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lesquelz estoient soubz Amé de Viri, jusques au nombre de trois cens, dont les deux cens se partirent pour eulx en aler et entrèrent dedens la cité. Mais ains qu'ilz sceussent ou peussent tous entrer dedens la porte, furent si roidement poursuys de ceulx de l'ost que plusieurs en furent mors de lances, d'espées et de traict. Et aussi la moitié de la garnison de Gien sur Loire, qui estoient environ quatre cens cuiraces, le samedi xix® jour du moys de juing, bien matin, semblablement entrèrent dans la cité. Mais avant que tous y peussent estre receus, aucuns de ceulx de l'ost, desquelz ilz furent apperceuz, les assaillirent et envayrent terriblement, et tant qu'ilz en occirent bien de cent à six vingts.

En oultre le Roy estant à son siège devant Bourges, comme dit est, les varlets et fouragers de son ost, lesquelz de jour en jour quéroient vivres pour leurs chevaulx, par les agais de leurs ennemis estoient souvent poursuys, prins et emmenez, et aucuns laissez pour mors, et leurs chevaulx perdus, pour tant qu'il leur faloit aler querre lesdiz vivres six ou huit lieues loing. Par quoy ilz eurent moult de disète oudit ost, et aussi pour ce que les charues et charètes qui venoient de France et de Bourgongne, les souldoiers des asségez et leurs complices, c'estassavoir ceulx de Saint-Césaire' et d'autres pays qui n'estoient mie de l'obéissance du Roy, quant ilz venoient ou povoient destrousser les dessusdiz, prenoient toutes leurs vivres et provisions et les convertissoient à leur usage. Dont grant famine advint soudainement en l'ost du Roy, et

1. Sancerre (Sacrum Cæsaris).

tellement que plusieurs en soustindrent grant povreté et feblesse de cuer, pour la défaulte de pain. Mais ce ne dura point longuement en tel point. Car au pourchas de messire Guischard Daulphin, la ville et le chastel de Saint-Césaire, qui plus malement leur nuisoit, ung certain jour lesdiz souldoiers yssus et portans vivres à ceulx de la cité de Bourges, furent rencontrez et se rendirent au Roy. Et par ainsi de la soufreté et mésaise qu'ilz avoient souffert furent relevez compètemment et rassasiez par les dessusdiz. En la fin du mois de juing, ung jour après soleil couchant, yssirent de ladicte cité de Bourges quatre cens hommes d'armes ou environ, lesquelz avoient esté induis ou advertis par les prisonniers qu'ils avoient, que le prévost de l'amiral de France et le vidame d'Amiens venoient au siège devers le Roy, et amenoient de Paris grant planté de finances pour paier les souldoiers du siège. Pour quoy, iceulx chevauchans se mirent ès bois en certains passages par où iceulx devoient passer, afin que tellement les peussent envayr et courir sus, qu'ilz les peussent destrousser de ce qu'ilz menoient. Laquelle chose vint à la congnoissance du seigneur de Ronq, par ses gens et guètes qui les avoient veuz yssir, lequel appella tantost le duc de Lorraine et le seigneur de Heilli, et, à tout cinq cens hommes d'armes ou environ, ainsi comme ilz se aloient en fourrage, se partirent de l'ost et par dessus ung vielz pont, lequel ilz refirent le mieulx qu'ilz porent, passèrent l'eaue et se logèrent quoyement en ung village, et celle nuit envoièrent leurs espies pour savoir la contenance de leurs ennemis. Et tant firent que finablement les trouvèrent où ilz actendoient sans délay lesdictes finances, qu'ilz

cuidoient prendre et desrober. Mais eulx mesmes furent prins. Car tantost et incontinent que les dessusdiz sceurent où ilz estoient, les vindrent envayr et courir sus, et là furent tantost vaincus. Si en y eut plusieurs prins et mors et les autres qui porent eschaper s'en tournèrent en fuite et se saulvèrent. Entre lesquelz fut prins ung gentil homme d'armes nommé Guischardon de Sere. Et ce fait, ledit duc de Lorraine et lesdiz seigneurs de Ronc et de Heilli, à tous leurs prisonniers, s'en retournèrent en l'ost du Roy, joyeulx de leur victoire. Pour laquelle aventure et aussi pour plusieurs autres assez pareilles, le duc de Berry et ceulx qui estoient avecques lui dedens sa cité de Bourges, furent très dolens et courroucez, tant pour ce, comme pour le désolacion de sa cité et de son pays et pour la destruction de ses chevaliers et escuiers, qu'il veoit estre mors et navrez chascun jour. Néantmoins de toute sa puissance mist son affection de soy défendre contre tous ceulx qui nuire lui vouloient. Et advenoit très souvent que ses gens portoient grant dommage à ceulx de l'ost.

Et pendant que ces besongnes se faisoient, messire Philebert de Lignach', grant maistre de Rodes, qui estoit en la compaignie du Roy, s'emploia par plusieurs et diverses foiz à inciter les deux parties adverses à estre d'accord et faire paix l'un avec l'autre. Et entretant vint audit siège le mareschal de Savoye, et avecques lui aucuns chevaliers et escuiers dudit pays, lesquelz furent là envoiez de par leur seigneur le conte de Savoye devers les deux parties, afin de traicter

1. Philibert de Naillac.

qu'ils feissent paix ensemble. Lequel mareschal et ceulx qui avec lui estoient venus, se joignirent avec ledit maistre de Rodes, et firent grandes diligences d'aler d'un costé et d'autre, tout par le consentement du Roy, et par espécial devers le duc d'Acquitaine qui présidoit et estoit lieutenant du Roy, avecques lesquelz furent ordonnez le maistre des arbalestriers de France, le séneschal de Haynau, le seigneur de Gaucourt, le seigneur de Tignonville, le seigneur d'Ambrecicourt, le seigneur de Barbasan, et autres avecques eulx. Lesquelles deux parties entendirent diligemment à mener leurs traictiez à fin et conclusion. Et pour y parvenir furent par plusieurs foiz devers les princes d'un costé et d'autre. Mais à brief dire il ne fut point en eulx de les avoir conclud si hastivement. Car une chascune partie se disoit grandement estre intéressée. Et entre les autres choses estoit fort ramenteu ce que les asségez avoient envoyé leurs gens sur l'ost du Roy à main armée, pour leur courir sus durans les trêves dont paravant est faicte mencion. Et par ainsi, pour plusieurs raisons se atargèrent aucunement lesdiz traictiez.

CHAPITRE XCIV.

Comment le roy Charles de France se desloga et ala à l'autre costé de la ville de Bourges à tout sa puissance, où se firent les traictiez d'entre les deux parties.

En après est vérité que quant le Roy et tout son ost eurent sis environ ung moys devant la cité de Bourges, du costé de la Charité sur Loire, voyans que ladicte cité ne povoient bonnement dommager, et aussi que

ceulx de ladicte ville estoient chascun jour par l'autre costé rafreschis et bien pourveuz de vivres et autres leurs neccessitez, se desloga d'ilec et fist bouter les feux par tous les logis. Si s'en ala loger à la dextre partie de la cité, à quatre lieues ou environ sur la rivière assez près de Yèvre le Chastel. Et pour ce, ceulx de la ville voians leurs ennemis ainsi desloger soudainement, cuidèrent qu'ilz s'en fuissent et retournassent en France pour la doubte des Anglois, lesquelz leur avoient promis confort et aide; si en avoient grant joye. Si en y eut plusieurs yssans d'icelle ville en entencion de gaigner et prendre aucuns de l'ost du Roy, et par espécial y saillirent moult des paysans. Mais il advint autrement qu'ilz ne pensoient. Car Enguerrant de Bournonville' demourèrent derrière embuschez, à tous quatre cens hommes d'armes, et quant ilz virent leur point, ilz férirent en eulx et en prindrent et occirent plusieurs, et après s'en retournèrent en l'ost du Roy. Et lendemain, le Roy, à tout son ost, passa la rivière pour aler devers Bourges par l'autre costé vers Orléans, à fin, comme ilz avoient fait à l'autre costé, [qu'ilz] gastassent et destruisissent tous les vivres du pays à l'environ. Et quant ceulx de la cité perceurent qu'ilz passoient l'eaue, tantost et hastivement boutèrent les feux ès faulxbourgs, qui estoient moult beaulx, afin que leurs ennemis ne se y logassent, et si furent arses aucunes églises qui là estoient, dont ce fut pitié. En oultre le Roy là venu et son ost, se logèrent tout environ de la ville et firent leur ordon

:

1. Ajoutez et aultres cappitaines, comme dans le ms. Suppl. fr. 93.

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