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disans qu'il s'en estoit fuy pour doubte qu'il ne feust arresté, comme dit est dessus. Et adoncques ceulx qui estoient demourez dedens Paris tenans son parti, furent en grant souspeçon. Car chascun jour en prenoit-on aucuns dont on faisoit justice assez hastive. Et mesmement furent exécutez les deux nepveux Jehan Caboche, après qu'ilz eurent esté traynez parmy Paris grant espace. Et pareillement le fut l'oste de l'Uis de fer de Paris, nommé Jehan de Troies', cousin germain à messire Jehan de Troies, cirurgien, dont dessus est faicte mencion. Et quant est à la Royne, les ducs d'Acquitaine, de Berry, de Bar et de Bavière, ilz furent assez joieux du département du duc de Bourgongne. Et aussi furent plusieurs autres seigneurs, et en assez briefz jours se tournèrent du tout contre lui et les siens, tant de fait comme de paroles.

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Et en après, le roy de Cécile, les ducs de Bourbon et d'Orléans, les contes d'Alençon, de Vertus, d'Eu, de Vaudémont et de Dampmartin, l'arcevesque de Sens, frère Jaques le Grant et le Borgne Foucault, tous ensemble vindrent à Paris à grant compaignie de gens d'armes en très noble ordonnance. A l'encontre desquelz yssirent les ducs de Berry et de Bavière, l'évesque de Paris et autres plusieurs prélatz et bourgois. Si s'entrefirent grant joye les ungs aux autres, et alèrent tout à cheval jusques au Palais, où estoient le Roy, la Royne et le duc d'Acquitaine, qui les reçeurent bien notablement, et soupèrent là tous les seigneurs, et puis s'en alèrent loger en leurs hostelz par la

1. « Qui avoit esté bien extrême ès maux qui s'estoient faits au temps passé. » (Juv., p. 264.)

2. Le Religieux de Saint-Denis dit que ce fut le dernier août.

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ville. Et lendemain vint audit lieu de Paris messire Charles d'Albreth, auquel prestement fut rendu son office de connestable. Et le VIII jour de septembre ensuivant, à l'instance et faveur desdiz seigneurs, le Roy fist en la chambre de parlement en son lieu acoustumé, et là fist et constitua par son grant conseil un édict, lequel il ordonna estre prononcé et publié par tout son royaume; lequel je passe à cause de briefté pour tant qu'il ensuit avecques les autres cydevant déclairez, et est en confondant et contempnant les prinses et les emprisonnemens dessusdiz, c'estassavoir des ducs de Bar et de Bavière et des officiers du Roy et du duc d'Acquitaine et les autres dessusdiz. Et contient aussi la descharge des ducs de Berry et d'Orléans et les autres princes du sang royal de la partie d'Orléans. Et comme dessus est dit, je le délaisse pour la prolixité desdictes lectres, et vieng à la matière ensuivant.

CHAPITRE CVIII.

Comment le duc de Bretaigne vint à Paris. Et du conseil que le duc de Bourgongne tint en la ville de Lisle. Du fait du conte Waleran de Saint-Pol. Et d'autres diverses besongnes qui lors advindrent,

En ce temps Jehan, duc de Bretaigne', vint en la cité de Paris, et son frère le conte de Richemont. Et si y vindrent aussi le duc d'Evreux et le conte de Rostelant, anglois, pour traicter le mariage du roy d'Angleterre et de Katherine, fille du roy de France, afin

1. Voy. aux additions.

2. Le Suppl. fr. 93 ajoute gendre du Roi. Il avait épousé Jeanne de France, fille de Charles VI, en 1396.

de empescher l'aliance que le duc de Bourgongne vouloit faire de sa fille et dudit roy d'Angleterre. Lesquelz ambaxadeurs, après ce qu'ilz eurent fait et monstré au Roy et à son conseil pourquoy ilz estoient venus, s'en retournèrent.

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Ce pendant le duc de Bourgongne tint grant conseil à Lisle lez Flandres, où estoient les Gantois, ceulx de Bruges, d'Ipre et les quatre mestiers, et moult de nobles, entre lesquelz estoit Walerand, conte de Saint-Pol, naguères connestable de France, lequel venoit de Boulongne et de Loliguen de traicter avec les Anglois, c'estassavoir le conte de Varvich, l'évesque de Saint-David et aucuns autres, pour avoir trêves entre les deux roys, lesquelles furent ottroiées jusques à la feste de saint Jehan Baptiste. Et là reçeut ledit connestable lectres du Roy, par lesquelles lui mandoit qu'il alast à Paris rendre l'espée de connestable. Lequel voiant ce, et qu'on le vouloit déposer dudit office, s'en conseilla au duc de Bourgongne et eut conseil, c'estassavoir de non rendre ladicte espée. Si se parti de là et s'en ala à Saint-Pol en Ternois en son chastel, où estoit sa femme, et de là s'en ala à Amiens, où il fut par l'espace de quatre jours. Duquel lieu envoya ambaxadeurs à Paris devers le Roy, c'estassavoir le conte de Conversen, son nepveu, et le vidame d'Amiens. Avec lesquelz ala maistre Robert le Jeune, advocat à Amiens, pour proposer devers le Roy leur légacion pour la partie dudit conte de SaintPol, et en plein conseil ouquel estoit le Roy présent et ses princes et le chancelier et autres conseillers, dist

1. Lelinghen.

que onques son seigneur et son maistre ne fut en ce royaume parcial, ne avoit tenu bende, et aussi n'avoit villes ne chasteaulx contre le Roy envay ne ocupé, comme avoient fait plusieurs autres. Après lesquelles choses ainsi dictes lui fut requis qu'il se feist advouer sur ces paroles, comme avoient fait autres qui avoient proposé en cas pareil ou autre. Lequel ne fut point advoué desdiz ambaxadeurs, et pour ce fut tantost prisonnier en Chastelet, où il fut deux jours, et, à grant peine, à la prière du duc de Bar, serourge dudit conte de Saint-Pol', fut délivré. Et le samedi ensuivant, lendemain du jour Saint-Mor', ledit connestable se parti d'Amiens et s'en retourna en sa conté, triste et pensif.

Et après, de rechef furent envoiez mandemens royaulx par toutes les parties du royaume de France, à estre publiez par les lieux acoustumez, lesquelz contenoient les desroys naguères fais en la ville de Paris par les Parisiens à la desplaisance du Roy, de la Royne et du duc d'Acquitaine. Desquelz mandemens je me tais, car la substance et les fais énormes desdiz Parisiens ont esté cy-devant souffisamment déclairez3.

1. Waleran de Luxembourg, comte de Saint-Pol, avait épousé en secondes noces Bonne de Bar, sœur d'Édouard III, duc de Bar.

2. La fête de Saint-Maur se célèbre au 15 janvier. Or en 1413, le lendemain tombait un lundi. C'est la veille qui tombait un samedi.

3. Voy. aux additions ces lettres, qui sont du 17 septembre 1413.

CHAPITRE CIX.

Comment le duc de Bourgongne feist plusieurs assemblées et tint plusieurs consaulx pour avoir advis sur ses afaires, doubtant que ses adversaires ne retournassent le Roy contre lui, si comme ilz firent depuis.

En ce temps le duc de Bourgongne se tenoit en la ville de Lisle lez Flandres, ouquel lieu il assembla plusieurs grans seigneurs pour avoir advis et conseil sur ses afaires. Car moult souvent lui venoient nouvelles de la ville de Paris, comment ceulx qui avoient esté ses adversaires gouvernoient le Roy et le duc d'Acquitaine, et tendoient à eslonger lui et les siens de leur grace et bienvueillance. Si avoit icellui duc sur ce plusieurs ymaginacions, desquelles bien doubtoit que la fin ne tendist à ce que depuis en advint, c'estassavoir qu'ilz ne tournassent le Roy et le duc d'Acquitaine du tout contre lui, pour en conclusion lui mouvoir guerre. Néantmoins il estoit assez reconforté d'atendre toutes aventures qui advenir lui povoient. Et adonc vindrent d'Angleterre devers lui, le conte de Warvich, l'évesque de Saint-David et aucuns autres, pour traicter le mariage du roy d'Angleterre et de la fille d'icellui duc non obstant qu'il y eust autre ambaxade devers le roy de France pour pareille matière. Toutesfoiz ilz ne porent estre d'acord, et par ainsi s'en retournèrent lesdiz ambaxadeurs.

Et après ces besongnes, le quatriesme jour d'octobre, les seigneurs d'Offemont et de Moy vindrent à Saint-Pol en Ternois, envoiez de par le Roy devers le conte de Saint-Pol, pour cause qu'il raportast ou ren

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