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abbez, et conséquemment les autres gens d'église. Et par les quatre élémens donna sa bénéicion à tous estans en estat de grace, et à ceulx qui n'y estoient pas, il les dispensa jusques à quatre mois après ensuivans, afin que pendant ce temps ilz se y meissent, en priant que pour son prédécesseur le pape Alixandre chascun deist trois fois Pater noster et Ave Maria. Et de là, s'en ala au disner, et estoit environ douze heures, et quant ledit mistère fut commencé1, il estoit entre quatre et six heures du matin. Pour ladicte solennité de lui, chascun faisoit feste par toute la cité de Bounongne, par l'espace de huit jours. Et à chascun jour le collège de l'église cathédrale de Saint-Pierre fist procession entour ladicte église, et estoit tout ledit collège vestu de chapes vermeilles. Et pareillement furent les Chartreux du mont Saint-Michel estans en dehors des murs de Bonongne. Et lendemain, c'estassavoir xxv jour du mois de may, ledit pape Jehan XXIII® conferma sa court. Et aux cardinaulx, patriarches, arcevesques et évesques, au marquis de Ferrare et aux héraulx d'Ytalie donna plusieurs dons et deniers. Et furent faictes grandes festes et dances, en sonnant plusieurs et divers instrumens de musique. Et le xxviR jour ensuivant, révoqua tous ce que le pape Alixandre avoit fait, excepté ce qu'il avoit confermé et ce qui estoit accepté, dont on avoit prins possession corporelle ou espirituelle.

Item, le vendredi après le couronnement dudit

1. C'est-à-dire le repas. Mistère (ministerium), tout ce qui se fait par des ministri, des officiers, des gens d'office. De là le sens donné au mot mestier. On disait les six mestiers de l'hôtel. Isolé, ce mot devint synonyme de besoin : avoir mestier d'une chose.

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pape, le roy Loys de Cécile vint en ladicte cité de Bonongne, à l'encontre duquel alèrent hors de la ville vingt deux cardinaulx, six arcevesques, dix patriarches, vingt évesques et dix huit abbez. Et lui, entré dans la cité, ala tout droit devers le pape. Si estoit vestu de vermeil, et son cheval estoit couvert de campanes dorées1; et avoit en sa compaignie environ cinquante chevaliers, vestus de telz pareures. Et le derrenier jour de may, que ledit roy arriva, fut très noblement receu dudit pape. Et lendemain les Florentins vindrent devers lui et lui firent révérence papale, et estoient environ trois cens chevaulx, entre lesquelz avoit dix-huit chevaliers vestus de vermeil, à beaulx plumaulx pailletez d'or, et avoient six trompètes, deux héraulx, et dix hommes jouans d'instrumens de musique. Et après ce qu'ilz eurent faicte ladicte révérence au pape, retournèrent en leurs hostelz, et lendemain revindrent à court. Et pour ce qu'ilz estoient aliez au roy Loys, supplièrent au pape qu'il voulsist audit roy bailler confort et aide contre son adversaire le roy Lanselot, lui disant qu'ilz lui bailleroient et feroient toute l'aide et assistence qu'ilz pourroient, tant d'argent que de hommes d'armes. Et estoient iceulx Florentins moult troublez et courroucez du dommage que les Génevois avoient naguères fait audit roy Loys sur la mer, à passer devant le port de Gennes. Car il est vérité que icellui roy Loys passant devant la cité de Gennes, venant de Marseille à tout cinq galées, lesdiz Génevoiz, qui estoient aliez au roy Lancelot, furent desplaisans de ce qu'il passoit ainsi

1. Clochettes, grelots.

sans avoir nul empeschement, et pour ce, en la faveur de son adversaire, mirent sus bien en haste quinze galées ou environ, lesquelles ilz furnirent d'arbalestriers et de gens d'armes, qu'ilz envoièrent à l'encontre de son autre navire qui le suivoit, lesquelz ilz rencontrèrent et ruèrent jus. Si les emmenèrent prisonniers et prindrent toutes leurs bagues, et tout firent mener en ladicte cité de Gennes, excepté une nave, laquelle par force de vent recula tant, qu'elle eschapa toute seule et retourna à Marseille dont elle estoit partie. Néantmoins ledit pape, oyes les requestes desdiz Florentins, print une dilacion à leur respondre. Et pour ce que bonnement ne povoit faire ce qu'ilz lui requéroient, parce que paravant les Génevoiz estoient aliez avecques lui, et aussi qu'il avoit fait aucunes promesses à icellui roy Lancelot, fut la besongne lors prolonguée. Et ce non obstant, comme dit est, fut lors le roy très agréablement et honnorablement festyé dudit pape et de ses cardinaulx, et depuis se partit assez content de toute la court, et retourna en Prouvence. Et le premier jour de juing ensuivant, la court dudit pape fut ouverte. Et signa plusieurs supplicacions et bénéfices et de graces expectatives. Et tout ce qu'on lui requéroit raisonnablement, il signoit. Et dès lors comà tenir audience publique et fist tout ce qu'à son office de papalité appartenoit.

mença

CHAPITRE LXIII.

Comment le grant maistre de Pruce ala, à grande compaignie et puissance de chrestiens, ou royaume de Lituaire, pour le destruire et dépopuler.

Le xvr jour de juing de cest an mil cccc et x, le Grant maistre de Pruce, acompaigné de plusieurs ses chevaliers frères et autres de diverses nacions, jusques au nombre de trois cens mille chrestiens, descendirent ou royaume de Lictuaire1 pour le destruire et dépopuler. Au devant desquelz vint tantost à l'encontre le Roy d'icellui royaume, et avecques lui le roy de Sarmac; et estoient bien quatre cens mille Sarrasins. Si s'assemblèrent l'un contre l'autre à bataille, et eulx assemblez, lesdiz chrestiens eurent la victoire. Et y demourèrent bien vingt-six mille mors desdiz Sarrasins, entre lesquels furent les principaulx, l'admiral de Lictuaire et le connestable de Sarmach. Et les autres princes et parens, avecques le remenant, s'en fuirent. Et des chrestiens, n'en demoura mors sur la place, que environ deux cens hommes, mais il y en eut moult de navrez. Et assez tost après, le roy de Poulane', qui estoit grant ennemy au Grant maistre de Pruce, lequel roy s'estoit naguères fait faintement chrestien pour parvenir à ce royaume, vint avec ses Poulenois en l'aide desdiz Sarrasins, ausquelz il exhorta moult de recommencer la guerre à l'encontre des Pruciens, et tant que, huit jours après ladicte

1. Au grand duché de Lithuanie.

2. Jagellon, dit Vladislas V.

desconfiture se rassemblèrent l'un contre l'autre, c'estassavoir ledit roy de Poulane et les deux roys dessusnommez, d'une part, qui bien avoient six cens mille combatans, contre ledit maistre de Pruce et plusieurs autres grans seigneurs chrestiens. Lesquelz par lesdiz Sarrasins furent desconfis, et en y de mors en la place soixante mille ou plus. Entre lesquelz furent mors lé grant maistre de Pruce' et ung gentil chevalier de Normandie, nommé sire Jean de Ferrières, filz au seigneur de Vieuville. Et de Picardie, y mourut le filz du seigneur du Bois d'Annequin. Et, comme il fut commune renommée, la bataille fut perdue par la coulpe du grant connestable de Hongrye, lequel estoit en la seconde bataille des chrestiens, et se parti, lui et ses Hongrois, sans cop férir. Néantmoins lesdiz Sarrasins n'emportèrent point la gloire, ne la victoire, sans perte. Car, sans les Poulenois, dont il en mourut bien dix mille, moururent bien aussi le nombre de six vingt mil Sarrasins, comme tout ce fut rapporté par héraulx, et aussi par le bastard d'Escoce, qui se appelloit conte de Hembe. Si y estoient aussi le seigneur de Quievrain et Jehan de Gros, hennuiers, et avecques eulx bien vingt quatre gentilz hommes de leur pays. Laquelle bataille ainsi finée, lesdiz Sarrasins entrèrent en Pruce. Si la destruisirent et la dépopulèrent en moult de lieux, et tant, qu'en peu de temps prindrent douze villes fermées et les dégastèrent, et encores eussent persévéré

1. Il se nommait Ulrich de Jungingem. La bataille se donna près de Tanneberg, le 15 juillet 1410. Ulrich eut pour successeur Henri Reuss, comte de Plawen, qui fit sa paix avec le roi de Pologne l'an 1411.

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