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CHAPITRE XCV.

Comment les seigneurs de la cité de Bourges alèrent devers le Roy et le duc d'Acquitaine, et fut alors la paix faicte et accordée entre les seigneurs.

Le vendredi xv jour du mois de juillet les besongnes conclutes ou assez près, les dessusdiz seigneurs, c'estassavoir les ducs de Berry et de Bourbon, le seigneur de Labreth, le conte d'Eu et messire Jehan de Bar, frère au duc de Bar, accompaignez de plusieurs chevaliers et escuiers portans leurs bendes, yssirent de la cité de Bourges et vindrent en l'ost du Roy et en la tente du duc d'Acquitaine, en laquelle estoient avecques lui les ducs de Bourgongne et de Bar, avec plusieurs autres barons, nobles et gentilzhommes, chevaliers et escuiers, le Roy estant malade en sa manière acoustumée; et là fut le traictié accordé, et s'entrebaisèrent. Et quant le duc de Berry baisa son nepveu le duc d'Acquitaine, les lermes lui cheurent des yeulx.

Lequel traictié entre les autres choses contenoit, que le traictié qui avoit esté fait à Chartres de par le Roy et son conseil entre Charles duc d'Orléans et ses frères

pour la mort de feu Loys duc d'Orléans leur père d'une part, et Jehan duc de Bourgongne pour la mort dessusdicte d'autre part, se tiendra perpetuellement, et si s'entretiendront les mariages autre foiz devisez entre ledit d'Orléans et la fille audit duc de Bourgogne. En oultre ledit duc de Berry, avecques les autres seigneurs de son parti, rendra en l'obéissance du Roy toutes les villes et chasteaulx partout là où le Roy les vouldra prendre et avoir, et lui priera qu'il lui vueille

remectre et pardonner s'il ne lui a tost rendue l'obéissance de sa cité de Bourges. Et en oultre les deyantdiz seigneurs renonceront à toutes convenances et aliances faictes les ungs avec les autres, et aussi contre tous autres estrangers' contre le duc de Bourgogne. Et pareillement renoncera ledit duc de Bourgogne à toutes aliances et confédéracions quelzconques faictes par lui contre lesdiz seigneurs. En après, le Roy restituera ausdiz seigneurs toutes leurs terres, villes et chasteaulx et fortresses, entièrement et à plain, excepté que ce qui a esté prins et démoli demourra sans restitucion. Et entre plusieurs autres choses à déclairer cy-dedens, les officiers desdiz seigneurs et leurs serviteurs seront restituez en leurs offices et bénéfices.

Et après que iceulx eurent disné, le duc de Berry présenta et rendi les clefs de sa cité de Bourges et la garde d'icelle de par le Roy, au duc d'Acquitaine, et puis s'en retourna dedens sa ville avecques les siens. Et le duc d'Acquitaine, comme lieutenant du Roy, fist crier de par le Roy dans tout l'ost la paix entière entre le Roy et lesdiz seigneurs et princes. Et fut inhibé et défendu de par le Roy, que doresenavant ne feust aucun d'une partie ne d'autre qui nuise ou offense sa partie adverse en aucune manière, en corps ne en biens, ne nomme armaignac ne bourguignon, ou die quelque autre obprobre l'un à l'autre.

Le samedi xvr jour dudit mois, vint le roy Loys de ses pays d'Anjou et du Maine, à tout deux mille et

1. Contre tous autres estrangers (sic) dans le Suppl. fr. 93. Il faut entendre que les seigneurs renonceront aux traités faits entre eux et avec les étrangers, contre le duc de Bourgogne.

2. 16 juillet.

cinq cens hommes d'armes ou environ, chevaliers et escuiers, et en sa compaignie le conte de Penthièvre avec ses Bretons; lequel venoit au siège à l'aide du Roy. Lequel roy Loys fut moult joieux et fist grant feste du traictié et accord fait entre lesdiz seigneurs. Et lendemain ala, lui et le duc de Bar, acompaigné de grant nombre de chevaliers et escuiers dedens ladicte cité de Bourges, et là disnèrent moult grandement avec le duc de Berry et la duchesse sa femme. Et les autres seigneurs disnoient ou palais dudit duc, ouquel il y avoit grant appareil, et très excellentement et grandement furent servis. Après lequel disner s'en retournèrent en l'ost. Et le mercredi ensuivant', quarantième jour du siège, le Roy se desloga de devant ladicte ville de Bourges, ouquel il avoit soustenu grans et exclusifz despens, et à tout son exercite s'en retourna le chemin qu'il estoit venu jusques à la Charité sur Loire, et là se loga. Ouquel lieu vindrent devers lui les ducs de Berry et de Bourbon et le seigneur de Labreth, avecques les procureurs du duc d'Orléans et de ses frères. Et là en la tente du duc d'Acquitaine, lui présent et les autres seigneurs et princes, jurèrent sur les sainctes Évangiles, la paix pourparlée et accordée devant la cité de Bourges tenir fermement et loyaument garder et observer, et si promirent de le jurer en la présence du Roy, et de le faire jurer par le duc d'Orléans et ses frères, lesquelz d'Orléans estoient absens. Et si se obligèrent et firent fort par leur serement de amener lesdiz d'Orléans devers le Roy à certain

1. « A tout deux mille et deux cens hommes d'armes » (Suppl. fr. 93).

2. Mercredi 20 juillet.

jour, lequel leur fut assigné à estre à Aucerre. Et ce fait, s'en retournèrent en leurs places,

Laquelle paix et promesses de nouvel furent publiées de par le Roy, en défendant destroictement que nul de quelque estat qu'il feust, sur peine capitale, ne meffeist l'un à l'autre, en corps ne en biens, ne deist quelque diffame en nulle manière, ne nommast bourguignon ne armaignac. Et ce fait, le roy de Cécile, les ducs d'Acquitaine, de Bourgongne et de Bar et tous les contes, princes, barons et chevaliers s'en alèrent. Et retint le Roy en sa compaignie grant nombre de capitaines de son ost avec une partie de leurs gens d'armes, et à tous les autres donna congié d'eulx en aler. Et de là s'en ala à Aucerre, ouquel lieu se loga en l'ostel de l'évesque; et le roy de Cécile et le duc d'Acquitaine se logèrent en la ville, et leurs gens ès villages d'entour. Et là, en venant audit lieu d'Aucerre, mourut messire Giles de Bretaigne, de flux de ventre, et pareillement le conte de Mortaigne, frère au roy de Navarre', quant il fut amené de Saint-Césaire à Aucerre', mourut de ladicte maladie et fut porté de là à Paris, où il fut enseveli en l'église des Chartreux. Amé de Viri, messire Jehan de Guistelle, Jehan de Dixmude et plusieurs autres moururent en leur retour. Et tant que de ceste maladie moururent bien de mil à douze cens chevaliers et escuiers, sans les varlets, comme il fut rapporté aux seigneurs qui estoient à Auxerre.

1. Pierre, comte de Mortain, frère de Charles III, roi de Navarre. Le parlement alla recevoir le corps à Saint-Antoine des Champs, le vendredi 5 août 1412. Voy. nos Pièces justificatives. 2. De Sancerre à Auxerre.

Et adonques le mareschal Bouciquault, le conte de Foix et le seigneur de Saint-Georges, qui faisoient guerre au conte d'Armignac, oyrent nouvelles que la paix estoit faicte entre le Roy et ses adversaires, pour quoy ilz dérompirent leur armée et donnèrent à leurs gens congié.

Durant lequel temps et que le Roy estoit à Auxerre, au quel lieu il avoit mandé à venir vers lui la plus grant partie des seigneurs de son royaume, avecques ses gens d'église et ceulx des bonnes villes, pour veoir faire les seremens de la paix dont dessus est faicte mencion, lui vindrent d'autres nouvelles qui point ne lui furent plaisans, ne aux princes qui estoient avec-ques lui. C'estassavoir que les Anglois estoient arrivez, à tout leur navire, à la Hogue Saint-Vast, qui est ou pays de Coustantin, et là estoient-ilz descendus à terre et eulx espandus ou pays à l'environ, en pillant, robant et prenant prisonniers. Et estoient environ huit mille combatans, entre lesquelz avoit deux mille bacinetz, et le surplus, archers et varletz. Desquelz estoit le conducteur Thomas, duc de Clarence, second filz du roy Henry d'Angleterre. Lesquelz Anglois venoient au secours de Bourges, pour aider les ducs de Berry, de Bourbon et d'Orléans et tous leurs aliez. Et tantost alèrent devers eulx les contes d'Alençon et de Richemont, qui de cuer joieux les receurent, jà soit ce qu'ilz venoient trop tart en leur aide. Mais ce non obstant les aidèrent de tout leur povoir à pourveoir de vivres pour eulx et leurs chevaulx. Et depuis, se multiplièrent lesdiz Anglois de six cens bacinetz gascons qui avoient

1. Henri IV.

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