à tout grant foison d'abillemens de guerre, tant bombardes comme autre artillerie, se

1. Il se nommait Raoul de Coucy.

tira, à tout son ost, devers Estampes, ouquel lieu estoit messire Loys Bourdon, qui tantost se retrahi dedens le chastel. Mais ceulx de ladicte ville incontinent se submirent et se rendirent en l'obéissance du duc d'Acquitaine, lequel les reçeut assez bénignement, en la faveur du duc de Berry son oncle. Mais messire Loys Bourdon ne volt nullement obéir, combien qu'il en feust sommé par plusieurs et diverses fois, et pour ce, fut sans délay ordonné que ledit chastel seroit de toutes pars environné. Et pour lors estoit dedens icellui, prisonnier, ung chevalier du duc de Bourgongne, c'estassavoir le seigneur de Ronq, lequel ung peu devant avoit esté rencontré et prins par le dessusdit Bourdon. Et adonc furent drécez et assis plusieurs engins devant ledit chastel, lesquelz en plusieurs et divers lieux le dérompirent et dommagèrent, et avecques ce furent mis grant quantité d'ouvriers en oeuvre, pour miner par dessoubz terre ladicte fortresse. Et, tant en ce fut continué, que les asségez voyans qu'ilz estoient en péril d'estre prins de force, commencèrent à parlementer, et finablement, par le moien dudit seigneur de Ronc, se rendirent à la voulenté du duc d'Acquitaine. Et par ainsi icellui Loys Bourdon et aucuns autres gentilz hommes furent envoiez prisonniers dedens le Chastellet de Paris. Et après que les dessusdiz ducs d'Acquitaine et de Bourgongne eurent garni les dessusdictes fortresses de leurs gens, ilz s'en retournèrent avec toute leur exercite en la ville de Paris, pour ce que bonnement ne povoient icelle conduire par le temps d'iver. Et aucuns peu de jours ensuivans, furent menez dudit lieu de Paris, de par le duc de Bourgongue, aucuns prison

niers au chastel de Lisle, c'estassavoir le seigneur de Hangest, messire Loys Bourdon dessusdiz, le seigneur de Girennes, messire Enguerran de Fontaines, messire Jehan d'Amboise et aucuns autres, lesquelz avoient esté prins en divers lieux, en tenant le parti du duc d'Orléans. Et furent là par grant espace, mais en fin furent délivrez en paiant grant finance.

Et en ce mesme temps, fu décolé ès hales de Paris messire Mansart du Bois, natif de Picardie, et fut son corps pendu par les aisselles au gibet de Montfaulcon, et la teste demoura sur une lance és hales de Paris. Si fut faicte ceste exécucion à l'instance et pourchas dudit duc de Bourgongne, pour ce que icelluy messire Mansart estoit son homme lige et ce non obstant l'avoit défié par lettres scellées de son séel, ou temps. que les trois frères d'Orléans, dont mencion est faicte cy-dessus, défièrent ledit duc. Et ne peut estre saulvé pour les prières de ses amis, jà soit ce que grande diligence en fust faicte, car plusieurs y en avoit de grande auctorité qui servoient ledit duc, qui s'en mectoient en peine. Mais ce porta petit effect 1.

En ce temps avoit en Paris, ou Chastellet et autres prisons de la ville, très grant nombre de prisonniers Orléannois, desquelz très grant partie mouroient misérablement par force de froit, de mesaise et de famine. Et après qu'ilz estoient mors, on les portoit hors de la ville de Paris et les gectoit en aucuns fossez, et là les laissoit on menger des chiens, des oiseaulx et des autres bestes très inhumainement. Et la cause pour quoy on

1. Monstrelet répète ici, mais avec plus de détails, ce qu'il a déjà dit dans son chapitre 81. Voy. plus haut, p. 210.

tenoit telle manière contre eulz, si estoit pour ce que plusieurs et diverses foiz avoient esté publiez et dénoncez par les églises et quarrefours de ladicte ville de Paris comme excommeniez. Néantmoins à plusieurs preudommes, tant nobles comme gens d'église, ce sembloit estre grant desrision de ainsi piteusement traicter ceulx qui estoient chrestiens et tenoient la foy de Jhésucrist.

Et après, en persévérant en toute rigueur en ceste matière, fut décapité ès hales de Paris ung chevalier, nommé messire Pierre de Famechon, lequel estoit de l'ostel et famille du duc de Bourbon, et fut sa teste mise sur une lance comme les autres. Pour la mort duquel, ledit duc de Bourbon fut grandement troublé et courroucé, et par espécial quant il sceut qu'il avoit esté exécuté et mis si honteusement à mort. Et adonc pour ceste saison tous ceulx qui povoient estre prins et appréhendez tenans le parti du duc d'Orléans et de ses aliez, estoient en très grant danger de leurs vies. Car peu y en avoit qui pour eulx osast parler ne faire requeste, com prouchain qu'on leur feust.

CHAPITRE LXXXV.

Comment plusieurs capitaines furent envoiez de par le Roy sur les frontières en divers pays contre les Orléanois. Et d'une grosse escarmouche qui fut devant Villefranche ou pays de Bourbonnois. Et de la destrousse du conte de La Marche; et autres matières.

Item, en ce mesme temps furent envoiez plusieurs seigneurs et capitaines de par le Roy sur les marches et pays des seigneurs, lesquelz il tenoit pour adversaires. Entre lesquelz le conte de La Marche fut com

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mis, et avecques lui le seigneur de Hambures', à entrer dans la duché d'Orléans et icelle mectre en obéissance de par le Roy. Et contre le duc de Bourbon, qui avoit fort gasté et destruit le pays de Charolois, furent envoiez Amé de Viry, Fribourg et autres, lesquelz très fort gastoient le pays de Bourbonnois, eulx et leurs gens, dont ilz avoient grant planté en leur compaignie; et aussi le pays de Beaujolois. Et de fait alèrent courre à puissance et estandard desployé, en très belle ordonnance, devant Villefranche, où estoit le duc de Bourbon, et avecques lui son frère le bastard, nommé messire Hector, lequel estoit vaillant chevalier, expert et renommé en armes et en fais de guerre, et avec ce estoit fort et puissant et bien formé de sa personne. Si estoient avecques eulx pour ce jour très grant nombre de chevaliers et escuiers du pays dudit duc. Lesquelz, quant ilz virent leurs ennemis devant eulx, se mirent en moult belle ordonnance, et alors saillirent hors de pié et de cheval en toute puissance, et mesmement le duc se mist hors de la ville en bataille pour iceulx combatre. Et adonc commença l'escarmouche très dure entre les parties, et y eut de grandes entreprinses d'armes tant d'un costé comme d'autre. Et par espécial, ledit bastard de Bourbon, qui conduisoit les coureurs par manière d'avant-garde, se y porta ce jour très vaillamment et chevalereusement, et se féry de telle façon dedens ses adversaires, que son frère le

1. Le ms. Suppl. p. 93, porte: Le seigneur de Hambuye. Il ne faut lire, ni Hambuye ni Hambures, mais Rambures, qui est le vrai nom et qui, dans notre texte, se trouve ainsi écrit, la dernière fois qu'il y est mentionné.

2. « Fierbourg. › (Suppl. fr. 93.)

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