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qui à son plaisir gouvernoit les finances du Roy, et le eurent pour ce en soupçon de mal.

Item, le vio jour de juillet, après la mort dudit Orgemont, évesque de Paris, le duc Anthoine de Brabant espousa en sa ville de Brucelles la nièpce du roy de Boesme, à laquelle appartenoit la duché de Lucembourg par la succession de son père '. Le traictié dudit mariage fut fait par le pourchas de l'évesque de Chaalons et de messire Renier Pot'. Et estoient venus avec icelle dame, aucuns chevaliers et escuiers, dames et damoiselles de noble estat, qui lui avoient esté baillées dudit roy de Boesme, son oncle. Si furent à la solennité desdictes nopces, les deux frères dudit duc de Brabant, c'est assavoir le duc de Bourgongne et le comte de Nevers, et leur seur, femme au duc Guillaume, conte de Haynau, le conte de Charrolois et la contesse de Clèves, enfans dudit duc de Bourgongne, le marquis du Pont et Jehan, son frère, et leur seur, contesse de Saint Pol, tous trois, enfans du duc de Bar, les contes de Namur et de Conversen et leurs femmes, avec plusieurs grans seigneurs. Et mesmement y fut le conte de Clermont, filz au duc de Bourbon, lequel jousta et fut servi du duc de Bourgongne et du conte de Nevers; le duc porta l'escu, et le conte, la lance, dont plusieurs, là estant, s'en esmerveillèrent, pour la hayne qui naguères avoit esté entre eulx pour

1. Anthoine de Bourgogne, duc de Brabant, épousa à Bruxelles (le 16 juillet, d'après le P. Anselme, et le 6, d'après Monstrelet) Élizabeth, fille unique du marquis de Moravie, duc de Luxembourg, et nièce du roi des Romains, de Bohême et de Hongrie.

2. Seigneur de La Roche, près Nolay, chevalier de la Toison d'or et chambellan du duc de Bourgogne.

la mort du duc d'Orléans trespassé. Néantmoins, ils furent là tous ensemble en grant concorde et amour l'un avec l'autre. Et fut ceste feste très plantureuse et très habundante de tous biens; à la fin de laquelle, les seigneurs se retrayrent en plusieurs lieux.

Item. Le pénultiesme jour dudit mois de juillet, furent faictes à Meleun, très solemnellement, les nopces de la fille du seigneur de Labreth', connestable de France, et de l'ainsné fils Montagu grant-maistre d'ostel du Roy'. Auxquelles nopces furent présens la royne de France et plusieurs autres grans seigneurs, et furent tous les despens, là, soustenuz et paiez de par le Roy, dont, en continuant, ledit Montagu encouru en grande indignacion et envie de plusieurs princes du sang royal.

Item. En ces mesmes jours furent rompues les trêves d'entre les roys de France et d'Angleterre, et se resmut très forte guerre, par mer tant seulement, dont plusieurs marchans desdiz royaumes soustindrent plusieurs dommages.

Item. Le second jour d'aoust ensuivant, "Pierre de Lezignen, roy de Chipre espousa par procureur Charlote de Bourbon, seur germaine au conte de La Marche. Ausquelles nopces, qui furent faictes dedens le chastel de Meleun, estoit la dessusdicte royne de France, le duc d'Acquitaine et autres ses enfans, le roy de Na

1. Catherine d'Albret.

2. Charles de Montaigu, fils du grand maître Jean de Montaigu.

3. Le roi de Chipre ne s'appelait pas Pierre de Lusignan, mais Jean de Lusignan, connu sous le nom de Jean II ou Janus.

4. Charlotte de Bourbon, fille de Jean II de Bourbon, comte de La Marche, et sœur de Jacques II, qui avait succédé à son père en l'an 1393.

varre, les ducs de Berry et de Bourbon, les contes de La Marche et de Clermont, Loys, duc en Bavière, frère de la royne de France, avec plusieurs dames et damoiselles, qui tous ensemble firent l'un avecques l'autre de très joyeux esbatemens, tant en joustes et dances, comme en sollennitez, boires et mangers et autres consolacions'. Si estoit, ladicte Charlote royne de Chipre, une très belle dame bien adrécée de corps, aournée et condicionnée de toutes nobles meurs. Laquelle, après que celle feste fut faicte, s'en ala honorablement acompaignée d'aucuns grans seigneurs et dames du pays de France que lui bailla son frère, avec aucuns que lui avoit baillé et envoié ledit roy de Chipre pour la conduire et mener jusques audit royaume de Chipre, et arriva premièrement au port de Chérines, et là, vint quérir le roy son mary, qui de sa venue fut moult resjoy, et la mena avec la plus grant partie de la noblesse de son royaume en la cité de Nichosie, ou de rechef il fist faire une moult solennelle feste selon la coustume du pays: Et depuis se conduirent et gouvernèrent l'un avecques l'autre, par grant espace de temps, très honnorablement; et yssi d'eulx moult belle généracion. Desquels sera faicte cy-après plus ample déclaracion.

1. Sic dans Suppl. fr. 93. Solacions ou soulas. 2. Aujourd'hui Cérines, ou Kerynia.

3. Nicosie.

4. On trouve dans l'Histoire de l'ile de Chypre sous le règne des princes de la maison de Lusignan de M. de Mas-Latrie (t. II, p. 494), une décision des Prégadi relative au passage de la reine Charlotte de Bourbon, de Venise en Chypre, datée du 10 janvier 1409. L'embarquement se fit le 6 juin 1411. Le mariage se célébra à Nicosie le 25 août 1411.

CHAPITRE LV.

Comment l'accord fu fait entre le duc Guillaume, conte de Haynnau, et le duc de Brabant. Et du duc de Brabant, et de la vielle contesse de Penthièvre. Et la mort de la duchesse d'Orléans.

Item. Le cinquiesme jour du mois d'aoust et huit jours ensuivans, le duc Jehan de Bourgongne tint grant parlement en la ville de Lisle lès Flandres sur plusieurs ses afaires, et entr'autres pour accorder ses deux frères', c'estassavoir le duc Guillaume et le duc de Brabant, pour la cause dont en autre lieu cy-devant est faicte mencion. Avecques lesquelz ducs furent présens leur seur, femme dudit duc Guillaume, l'évesque de Liège, et le conte de Namur. Et, en fin, ledit duc de Bourgongne conferma la paix totalement entre icelles parties, par telle condicion que icellui duc Guillaume devoit faire paiement, pour toutes debtes, audit duc de Brabant, de la somme de soixante dix mille florins d'or du coing de France, à paier à certains termes ensuivans.

Et après ce parlement finé, ledit duc de Bourgongne, environ la my-aoust ala à Paris, au mandement de la Royne et du conseil royal, et mena plusieurs gens de guerre, lesquelz il fist loger ès vilages vers Paris. Et la cause pour quoy il les y avoit menez, si estoit pour ce que le duc de Bretaigne avoit naguères amené d'Angleterre grant nombre d'Anglois, par lesquelz, avec ses Bretons, il faisoit mener forte guerre.

1. C'est-à-dire Antoine de Bourgogne, duc de Brabant, son frère, et Guillaume de Bavière, comte de Hainaut, son beaufrère.

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à la vielle contesse de Penthièvre et à ses pays. Dont la royne de France et le grant conseil du Roy n'estoient point bien contens, pour ce que c'estoit ou préjudice du royaume. Et aussi le duc de Bretaigne avoit batu et injurić sa femme, fille du roy de France', pour ce qu'elle lui avoit blasmé les cas dessusdiz. Si avoit intencion que icellui duc de Bourgongne, à tout grant puissance et avec lui autres princes et capitaines, yroient ou pays de Bretaigne pour subjuguer ledit duc et mectre en l'obéissance du Roy. Et avoit, ledit duc de Bourgongne, grant désir de y aler, pour secourir ladicle contesse et son beau-filz le conte de Penthièvre".

Mais entretant que lesdictes préparacions lesdictes préparacions se faisoient pour ce faire, par le conseil royal, icellui duc de Bretaigne, sachant par aucunes de ses féables qu'il estoit en l'indignacion de la royne de France, sa bellemère, et de ceulx qui gouvernoient ledit Roy, envoia par le conseil de ses barons certains ambaxadeurs à Paris devers iceulx, lesquelz offrirent de par lui, que du discord qu'il avoit contre ladicte contesse de Penthièvre, il se vouloit submectre sur le Roy et son conseil. En quoy il fut en fin reçeu, par le roy de Navarre. Et furent icelle contesse et son filz, mandez à venir à Paris. Et depuis, y vint ledit duc de Bretaigne. Si fut lors la besongne pourparlée entre lesdictes parties; laquelle enfin fut conclute; et demourèrent paisibles l'un avecques l'autre.

1. Marguerite de Clisson, veuve de Jean de Blois, comte de Penthièvre.

2. Jeanne de France, fille de Charles VI.

3. Olivier de Blois, qui avait épousé Isabelle de Bourgogne en 1406.

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