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estendre. Après laquelle ordonnance ainsi faicte et qu'ilz veoient leurs ennemis venir vers eulx, furent faitz nouveaulx chevaliers, tant par ledit connestahle, comme par aucuns autres là estans, c'estassavoir, Jehan de Lucembourg, Jehan de Beausault, Rolequin, fils du vidame d'Amiens, Alart de Herbaumes, Le Brun de Sains, Raoul de Neelle, Raillart d'Escaufours, Regnault d'Azincourt et plusieurs autres. Et adonques ledit connestable se mist à pié au plus près de sa bannière, et incontinent, lesdiz Orléanois, lesquelz pour ce temps on nommoit en commun langage Armignacs, vindrent, une partie courant à grant force tout à cheval, dedens la ville, cuidans soudainement envayr leursdiz adversaires avant qu'ilz en feussent advertis. Et quant ilz perçurent qu'ils estoient tous ensemble en ordonnance de bataille, si se rassemblèrent ensemble et en faisant grant bruit et grans criz se boutèrent tous à cheval dedens les archers et arbalestriers, et en occirent de première venue jusques à douze ou environ. Et les autres se mirent oultre ung fossé assez avantageux, et commencèrent à tirer, tant de leurs arcs que de leurs arbalestes, assez continuellement, et tellement se y maintindrent qu'ilz grevèrent très grandement les Orléanois et les mirent en desroy par force de traict, lequel les chevaulx ne povoient souffrir, et ruèrent jus plusieurs de leurs maistres. Et adonc le connestable fist marcher sa bataille et aler avant pour assembler à eulz, et leur escria à haulte voix : « Çà ribaudaille, veez me cy que vous querez. Venez à moy.» Lesquelz, qui résister ne povoient, principalement pour le desroy de leurs chevaulx, qui estoient blessez si qu'ilz ne les povoient conduire, commencèrent tantost tourner le

y

dos et eulx mectre à la fuite. Et lors, les gens d'icellui connestable, tant hommes d'armes comme archers, en eslevant grans cris, commencèrent de toutes pars à férir et effondrer en eulx, et les navrer et occire cruelement. Et par espécial, les dessusdiz archers, qui estoient légèrement armez, les poursuivirent asprement et en firent maint mourir à grant martire. Et là, en ce mesme lieu, auprès de l'assemblée avoit ung vivier dedens lequel plusieurs des dessusdiz [chevaulx] trébuchèrent, à tout leurs maistres. Et lors de rechef eut ung vaillant homme d'armes breton qui se féry dedens lesdiz archers, espérant que ses compaignons le suivissent; mais tantost fut tiré jus de son cheval et mis à mort très cruellement. Et adonc icellui connestabble, voiant ses ennemis estre tournez à déconfiture, fist incontinent plusieurs de ses gens monter à cheval, et les poursuivy vigoreusement. En laquelle poursuite en furent mors et prins grant nombre, et les autres se saulvèrent en Alençon et autres lieux et fortresses de leur obéissance. En oultre, iceulx retournans de la chasse ramenèrent bien quatre vingts prisonniers de leurs adversaires devers ledit connestable. Lequel ilz trouvèrent avec ses chevaliers, où ilz faisoient grant joye pour la victoire qu'ilz avoient obtenue contre leurs ennemis. Entre lesquelz prisonniers estoit le seigneur d'Asnières et messire Jannet de Garpchères ', filz du seigneur de Croisy, lequel estoit à ceste besongne avec ledit connestable. Et quant il vit son filz qui estoit venu contre lui, il fut esmeu de si grant ire, que se on ne l'eust tenu il eust tué sondit filz.

1. Jannet de Garencières.

Or est vérité que ceulx qui estoient venus à ladicte journée contre ledit connestable, avoient amené grant nombre de paysans, en entencion qu'ils deussent ruer jus leurs adversaires. Mais le contraire leur advint. Car ilz furent mors, bien trois cens ou environ, et en y eut de prins, bien de six à sept vingts. Et tantost après se retrahy ledit connestable, à tout son ost, dedens ladicte ville de Saint-Remy au Plain, dont il s'estoit deslogié le matin. Duquel Saint-Remy ceste journée et ceste besongne porte le nom à tousjours. Et là fist préparer ses gens afin d'assaillir le chastel. Mais ceulx qui estoient dedens, véans leur secours mis à desconfiture, se rendirent incontinent au connestable ou nom du Roy, lequel ainsi les reçeut. Et les gens du ΓΟΥ de Cécile, qui estoient environ huit cens bacinets d'hommes d'armes à Eslite' en la conté d'Alençon, tantost qu'ilz sceurent les nouvelles que lesdiz Orléannois estoient assemblez pour courir sus au siège de SaintRemi, ilz constituèrent et ordonnèrent quatre vingts bacinetz, et les envoièrent au connestable audit lieu de Saint-Remi pour lui faire secours et aide. Lesquelz y arrivèrent dedens quatre heures après, et pour la grande desconfiture et reddicion du chastel, duquel ilz ne sçavoient riens, eurent moult grant joye. Et puis se départirent tous dudit lieu, en délaissant garnison oudit chastel, et s'en retournèrent lesdiz de Cécile devers le roy leur seigneur, et le connestable s'en ala à Belesme avecques ses gens, c'estassavoir le mareschal de France et messire Antoine de Craon. Lesquelz, là venus, tantost après, le roy de Cécile' et toutes ses gens d'armes 1. « A Leslite.» (Suppl. fr. 93.)

2. Notre texte introduit ici les mots devers le roy leur seigneur

vindrent hastivement oudit lieu de Belesme, et en sa compaignie plusieurs archers et arbalestriers et habillemens de guerre, lesquelz assirent et ordonnèrent leur siège. C'estassavoir le roy de Cécile et ses gens ocupèrent la moitié dudit chastel, et ledit connestable et ledit mareschal de France ocupèrent l'autre moitié dudit chastel, et moult fort le commencèrent à envayr et assaillir poissamment et incessamment. Et tant y continuèrent que les asségez, non puissans résister, rendirent eulx et ledit chastel au roy par condicion. Et puis après que garnison fut mise en la ville et ou chastel, de par le Roy, le connestable se parti et s'en ala, lui et ses gens, vers Paris, et le mareschal s'en retourna vers Dreux, et le roy Loys avecques ses gens s'en ala devers le Mans Saint Julien pour garder les terres de son pays d'Anjou. Lequel connestable venu devers le Roy, le duc d'Acquitaine et le duc de Bourgongne, oudit lieu de Paris, fut grandement par iceulx festyé et honnouré, tant pour la victoire qu'il avoit eue oudit lieu de Saint-Remy, comme pour autres besongnes qu'il avoit achevées honnorablement au voiage dessusdit. Et lui fut prestement assignée certaine grant somme de pécune pour paier ses gens d'armes qui l'avoient servi ou voiage dessusdit, et avec ce lui furent donnez grans dons, tant de par le Roy, comme par le duc de Bourgongne.

Durant lequel temps, Amé de Viry et le bastard de Savoye menèrent forte guerre au duc de Bourbon ou

et le connétable, mots qui ne se trouvent pas dans Suppl. fr. 93, et qui rendraient la phrase inintelligible.

1. Le Mans, dont la cathédrale est sous l'invocation de saint Julien. Le ms. Suppl. fr. 93 porte simplement Le Mans.

pays de Beaujolois. Et environ la my-avril eurent ung grant rencontre assez près de Villefranche, et ruèrent jus deux capitaines du duc de Bourbon, c'estassavoir Viguier et Raffort1 et Bernardon de Sères et avecques eulx huit vingts hommes d'armes, tant chevaliers comme escuiers; et peu en eschapa qu'ilz ne feussent tous prins ou mors.

Et d'autre partie, le seigneur de Heilly et Enguerran de Bournonville mectoient en grant subjection le pays de Poictou, et en ces propres jours destroussèrent deux cens combatans des gens du duc de Berry assez près de la ville de Montfaulcon'.

En oultre, le grand maistre d'ostel du Roy, c'estassavoir messire Guichard Daulphin, le maistre des arbalestriers de France et Jehan de Châlon3, à tout dix mille chevaulx, alèrent de par le Roy mectre le siège devant la ville de Saint-Furgeau en Nyvernois', appartenant à Jehan, fils du duc de Bar. Et eulx là estans actendoient de jour en jour à estre combattus par leurs adversaires. Néantmoins après qu'ilz eurent là esté environ douze jours, et perdu plusieurs de leurs gens, qui y furent mors et navrez, la ville se rendi en leur obéissance, et y fut mise garnison de par le Roy.

Et pareillement le seigneur de Saint George et autres nobles du pays de Bourgongne, estoient pour lors en Gascongne, et faisoient guerre au conte d'Armignac.

Messire Helion de Jaqueville se tenoit vers Estampes

1. Le ms. Suppl. fr. 93 porte « Viguier de Ruffort. » 2. Montfaucon, seigneurie du Poitou dans l'élection de Chatellerault.

3. Jean de Châlon, sire d'Arlay et prince d'Orange.

4. Le ms. Suppl. fr. 93 porte « Saint-Fourgau en Yvernois. »

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