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Bournonville, escuiers. Ausquelz seigneurs de Croy et de Heilli, les deux mareschaulx de France, c'estassavoir messire Bouciquault et le seigneur de Longin', absens et en autres besongnes commis de par le roy de France, furent les devantdiz de Croy et de Heilli, députez de par le Roy à exercer les offices de mareschal de France. Et l'arrière-garde conduisoient les seigneurs d'Erlay, c'estassavoir messire Jehan de Chaalons', le seigneur de Vergy, le mareschal de Bourgongne3, le seigneur de Ronq et le seigneur de Rasse. Et en la bataille, estoit le Roy de France et avecques lui estoient les ducs d'Acquitaine, de Bourgogne et de Bar, les contes de Mortaigne et de Nevers, messire Guillaume de Mortaigne et grant planté de chevalerie. Lesquelz, tous là venus en une plaine assez près d'un aulnoy * face à face de la cité, furent bien l'espace de trois ou quatre heures en ordonnance pour adviser et composer les lieux de leurs logis et pour deviser et bailler à chascun sa place, ainsi comme à chascun capitaine appartient. Et là, assez près d'un gibet de la cité, furent sais plus de cinq cens chevaliers. Desquelz et aussi de plusieurs autres qui n'avoient porté bannières, furent moult de bannières eslevées. Et puis commencèrent à approucher la ville de plus près entre les marets d'un petit fleuve devantdit et l'autre marets. Et lors commencèrent à tendre leurs tentes et

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1. C'est Louis de Loigny.

2. Jean de Châlon, prince d'Orange et seigneur d'Arlay.

3. C'est un seul et même personnage : Jean de Vergy, seigneur de Fouvans, maréchal de Bourgogne.

4. D'un bouquet d'aulnes.

3. L'Auron.

leurs paveillons, et firent plusieurs logis ès vignes et contre les masures des maisons du prioré de SaintMartin des Champs de l'ordre de Clugny et d'un pan de faulxbourgs, lesquelz avoient esté destruiz et désolez par ceulx de la ville avant la venue des dessusdiz, et contre les arbres et grans noiers qui là estoient. Et est vérité que aucuns pour la grant soif qu'ilz avoient tirèrent de l'eaue des puys qui estoient desdiz faulxbourgs, mais quiconques en buvoit ilz mouroient soudainement, jusques à ce que l'on s'apperceut de la mauvaistié et fraude. Et adonques fist-on crier à son de trompe et défendre de par le Roy, qu'il ne feust homme nul qui tirast ne beust eaue du puis, et qu'elle estoit empoisonnée, mais beussent et usassent de l'eaue des fontaines et des ruisseaulx courans. Sur quoy leurs adversaires dirent et affirmèrent depuis pour vray que esdiz puis avoient gecté une herbe que on appelloit selon les Grecs [ysatis]' et les Latins gesdo', et cela avoient-ilz fait afin qu'ilz en mourussent, et aussi pour ce qu'ilz ne povoient bonnement passer les marets ne lesdiz fleuves, pour la doubte des asségans. Et ores y avoient franc aler et venir. Et pareillement povoient aler à tous chariots et charètes pourveoir leurs vivres et neccessitez et les mectre et mener en leur ville. Dont lesdiz seigneurs et tout l'ost estoient moult courroucez. Néantmoins firent tantost ordonner en certains

1. Suppl. fr. 93. Le mot est omis dans notre texte.

2. Gesdo? Faut-il entendre par là la guesde ou guède, plante tinctoriale, mais privée du reste de propriétés toxiques.

3. « Et aussi pour ce que ilz ne povoient bonnement passer és marès ne ès gues desdiz fleuves, pour la doubte des asségiez lesquelz y avoient franc aler et venir.» (Var. du Suppl. fr. 93.)

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lieux leurs engins et tout ce qui à faire assault leur estoit convenable. Et la nuit prouchaine fichèrent leurs tentes et fermèrent leurs places, et y mirent grant quantité de gens d'armes. Et commença là une forte guerre entre eulx et ceulx de la ville, gectant continuellement les ungs contre les autres de trait, de canons, de bricoles et de bonnes arbalestes, et par grant effort de lances et d'espées se combatoient souvent. Et par espécial, ceulx de la ville navrèrent et occirent plusieurs de leurs adversaires, de canons et arbalestes. Et souventesfois les injurioient de paroles, en les appellant: «< Faulx traistres Bourguignons, vous avez icy amené le Roy et enclos en sa tente, comme non sain de propos et de pensée. » Et appelloient le duc de Bourgongne faulx homicide, en disant que se il n'eust là esté, ilz eussent ouvert leurs portes au Roy et lui eussent fait toute obéissance. Et d'autre part, au contraire leurs adversaires les appelloient : Faulx traistres, Armaignacs, rebelles contre le Roy leur seigneur souverain. Et moult d'autres injures et obprobres disoient les ungs aux autres. Mais le duc de Bourgogne, qui souvent les oioit, n'en disoit mot, ains pensoit tousjours de les grever. Et le mercredi xi jour du mois de juing, furent trêves données entre lesdictes parties à la requeste du duc de Berry. Durant lesquelles il advint que aucuns des famillers du Roy, espris de trayson, mandèrent à ceulx de la ville: «< Yssez dehors il est temps,» sachans ce qu'ilz avoient à faire. Lesquelz incontinent entre une et deux heures

1. Bricoles, machines de jet, du genre de la fronde, mais d'une tout autre puissance.

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après midi, le Roy estant en sa tente et aussi les ducs d'Acquitaine et de Bourgogne, qui reposoient, et aussi la plus grant partie de l'ost estans désarmez comme ceulx qui de riens ne se doubtoient, yssirent de la ville par deux portes environ cinq cens hommes d'armes gens d'eslite, lesquelz prindrent leur chemin par les vignes le plus quoiement et secrètement qu'ilz porent, non voulans estre apperceuz et qu'ilz peussent venir sur ceulx de l'ost et leur courir sus, aians voulenté de prendre le Roy et son filz en leurs tentes, et occire le duc de Bourgogne. Mais ce qu'ilz doubtoient 1 advint. Car deux paiges au seigneur de Croy, qui lors menoient deux coursiers rafreschir, en les abeuvrant apperceurent les dessusdiz, lesquelz soudainement tirèrent leur frain et s'en coururent le plus vistement qu'ilz porent devers l'ost crians : « à l'arme! veez cy nos ennemis qui viennent et saillent hors de la ville, » et tant que leurs voix furent oyes. Et tantost chascun sailli hors de sa tente et de son logis, et incontinent s'armèrent. Si accoururent ceulx de l'avangarde à l'encontre d'eulx et tant, qu'ilz vindrent l'un contre l'autre commençans à férir de lances et de glaives. Mais les asségez sans délay furent tellement oppressez de leurs adversaires, lesquelz acouroient de toutes pars en grant nombre, que plus ne porent tenir place. Et prestement en eut bien six vingts mors et quarante prins ou environ, et les autres commencèrent à fouir et à reculer. Et rentrèrent en leur ville à grant exploict, le seigneur de Gaucourt ou front devant'. Et

1. Suppl. fr. 93. Notre texte met doubtèrent.

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2. C'est-à-dire que les assiégés eurent à livrer un vif com

entre les mors y estoit Guillaume Batillier, lequel naguères avoit esté prins à Saint Cloud et délivré à Guillaume de Chaalons. Lesquelz 1, après ce qu'ilz furent despoullez, furent gectez en ung des puis qu'on disoit avoir esté empoisonnez, et là eurent leur sépulture et cimetière. Et entre les autres qui furent prins, y estoit le grant maistre d'ostel du duc de Berry, et avecques lui ung escuier du seigneur d'Albret, et le principal queux dudit d'Albreth qui avoit nom Gustart. Lequel dist en la présence de plusieurs, qu'il diroit et nommeroit les faulx traistres qui à celle heure leur avoient fait faire celle entreprinse. A laquelle accusacion furent prins, lendemain, maistre Geoffroy de Buillon, secrétaire du duc d'Acquitaine et de la famille du seigneur de Boissay, premier maistre d'ostel du Roy; après, ung nommé Giles de Torcy, escuier, natif de Beauvais, son varlet, et Enguerran de Fèvre, escuier, qui estoit Normant de nacion. Lesquelz pour ceste cause furent décolez devant la tente du Roy'. Et ledit seigneur de Boissay, par soupeçon fut mis prisonnier, et fut présent à décoler les dessusdiz. Or est vérité que aucuns des gens du Roy et qui estoient en son ost, pour faire et donner aide aux asségez, ung certain jour, c'estassavoir aucuns Anglois et François,

bat pour rentrer dans leurs murs, pendant que Gaucourt faisait face aux assiégeants.

1. Les morts.

2. « Aussi y en eut-il d'autres, qui faisoient sçavoir dedans la place tout ce qu'ils pouvoient sçavoir de l'ost du Roy. Et se nommoient Gilles de Soisy, Enguerran de Senne, et maistre Geoffroy de Buyllon, secrétaire du Roy, lesquels furent pris et confessèrent le cas, par quoy eurent les testes couppées. » (Juv., p. 241.)

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