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CHAPITRE CI.

Comment Henry de Lancastre, roy d'Angleterre, trespassa en cest an, et de l'aliance d'entre lui et les princes de France.

Environ la fin de cet an, Henry de Lanclastre, roy d'Angleterre, qui en son temps avoit esté vaillant chevalier, aigre et subtil contre ses ennemis, et lequel, comme en autres histoires est plus à plain déclairé, pour venir à l'onneur et possession de la couronne dudit royaume d'Angleterre avoit jadis par certains moiens assez estranges et peu honnorables, débouté d'icellui royaume son cousin germain, Richard, roy d'Angleterre, après ce qu'il en avoit joy et possedé paisiblement l'espace de vingt deux ans1, moult agravé et fort oppressé de la maladie de lèpre, termina sa vie et fut mis en sépulture royalment et honnorablement en l'église de Wastmoustier emprès ses prédécesseurs2. Lequel roy délaissa quatre filz, dont le premier, nommé Henry qui estoit prince de Galles, succéda oudit royaume. Le second estoit nommé Thomas, duc de Clarence, le tiers Jehan, duc de Bethfort, et le quart Humfrey, duc de Clocestre. Et si avoit une fille, laquelle fut mariée au Rouge duc de Bavière. Lesquelz quatre filz dessusdiz estoient tous bien adrécez en science et de beau personnage, et depuis eurent chascun beau gouvernement, dont aucune mencion sera faicte après. Toutesfoiz fault icy réciter aucunes paroles

1. Il y a au texte xxu ans. C'est probablement une faute du copiste. Il faut lire x11, Henri V étant monté sur le trône en 1399. 2. Henri IV mourut le 20 mars 1413 (N. S.). Walsingham dit qu'il fut enterré à Cantorbéry (Brev. hist., p. 426).

que icellui roy derrenier jour.

deffunct dist à son ainsné filz en son

Vérité est que lui estant par plusieurs jours si langoreux et débilité de maladie que plus ne povcit, et que ceulx qui de lui avoient la garde, ung certain jour voyans que de son corps n'yssoit point d'alaine, cuidans de vray qu'il feust transi, lui avoient couvert le visaige. Or est ainsi que comme il est acoustumé de faire ou pays, on avoit mis sa couronne royale sur une couche assez près de lui, laquelle devoit prendre incontinent après son trespas sondit premier filz et successeur, lequel de ce faire fut assez prest; si print ladicte couronne et l'emporta sans le donner à entendre ausdictes gardes. Or advint que assez tost après le roy dessusdit gecta ung soupir, si fut son visaige descouvert, et retourna en assez bonne mémoire et tant qu'il regarda où avoit esté sa couronne mise. Et quant il ne la vit point, il demanda où elle estoit, et ses [chambellans] lui dirent : monseigneur le prince vostre filz l'a prinse et emportée. Et lors il dist qu'on le feist venir devers lui. Lequel y vint, et lors le roy lui demanda pourquoy il avoit emporté sa couronne. Et le prince lui dist : « Monseigneur, veez cy en vostre présence ceulx qui m'avoient donné à entendre et affermé que vous estiez trespassé, et pour ce que je suis vostre filz ainsné et que à moy appartiendra vostre couronne et royaume après que vous serez alez de vie à trespas, je l'avoye prinse. » Et adonc le roy en souspirant lui dist: «< Beau filz, comment y auriez vous droit, car je n'en y euz onques point, et ce sçavez vous bien ». — «< Monseigneur, respondi le prince, ainsi que vous l'avez tenu et gardé à l'espée, c'est

mon entente de le tenir et garder toute ma vie. » Et adonc respondi le Roy : « Or en faictes tout ainsi que bon vous semblera. Je me rapporte à Dieu du surplus, à qui je prie qu'il ait mercy de moy. » Et tost après, sans autre chose dire, fina sa vie. Et après qu'il fut mis en terre comme dit est dessus, ledit prince de Gales fut couronné très honnorablement par tous les princes et prélas du royaume d'Angleterre, et ne fut homme de quelque estat qu'il feust qui s'apparust pour le contredire. Et tantost après, le duc de Clarence et les autres Anglois qui encore estoient en la duchié d'Acquitaine, quant ilz oyrent la nouvelle de la mort de leur roy, retournèrent le plus tost qu'ilz peurent ou royaume d'Angleterre. Et jà soit qu'il y eust trêves entre les deux royaumes, nonobstant ce, après sa mort les Anglois de la frontière de Calais commencèrent à courir et le pays très fort travailler, c'estassavoir le Boulenois, et tant qu'il convint que le connestable renforçast les garnisons d'Ardre, Gravelines, et autres lieux tenans le parti des François.

S'ensuit la copie des lectres du traictié que fist Henry, roy d'Angleterre et ses enfans d'une part, et les ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon, les contes d'Alençon et d'Armaignac et le seigneur d'Albreth et autres de leur aliance, d'autre part.

«< En cest an mil quatre cens et douze, le vio jour de may', fut premièrement accordé par lesdiz seigneurs ou leurs procureurs, que dores en avant exposeroient

1. Le 8 mai 1412. Monstrelet ne parle pas du traité de Busançais, signé le 14 novembre 1412 par le duc de Clarence et les plénipotentiaires de parti Orléanais. On le trouvera dans nos Pièces justificatives.

leurs personnes et toute leur puissance à servir le roy d'Angleterre, ses hoirs et successeurs, toutes et quantes foiz qu'ilz en seront requis, en toutes ses justes querelles; recongnoissent que ledit roy d'Angleterre maintient juste querelle en la duchié de Guienne et en ses appartenances, et que ladicte duchié de Guienne lui appartient par droit héritage et succession naturelle, et déclairent dès maintenant qu'ilz ne blecèrent leur loyaulté aucunement en assistant en ce avecques ledit roy.

Item. Lesdiz seigneurs et leurs procureurs souffisamment fondez, offrent leurs filz, filles et nepveux, niepces, parens, affins et tous leurs subgetz, pour traicter mariages selon la discrécion du roy d'Angle

terre.

Item. Offrent villes et chasteaulx, trésors et généralment tous leurs biens à l'aide et secours dudit roy et de ses hoirs, et querelles défendre, saulve leur loyaulté, laquelle ilz déclairent aucunement en ung autre appoinctement, dont les lectres sont faictes et passées.

Item. Offrent lesdiz seigneurs audit roy généralement tous leurs amis, adhérens, aliez et bienvueillans, à servir ledit roy en ses querelles et en la restitucion de la duchié de Guienne.

Item. Toute fraude cessant, lesdiz seigneurs sont prestz de recongnoistre audit roy ladicte duchié de Guienne estre ferme en autelle semblance et franchise quonques aucun de ses prédécesseurs la tint et posséda.

Item. Recongnoissent lesdiz seigneurs et procureurs que toutes les villes chasteaulx et fortresses qu'ilz tiennent en ladicte duchié de Guienne, ilz les tiennent

du roy d'Angleterre comme de leur vray duc de Guienne, en prometant tous services et dons pour hommage, par la meilleure manière qu'il se peut faire.

Item. Promectent à bailler et délivrer audit roy d'Angleterre en tant qu'en eulx est, toutes les villes et chasteaulx qu'on dit estre appartenans à la royaulté d'Angleterre, qui sont en nombre de vingt, que villes que chasteaulx, déclairez ès lectres sur ce faictes. Et au regard des autres villes et fortresses qui ne sont point en leur puissance et seigneurie, ilz les acquesteront et aideront à acquester audit roy d'Angleterre et sesdiz hoirs et députez et à leurs despens, avecques leurs gens en nombre souffisant.

Item. Cy après est contenu et déclairé esdictes lectres seellées comment il plaist au roy d'Angleterre que le duc de Berry, son bel oncle, subget et vassal, le duc d'Orléans, son subgect et vassal, et pareillement le conte d'Armaignac, tiengnent de lui en foy et hommage les terres et seigneuries qui s'ensuivent le duc de Berry, la conté de Poictou sa vie durant; le duc d'Orléans tenra la conté d'Angoulesme sa vie durant, et la conté de Pierregors à tousjours; et le conte d'Armignac tendra quatre chastellenies déclairées ès lectres séellées, moiennant ce et parmy certaines seuretez et condicions déclairées en icelles lectres.

Item. Et par les promesses dessusdictes ledit roy d'Angleterre et duc de Guienne doit défendre les dessusdiz seigneurs envers tous et contre tous, et leur aider à bailler secours comme leur vray seigneur, et avecques ce leur fera et aidera à faire bon accomplissement de justice du duc de Bourgongne. Et en oultre, ne fera ledit roy d'Angleterre nulz traictiez, confédé

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