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bon, leur mère, et la demoiselle de Dreux, laquelle principalement avoit traicté ledit mariage. Lesquelles nopces et solemnitez passées, lesdiz conjoins vindrent à Maisières sur Meuze, appartenant au conte de Ne

vers.

Après lequel mariage ledit conte d'Eu, qui avoit esté à tout faire, s'en retourna en sa conté, où il fist une grande assemblée de gens d'armes jusques au nombre de deux mille combatans, feignant qu'il vouloit faire guerre au seigneur de Croy, à l'occasion de l'entreprinse autrefoiz faicte contre lui par son filz ainsné, c'estassavoir messire Jehan de Croy dont en autre lieu est faicte mencion. Mais il fist tout le contraire, car il les mena passer Seine au Pont-de-l'Arche, et de là à Verneuil, où estoit le roy Loys et avecques lui les ducs d'Orléans, de Bretaigne et de Bourbon, les contes de Vertus et d'Alençon avecques plusieurs autres grans seigneurs, barons et chevaliers qui là estoient assemblez, non point tant seulement pour l'emprisonnement du duc de Bar, ne du duc Loys en Bavière, ne autres personnes, mais pour la délivrance du duc d'Acquitaine, lequel leur avoit mandé par ses lettres et aussi par ledit conte de Vertus, comment lui, le Roy, la Royne, ses père et mère, estoient contrains comme prisonniers soubz le gouvernement, garde et puissance de ceulx de Paris, non point en leur franchise et liberté; dont il lui desplaisoit très grandement qu'ilz estoient ainsi abaissez de leur haultesse et majesté royale. Sur quoy lesdiz seigneurs, ainsi assemblez comme dit est, après que eulx tous ensemble par grant délibéracion eurent tenu conseil, escripvirent devers le Roy, son grand conseil et la bonne ville de

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Paris, qu'ilz laissassent aler le duc d'Acquitaine où bon lui sembleroit et délivrassent lesdiz ducs de Bar et de Bavière avec tous les autres prisonniers, ou se ce non, ilz feroient grant guerre à la ville de Paris et destruiroient à leur povoir tous ceulx de dedens, réservé le Roy et ceulx du sang royal. Et quant à ce de ceulx qui estoient mors à présent, ilz n'en parloient plus, pour ce qu'on ne les povoit ravoir. Lesquelles lectres receues de par le Roy, furent mises en conseil, et sur ce fut délibéré qu'on envoieroit certains ambaxadeurs devers lesdiz seigneurs pour traicter de paix. Lesquelz d'iceulx furent bénignement receuz.

Et le samedi premier jour de juillet, après que son procès eut esté fait, fut décolé ès hales de Paris messire Pierre des Essars, naguères prévost de Paris, jadis filz ainsné de feu Phelippe des Essars, citoien de ladicte ville de Paris. Duquel la teste fut mise ès hales au bout d'une lance et le corps pendu au gibet de Montfaulcon, en la manière acoustumée'. Et son frère, messire Anthoine, fut en grant péril d'estre aussi exécuté. Mais pour la cause du délay qui se fist par le moien de ses amis, fut la besongne retardée, et depuis fut mis à pleine délivrance.

Esquelz jours, le roy de France, qui estoit assez en bonne santé, ala à l'église cathédrale de Paris faire son oraison et là oit la messe. Et icelle oye, et visitées les saintes reliques, yssi hors de l'église s'en retourna

1. « En le menant il sousrioit, et disoit-on qu'il ne cuidoit point mourir, et qu'il pensoit que le peuple dont il avoit esté fort accointé et familier, et qui encores l'aimoit, le deust rescourre. Et s'il y en eust eu un qui eust commencé, on l'eust rescous » (Juv., p. 256).

en son hostel. Et estoient avecques lui le duc de Bourgongne, le connestable de France, et si y estoient grant planté de gens populaires qui là estoient venus pour le veoir. Et lendemain vio jour de juillet fut ordonné par le conseil du roy, ouquel présidoit le duc d'Acquitaine, et fu commandé à Jehan de Moreul, chevalier du duc de Bourgongne', qu'il portast deux lectres et mandemens royaulx en deux bailliages, c'estassavoir ou bailliage d'Amiens et ou bailliage de Vermendois, et à toutes les prévostez desdiz bailliages et à chascune ville principale desdictes prévostez feist assembler tous les prélas, conseillers, gouverneurs desdictes bonnes villes d'icelles prévostez, et eulx assemblez en pleine audience leur feist lire lesdictes lectres du Roy séellées de son grant séel, lesquelles contenoient en substance, qu'ilz se tenissent constans et fermes en loyauté et en obédience envers le Roy, et qu'ilz feussent prestz touteffoiz et là où on les manderoit, à le servir, et aussi son très cher et amé filz le duc d'Acquitaine, à l'encontre des ennemis de son royaume et de la chose publique, et qu'ilz adjoustassent foy à sondit chevalier, conseiller et chambellan, Jehan de Morueil, selon l'instruction qu'on leur avoit chargée' soubz le séel du secret du Roy, laquelle aussi ilz liront et feront lire. Laquelle chose il fist. Et quant il eut esté en plusieurs citez et prévostez desdiz bailliages, le lundi xvro jour de juillet, vint à Dourlens ou bailliage d'Amiens, et là en la présence des prélats et nobles et ceulx des bonnes villes de ladicte prévosté,

1. Miles nequam et subdolus Johannes de Morolio (Religieux de Saint-Denis, V, 92).

2. Il faudrait dont il étoit chargé.

:

lesdictes lectres leues avec son instruction devantdicte, très hault et cler, car il avoit belle faconde de parler, exposa comment le Roy estoit et est moult affecté à la paix et union de son royaume, et comment on avoit fait les procès de ceulx qu'on avoit décolez à Paris, par plusieurs notables personnes, tant de seigneurs et advocats de parlement, comme de bons chevaliers et bons preudommes et sages, à ce commis de par le Roy, et comment messire Jaques de La Rivière s'estoit désespéré et occis d'un pot d'estain en quoy on lui avoit porté du vin, et que chascune informacion de ceulx qui avoient esté décapitez contenoit bien soixante feuilles de papier, et que par bonne et vraye justice, sans faveur et sans hayne, ilz avoient esté condempnez et mis à mort, et aussi que monseigneur le duc d'Acquitaine ne l'avoit onques mandé aux seigneurs de sa lignée, si comme ilz disoient. Et dist ledit de Moreul à ceulx qui là estoient : «< Sachez vous qui cy estes présens, que toutes les choses cy dessus déclairées sont vraies et notoires. » Et ce fait leur demanda se ilz seroient et estoient vrais et obéissans au Roy, qu'ilz lui deissent leur entencion. Lesquelz tous, tant prélatz, nobles et autres, respondirent tantost qu'ilz estoient et avoient tousjours esté vrais obéissans au Roy et qu'ilz estoient tous pretz et appareillez de le servir, créans qu'il leur disoit vérité. Et par ainsi, au prévost de ladicte prévosté, pour ce qu'il avoit fait si bonne diligence, luimesme demanda lectres, lesquelles il eut et puis s'en retourna. Et pareillement de par le Roy furent envoiez autres seigneurs, à tout semblables lectres et instructions, à tous les autres bailliages et séneschaucies, de celle mesme date, et aux prévostz des contez de tout

le royaume. Lesquelz, chascun en ses termes, députez1 prindrent et raportèrent lectres de leur diligence.

Et pendant que ce se faisoit, les Anglois en grant multitude de navire descendirent en la conté d'Eu et prindrent port en la ville de Tresport, laquelle, après qu'ilz eurent prins tous les biens avec plusieurs des hommes d'icelle, boutèrent le feu dedens. Et pareillement ardirent l'église et monastère dudit lieu de Tresport, et aucunes villes assez près d'ilec. Et après ce qu'ilz eurent esté vint et une heure sur terre, rentrérent en leurs vaisseaulx et puis retournèrent en Angleterre à tout leur proye.

CHAPITRE CVI.

Comment de rechef fu la paix traictée entre les seigneurs du sang royal en la ville de Pontoise.

Item, le merquedi xi jour du moys de juillet, retournèrent à Paris les ambaxadeurs du Roy et de son conseil, qu'ilz avoient envoié devers le duc d'Orléans et les autres dessusnommez. Et estoient les ambaxadeurs l'évesque de Tournay, le grand-maistre de Rodes, les seigneurs d'Offemontet de la Vielzville, maistre Pierre de Marigny et aucuns autres, et raportèrent leur ambaxade. Laquelle raportée un peu de temps après, , par l'ordonnance du Roy et de son conseil les ducs de Berry et de Bourgongne, avec eulx les ambaxadeurs dessusdiz, furent envoiez à Pontoise. Et le roy de Cécile, les ducs d'Orléans et de Bourbon, les

1. Lesquels députés, chacun dans son département, etc.

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