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ceulz qui estoient contraires audit duc de Bourgongne furent en plus grant suspicion que devant. Néantmoins ils pourveurent si bien à la garde de ladicte ville que nul inconvénient ne leur en advint.

En après, durant le temps que ledit duc de Bourgongne estoit à Saint-Denis comme dit est, le seigneur de Croy qui estoit en sa compaignie, envoya jusques à vint hommes d'armes ou environ, des plus expers et aventureux de sa charge, passer la rivière de Seine, très bien montez, devers Conflans, et chevauchèrent le plus secrètement qu'ils peurent, la lance au poing, jusques en la ville de Montlehery, et là se logèrent en deux hosteleries assez près l'un de l'autre, et feignoient qu'ilz feussent au duc d'Orléans. Or est ainsi que messire Jehan de Croy, filz dudit seigneur, qui estoit prisonnier ou chastel comme dit est ailleurs, estoit aucunement adverti de leur venue par le moien d'un chapelain qui léans se gouvernoit'. Si trouva manière d'aler oyr messe à l'église qui étoit assez près dudit chastel. Et adonc iceulx hommes d'armes qui estoient tous prestz et advisez de ce qu'ilz vouloient faire montèrent ès chevaulx et vinrent audit messire Jehan de Croy, lequel ilz firent monter habilement sur ung bon cheval, et incontinent partans de là chevauchèrent très roidement en tirant vers Pontoise, et depuis prindrent leur chemin pour retourner au passage par où ilz avoient passé la rivière de Seine. Et finablement firent si bonne diligence qu'ilz ramenèrent icellui franchement à son père, oudit lieu de Saint-Denis.

1. « Qui léans le gouvernoit.» (Suppl. fr. 93.) Au reste les deux sens peuvent s'entendre.

Pour laquelle entreprise ainsi par eulx achevée ilz furent grandement recommandez, tant du duc de Bourgongne comme dudit seigneur de Croy. Et furent les principaulx conduisans ceste besongne, Laniont de Launoy, Willemet de Monchat, Jeminet de Molliens, Jehan Roussel et autres jusques au nombre dessusdit. Toutesfois ils furent poursuys assez roidement de la garnison dudit lieu de Montlehery, mais ilz ne les porent trouver pour les divers chemins qu'ilz tindrent.

En oultre le duc de Bourgongne envoia encores le Roy-d'armes de Flandres à Paris, portans lectres au roy de Cécile et au duc de Berri et d'Orléans, pour leur signifier les causes de sa venue, en leur requérant qu'ilz le souffrissent parler, ou au moins ses gens, Roy ou au duc d'Acquitaine, et qu'il estoit venu pour tout bien, et que ce qu'il avoit juré et promis il vouloit entretenir, et que ainsi voulsissent faire de leur partie; disant oultre qu'ilz laissassent le Roy et le duc d'Acquitaine gouverner son royaume sans les tenir en servitute, et espécialment icellui duc d'Acquitaine, leque ilz détenoient à sa très grande desplaisance. Mais quant ledit Roy-d'armes vint à la porte Saint-Anthoine, il lui fut dit qu'il n'entreroit point dedens et qu'on ne recevroit point ses lectres, et se il ne s'en aloit bien hastivement, qu'on lui feroit desplaisir. Lequel oyant ce, se conseilla à soy mesmes. Si print sesdictes lectres et les bouta en ung baston fendu, lequel il ficha en terre, et là les laissa, et puis, le plus tost qu'il peut, s'en retourna à Saint Denis devers son maistre le duc, qui, en persévérant, fut plus mal content que devant. Néantmoins, lui voiant

que riens ne povoit là achever de son entencion, délibéra avec son conseil de retourner en son pays, et par aucuns peu de jours vint à Compiengne le chemin qu'il avoit tenu. Dedens laquelle ville et dedens la cité de Soissons, il laissa garnison de gens d'armes et de traict, et laissa audit lieu de Compiengne pour capitaines, messire Hue de Langny', les seigneurs de Saint Léger et de Seves, Hector et Phelippe de Saveuses, Bonnelet de Masengion et plusieurs autres expers hommes de guerre jusques à cinq cens combatans ou environ. Et à Soissons fut mis en garnison Enguerran de Bournonville, messire Colard de Fiennes, Lanier de Launoy, Guiot le Bouteiller, normant, messire Pierre de Menault et plusieurs autres gens de guerre. Et fut conclud par ledit duc et sa chevalerie, avecques lesdictes bonnes villes, que jusques à tant que le Roy et le duc d'Acquitaine seroient en plein régime et franchise sans estre ainsi détenus, et que lesdiz seigneurs qui ainsi les dominoient et les gens de leur bande seroient chascun en leurs pays, si comme lui le duc de Bourgongne et ceulx de son parti se offrant à eulx en aler en leurs terres et pays, ilz ne se départiront de celle opinion. et ne donneront point d'obéissance aux mandemens donnez par le conseil et advis desdiz seigneurs ne de ceulx de leur parti. Et tout ce que ledit de Bourgongne, ses nobles et bonnes villes signifièrent et veulent signifier à toutes personnes de ce royaume, et ce mesme leur mande ledit duc de Bourgongne, et de par le Roy et le duc d'Acquitaine, il requiert qu'à celle

1. Hue de Lannoy. (Suppl. fr. 93.)

fin le vueillent aider et eulx adjoindre avecques lui. Et en ce faisant eulx et chascun d'eulx acquiteront leur loyaulté et en seront recommandez toute leur vie. Et ledit duc leur promist de leur aider et conforter de tout son povoir, et de ce leur bailla ses lectres. En après se parti de Compiengne et s'en retourna à Arras. Si envoya ses Bourguignons, qui estoient environ sept cens lances, vivre ou pays de Cambrésis et en Thérasche, ou contempt du roy Loys de Cécile qu'il héoit', et aussi de messire Robert de Bar qui point ne l'avoit voulu servir en ce voiage, et si estoit son homme lige. Ouquel lieu d'Arras il manda venir devers lui, le deuxiesme jour de mars, les trois estas du pays d'Artois, et par espécial les nobles, avec lesquelz il eut grant parlement sur ses afaires, et leur fist moustrer par le seigneur de Dolehaing les trois lectres que lui avoient escriptes le duc d'Acquitaine. Et après qu'elles furent leues, afferma par sa foy, présens tous les seigneurs là estans et autres, qu'elles estoient signées et escriptes de la main dudit duc d'Acquitaine. Et après que tous ceulx qui là estoient lui eurent promis de le servir encontre tous ses adversaires, excepté le Roy et ses enfans, et aussi qu'il eut ordonné par son conseil à escripre lectres à plusieurs bonnes villes du royaume de France, il se départi et s'en ala en son pays de Flandres pour faire pareillement.

La substance des lectres que ledit duc envoya par les bonnes et citez du royaume povez assez ymaginer. Car c'estoit en leur remoustrant la requeste du duc

1. Pour lui avoir renvoyé sa fille. Voy. plus haut, p. 414.

d'Acquitaine de venir à lui à puissance et comment il l'avoit mandé par trois lectres escriptes et signées de sa propre main. Et en après leur remonstra comment il estoit alé en France, et comment les princes et grans seigneurs gouvernoient le Roy et le dessusdit duc d'Acquitaine, dont il lui desplaisoit grandement, et tout ce qu'il avoit fait en ce voiage dont il estoit retourné, estoit traveil en vain sans riens besongner de son fait, et requéroit leur confort et aide pour venir au dessus de son emprinse1.

CHAPITRE CXVI.

Comment, après que le duc Jehan de Bourgongne fut retourné de France et revenu en son pays, le Roy fist grans mandemens en tout son royaume pour aler contre luy.

Item, après le département dudit duc de Bourgongne de la ville de Saint-Denis en France et qu'il fut retourné en son pays et qu'il fut venu à la congnoissance du Roy, du duc d'Acquitaine et des autres princes lors estans en Paris, avecques ceulx de son grant conseil, comment ledit duc de Bourgongne avoit mis et laissié ses gens d'armes ès villes de Compiengne, Soissons et autres, lesquelles estoient au Roy ou du moins soubz sa dominacion, ilz furent de ce moult esmerveillez, et leur sembloit qu'il n'avoit point cause de ce faire. Et pour tant, afin de y obvier et résister, furent prestement envoiez par tous les bailliages et séneschaulcies du royaume certains mandemens royaulx, contenant que pour y pourveoir et 1. Voy. aux additions.

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