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arcevesque, à Amiens, ou sur le chemin se d'aventure trouver le povoit. Mais ledit arcevesque moult prudentement, lui respondi promptement par fixion, qu'il estoit tout prest d'aler avecques lui en prison et partout ailleurs. Mais en alant ensemble, ilz vindrent au fleuve d'Oise, emprès la praerie de Saint-Leu de Sérens, auquel fleuve il déceut ledit huissier très subtillement. Car quant il fut yssu de la nef avec aucuns de ses gens, il monta sur le plus léger cheval qu'il eust, et s'en fuy tandis que ledit huissier actendoit le retour de la nef qui estoit à l'autre lez dudit fleuve. Dont lui, grandement confus et troublé, retourna à Paris sans son prisonnier1.

Le seigneur de Tignonville, qui estoit du nombre des seigneurs de la chambre des comptes, fut arresté audit lieu d'Amiens par le bailli d'icelle ville, du commandement des princes dessusdiz, et fut emprisonné en l'ostel d'icellui bailli. Mais après ce, quant aux dessusdiz évesque de Chartres et tous autres prisonniers à Paris, suspens et privez de leurs offices, furent caucionnez et eurent grace d'aler à Paris et ailleurs.

Et pour ce que lesdiz princes et seigneurs ne porent lors entendre au fait de la réformacion dessusdicte, ilz y substituèrent trois contes, c'estassavoir de La Marche, de Vendosme et de Saint-Pol, et aucuns de la chambre de parlement, pour faire ladicte réfor

macion.

Les gens de guerre qui avoient esté mandez à venir autour de Paris, tant par le duc de Bourgongne comme

1. Le Religieux de Saint-Denis consacre un chapitre à cette évasion. (Chr. de Ch. VI, t. IV, p. 280.)

par les autres seigneurs, furent licenciez et retournèrent chascun ès lieux dont ilz estoient venus, en mengant le povre peuple selon la coustume de adonc.

Messire Guischard Daulphin dessusnommé, fut par lesdiz princes constitué et ordonné à estre souverain maistre d'ostel du Roy ou lieu du défunct Montagu. Lequel Roy adonc estoit malade de sa maladie acoustumée. Et lors, l'évesque de Paris' demanda et requist ausdiz seigneurs que par miséricorde en lui laissast oster le corps de son frère du gibet, suppliant et priant piteusement qu'il le peust ensevelir et enterrer. Mais ceste prière et supplicacion ne lui fut point accordée par lesdiz princes. Lequel évesque, oiant ladicte response, se rempli de grande vergongne pour la honteuse mort de son frère et pour la fuite de son autre frère arcevesque de Sens, assez tost après se parti de son siège épiscopal, avecques lui sa belle seur, femme d'icellui Montagu, et aucuns de ses enfans. Car le duc de Berry avoit jà pourveu d'un autre chevalier en l'office de sa chancelerie. Et ala en la terre de sa belle fille, assise en Savoie. Laquelle estoit fille de sire Estienne de La Granche, jadis président en parlement, et frère au cardinal d'Amiens.

Après, pour ce que Le Borgne Foucault, qui fut "appellé aux drois du Roy, ne vint ne comparu, il fut banny par les carrefours de Paris hors du royaume de France, au son de la trompète. Et pareillement fut banny l'arcevesque de Sens, qui s'estoit rendu fugitif; et plusieurs autres. En oultre, le roy de Navarre, les ducs de Berry, de Bourgongne et de Holande, les

1. Gérard de Montaigu.

de

contes de La Marche et de Vendosme, frères, et plusieurs autres grans seigneurs, alèrent vers la royne France et le duc d'Acquitaine, son filz, et leur remonstrèrent la cause pour quoy Montagu avoit esté exécuté, et aussi quelle chose estoit à faire des inquisicions des arrestz et de la condempnacion des péchans et déclinans, et avec ce, de toute la réformacion du royaume. Laquelle Royne, en fin, fut assez contente que iceulx seigneurs poursuissent ce qu'ilz avoient encommencé, non obstant qu'elle n'estoit pas bien du tout contente de son beau cousin le duc de Bourgongne, lequel avoit si grant gouvernement et puissance ou royaume ; et le doubtoit plus que tous les autres, jà soit qu'elle lui monstrast assez bon semblant par paroles.

Et de rechef fut là traictié le mariage de Loys de Bavière, frère de ladicte Royne, et de la fille du roy de Navarre. Et lui fut donnée la possession dů chastel de Marcoussis avec toutes les appartenances nouvellement confisquées au Roy par la mort du dessusdit Montagu. Laquelle besongne ladicte Royne eut moult grandement agréable. Et après ce que lesdiz seigneurs eurent besongné par aucuns jours audit lieu de Meleun, ilz retournèrent à Paris tous ensemble et prindrent avecques eulx messire Pierre Bochet, président en parlement, et aucuns autres de la chambre des comptes, eulx assemblans chascun jour diligemment et enquérans subtillement pour savoir comment et de quelles personnes, ou temps passé, les finances du Roy avoient esté receues et despendues. Durant lequel temps, ledit Roy, qui avoit esté moult fort malade retourna en santé, et tant, que le second jour du mois de décembre ala de l'ostel de Saint-Pol, à cheval, ung

haubert vestu soubz sa robe jus à l'église cathédrale de Nostre-Dame, où il fit son oraison; et portoit derrière lui, ung de ses pages, ung moult belle archigaye'. Et quant il ot fait son oraison, il retourna en sondit hostel de Saint-Pol. Et lendemain, en sa propre personne tint conseil royal, où estoient présens le roy de Navarre, les ducs de Berry, de Bretaigne et de Bourbon. Ouquel conseil fut conclud que le dessusdit Roy manderoit à venir devers lui à la feste de Noël ensuivant, les ducs d'Orléans, de Bretaigne, de Brabant, de Bar, de Lorraine, les contes d'Alençon, de Savoye, de Harecourt, d'Armaignac, de Penthièvre et de Namur, et généralement tous les grans seigneurs de son royaume et du Dauphiné avec plusieurs prélas et autres nobles hommes. Et lors, après ledit mandement du Roy, le duc de Bourgongne manda très grant nombre de gens d'armes et de traict en ses pays de Flandres, d'Artois et de Bourgongne, pour la seureté de sa personne.

Ouquel temps, le duc Guillaume, conte de Haynau, ala devers la royne de France, à laquelle il estoit prouchain parent, et qui se tenoit à Meleun, et tant traicta avec elle, qu'elle fut assez contente dudit duc de Bourgongne, lequel elle n'avoit pas bien, paravant, en sa grace; et avoit, paravant, fort soustenu sa partie adverse, c'estassavoir la partie d'Orléans.

1. Archegaye, sorte d'arbalète.

CHAPITRE LVIII'.

Comment Loys, duc en Bavière, espousa la fille du roy de Navarre. Et des seigneurs qui s'assemblèrent à Paris en grant multitude, par le mandement du Roy. Et comment la Royne rendit au Roy le duc d'Acquitaine, leur filz.

Item, Loys de Bavière, frère de la royne de France, espousa en ces jours audit lieu de Meleun, la fille du roy de Navarre dont dessus est faicte mencion. Laquelle paravant avoit eu espouse le roy de Trinacle', ainsné filz du roy d'Arragon, lequel naguères avoit esté tué en bataille faicte entre lui d'une part, et le viconte de Narbonne d'autre part, avecques les Sardiniens. Et fut celle bataille faicte en l'isle de Sardaigne. Auxquelles nopces furent faictes moult solemnelles festes de plusieurs seigneurs, dames et damoiselles.

Et environ le Noël ensuivant, grant partie des seigneurs que le Roy avoit mandé, vindrent à Paris. Toutesfois le duc d'Orléans ne ses frères, n'y furent pas. Et la veille dudit jour de Noël le Roy ala tenir son siège au Palais, et demoura ilec jusques au jour Saint-Thomas ensuivant, où il célébra moult solem

1. Mal coté LIX dans l'original, qui n'a pas de cote LVIII. 2. Martin, roi de Sicile, qui avoit effectivement épousé, l'an 1402, Blanche, fille de Charles III, roi de Navarre. Mais Monstrelet se trompe sur le second mariage de cette princesse. Il fut contracté, non pas avec Louis de Bavière, mais avec Jean, fils de Ferdinand Ier, roi d'Aragon, et cela, non pas en 1409, mais en 1419. Quant à Louis de Bavière, il eut deux femmes : 1° Anne de Bourbon; 2o Catherine d'Alençon, veuve de Pierre de Navarre, comte de Mortain, qu'il épousa à l'hôtel Saint-Pol, le 1er octobre 1413.

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