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et conquestoit chascun jour sur les Orléanois, lesquelz pour ce temps avecques tous ceulx qui tenoient leur parti, estoient moult infortunez. Car de tous costez on leur faisoit guerre. Et pour y remédier et avoir aliance contre leurs adversaires, envoièrent, les seigneurs dont mencion est faicte, leurs ambaxadeurs solemnelz devers le roy Henry d'Angleterre, [qui] moyennant les seellez et lectres de crédence qu'ilz avoient portez des seigneurs de France qui là les avoient envoiez, traictèrent tant avec icelluy Roy qu'il fut content d'envoier ausdiz seigneurs huit mille combattans, desquelz seroient les chefz son second filz Thomas, duc de Clarence'. Et pour de ce avoir seureté bailla aux dessusdiz ambaxadeurs ses lectres seellées de son grand seel. Lesquelles ilz apportèrent en France devers lesdiz de Berry, d'Orléans, de Bourbon et d'Alençon et autres, lesquelz à leur retour ilz trouvèrent à Bourges en Berry. Et furent bien joieux quant ilz virent le seellé du roy Henry d'Angleterre. Car chascun jour ilz actendoient d'en avoir à faire, par ce qu'ilz estoient tous acertenez que le duc de Bourgongne amenoit le roy de France avecques toute sa puissance contre eulx, pour les conquerre et subjuguer.

1. Voy. plus haut, p. 247.

CHAPITRE XC.

Comment le Roy de France, à grant puissance, se parti de Paris pour aler à Bourges. Et des lettres du roy Henry d'Angleterre. Et autres

matières.

Or est vérité qu'en ce temps le roy Charles de France, pour mectre ses ennemis en obéissance, par la déterminacion de son grant conseil, manda par tout son royaume gens d'armes et gens de traict à venir devers lui vers Paris et Meleun. Et avec ce fut mandé grant nombre de charroy et charètes. Et pareillement les ducs d'Acquitaine et de Bourgongne firent trèsgrant mandement. Et quant tout fut prest et que le Roy se devoit partir pour aler en ce voiage, les Parisiens en grant quantité, avec ceulx de l'Université de Paris, alèrent devers lui en son hostel de Saint Pol, et, présent son conseil, lui requirent instamment qu'il ne feist nul traictié et accord avecques ses adversaires, sans ce qu'ilz y feussent expressément comprins et dénommez. Et remonstrèrent comment ses adversaires les avoient en grant hayne pour ce qu'en tous temps ilz avoient tenu son parti et le servy contre eulx. Laquelle requeste leur fut octroiée par le Roy et son conseil. Lequel roy yssi de Paris en noble arroy, le jeudi cinquièsme jour de may de cest an, et s'en ala au giste au Bois de Vincennes, où estoit la royne, sa compaigne. Et de là, icelle avecques lui, par Corbueil ala à Meleun, où il séjourna par aucuns jours en actendant ses gens. Et le dimenche ensuivant', se partirent dudit lieu de

1. Le 8 mai 1412.

Paris les ducs d'Acquitaine et de Bourgongne, et s'en alèrent à Meleun devers le Roy. Ouquel lieu et à l'environ, venoient gens en grant multitude de plusieurs parties du royaume de France. Et le samedi ensuivant, xxi jour dudit moys' de may, se parti ledit roy, de Meleun, en sa compaignie les ducs d'Acquitaine, de Bourgongne, de Bar, et les contes de Mortaigne et de Nevers, avecques plusieurs autres grans seigneurs, chevaliers et gentilz hommes. Et avoit conclud avec son grant conseil à jamais retourner de son entreprinse jusques à ce qu'il auroit mis en son obéissance les ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon, et tous les autres aliez. Et s'en alèrent à Moret en Gatinois, et de là à Monstereau où fault Yonne. Ouquel lieu de Monstereau, le Roy fut blécié en la jambe de la roupture d'un cheval. Et de là, s'en ala à Sens en Bourgongne, où il séjourna par six jours pour cause de ladicte bleceure. Et tousjours estoient la royne et la duchesse de Bourgongne en sa compaignie, lesquelles, reçeu le congié de leurs seigneurs, retournèrent au Bois de Vincennes. Et le conte de Charrolois, seul filz au duc de Bourgongne, par l'ordonnance de son père s'en ala demourer à Gand. Et tantost après la Royne s'en ala demourer à Meleun, et y tint son estat.

Durant lequel temps les Anglois de la frontière de Boulenois prindrent d'emblée la forteresse de Bane

1. Il y a ici un dix de trop. Il faut lire le 14, comme dans le ms. Suppl. fr. 93.

2. C'est-à-dire d'une ruade, comme l'indique plus clairement le ms. Suppl. fr. 93: « Fu bléchié en la gambe de la regetture d'ung cheval. » Voy. le Religieux de Saint-Denis, qui parle plus au long de cet incident. (Chron. de Ch. V1, t. V, p. 637.)

langeen située entre Ardre et Calais1, laquelle appartenoit au damoiseau de Dixemue' en héritage, non obstant que pour lors y avoit trêves seellées entre les deux roys. Et fut commune renommée que le capitaine d'icelle fortresse, nommé Jehan de Stinbèque, la vendi et en receut certaine somme d'argent des Anglois. Pour laquelle prinse, lendemain quant les nouvelles en furent espandues par le pays, le peuple tenant la partie du Roy en furent fort troublez3, mais ilz n'en peurent avoir autre chose, et leur convint soufrir. Si demoura ledit capitaine et sa femme paisiblement avec iceulx Anglois, et par ainsi fut assez apperceu que la prinse du fort avoit esté faicte de son gré. Et avec ce, certains souldoiers qu'il avoit avec lui, furent détenus et mis à finance.

En oultre, le roy Henry d'Angleterre, de l'affinité et aliance de mariage qu'il avoit voulu avoir pour son filz aisné avecques la fille du duc de Bourgongne, fut pour ce temps du tout refroidie par le moien des aliances dont dessus est faicte mencion, qu'il avoit faicte avec les adversaires dudit duc. Et aux Gantois, à ceulx de Bruges, d'Ypre et du Franc, envoya lectres en françois par ung sien hérault. Desquelles la teneur s'ensuit:

« Henry, par la grace de Dieu roy d'Angleterre et de France, seigneur d'Yrlande. A honnourez et sages seigneurs, bourgois, eschevins et advouez des villes de Gand, de Bruges, d'Ypre, et du territoire du Francq, noz très chers et espéciaulx amis, salut et dilection.

1. Balinghen, à 3 kilomètres d'Ardres.

2. Dixmude.

3. En fu le peuple tenans la partie des Franchois, fort tourblés. (Suppl. fr. 93.)

Très chers et honnorez seigneurs et amis, il est venu à nostre congnoissance par relacion créable, comment soubz umbre de nostre adversaire de France, le duc de Bourgongne, conte de Flandres, prent et veult prendre son chemin vers nostre pays d'Acquitaine, pour icellui destruire et gaster et noz subgetz et par espécial noz bien chers et amez cousins les ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon, les contes d'Alençon, d'Armignac et le seigneur d'Albret. Pour quoy se vostre seigneur veult persévérer en son injurieux et mauvais propos, vous nous vueillés par le porteur de ceste certifier par vos lectres le plus tost que vous pourrez, se ceulx du pays de Flandres veulent pour leur partie tenir les trêves entre nous et eulx derrenièrement tenues et eues, sans vous assister au mauvais propos de votre seigneur contre nous. Entendans, honnourez seigneurs et amis, que ou cas que vous et les communes de Flandres les vouldroient garder et tenir ou prouffit du pays des Flandres, nous entendons et avons proposé de faire pareillement pour nostre par tie. Très chers et honnorez amis, le Saint-Esperit vous ait en sa sainte garde. Donné soubz nostre privé séel, en nostre palais de Westmoustier, le xvio jour de may, XIII an de nostre règne1.

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Sur lesquelles lectres les Flamens respondirent et dirent au porteur que les trêves dont lesdictes lectres faisoient mencion ne vouloient nullement enfraindre, et qu'au roy de France, leur souverain seigneur, et le duc de Bourgongne, conte de Flandres, serviroient et

1. Pour constater l'exactitude de Monstrelet, cf. Rymer (t. IV, part. II, p. 12), où cette pièce est imprimée.

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