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conclud que iceulx seigneurs venissent devers le Roy. Mais leur manda que tantost et sans délay donnassent congié à toutes leurs gens d'armes sur peine d'encourir en son indignacion. A quoy ne vouldrent obéir, mais dirent pleinement au message qu'ilz ne cesseroient pas jusques à ce qu'ilz auroient eu audience devers le Roy et qu'ilz seroient oyz.

Et adonc, en ces propres jours, les ducs d'Acquitaine et de Bourgongne alèrent visiter la royne de France ou chastel de Meleun où elle estoit, et y laissèrent garnison de gens d'armes, et amenèrent ladicte Royne, ses enfans et sa famille demourer au Bois de Vinciennes.

Ouquel temps se parti le duc de Brabant de Paris pour aler en son pays assembler ses Brabançons pour venir servir le Roy. Et lors furent envoiez plusieurs ambaxadeurs de par le Roy devers lesdiz seigneurs, entre lesquelz estoit le grant-maistre de Rhodes 1, en la cité de Chartres, pour leur signifier comme dessus, qu'ilz rompissent leur armée et venissent devers le Roy, s'il leur plaisoit, en leur simple estat. Laquelle chose ilz ne vouldrent point faire, et désobéirent du tout. Et pour tant, fist le Roy mectre en sa main les contez de Boulongne, d'Estampes, de Valois, de Beaumont, de Clermont et autres terres desdiz ducs et contes et de tous leurs serviteurs, de quelque estat qu'ilz feussent, et ses officiers et ses sergens fist mectre en garnison ès places fortes et fortresses des dessusdiz; lesquelz il ordonna gouverneurs d'iceulx héritages

1. Philibert de Naillac, alors en mission de par le pape Alexandre V, vers les rois de France et d'Angleterre, pour demander des secours contre les Turcs.

aux despens d'icelles seigneuries. Et est vérité que lors vint si grant nombre de gens d'armes au mandement du Roy, environ Paris, et du duc de Bourgongne, qu'il n'estoit mémoire que de long temps paravant eust esté veue si grant armée. Et entre les autres y estoit le duc de Brabant, à très grant compaignie. Lesquelz furent logez dedens la ville de Saint-Denis en France, et là se gouvernoient, la plus grant partie, aux despens des habitans comme s'ilz eussent esté logez ès villages du plat pays. Et y avoit aussi grant nombre de Bretons, avec le conte de Penthièvre, gendre du duc de Bourgongne'. Et d'autre part, les gens du conte de Saint-Pol', qui estoient bien deux mil combatans, furent logez au Mesnil au Bois' et ès vilages à l'environ. Et pour ce que ledit conte se tenoit de sa personne en Paris, fist ung certain jour assembler toutes ses gens sur la conduicte et gouvernement du seigneur de Chin, lequel les mena audit lieu de Paris pour faire leurs monstres et passer gaiges. Mais il advint qu'en passant leur chemin par emprès Saint-Denis, s'esmut aucun discord entre les Brabançons et celle compaignie, à l'occasion d'aucune entreprinse que lesdiz Brabançons avoient faicte contre le seigneur de Carquand', chevalier, natif de Boulenois, et tant que les deux parties se mirent en armes

à

1. Olivier de Blois, marié en 1404 à Isabelle, quatrième fille de Jean sans Peur.

2. Waleran de Luxembourg.

3. Il n'y a pas de village de ce nom dans les environs de Paris. Ce doit être Mesnil-Aubry (Mesnilium Alberici), village situé entre Écouen et Lusarches.

4. « Carkan » (Suppl. fr. 93.)

pour combatre l'un contre l'autre. Durant lequel temps, en fut adverti le duc de Brabant qui estoit à Paris, et pour ceste cause vint hastivement devers ses gens et aussi devers l'autre partie, et fist tant que la besongne fut mise jus. Si fut très mal content de ceulx qui avoient esmeu ceste ruine1. Car il avoit espousée la fille et héritière dudit conte de Saint-Pol'. Et après, iceulx, passans parmy ladicte ville de Saint-Denis, alèrent à Paris devers leur seigneur et conte, lequel les ramena au giste ès villages dont ilz estoient venus. Et adonc, pour paier les gaiges et soldées d'iceulx gens d'armes qui estoient venus au mandement du Roy et du duc de Bourgongne comme dit est, qui furent trouvez en monstres par les papiers des monstres, quinze mille bacinets et dix sept mille, que archers que arbalestriers, furent levées par tout le royaume grandes pécunes, tant par emprunts et tailles, comme autrement, et par espécial sur la ville de Paris. Et quant est à parler des maulx qui se faisoient par icelles gens de guerre, tant d'un parti comme d'autre, ilz ne se pourroient au long escripre. Mais pour vérité les églises et les personnes d'église, avec le povre peuple, furent pour ce temps fort oppressez.

En après, lesdiz Orléanois vindrent à tout leur puissance en gastant fort le pays, dudit lieu de Chartres jusques à Montlehéry, à sept lieues de Paris, et là, et ès villes de là environ, se logèrent. Si portèrent, tous les princes de leur aliance et aussi toutes leurs gens de

1. Ceste rigueur » (Suppl. fr. 93.)

2. Antoine de Bourgogne, duc de Brabant, frère de Jean sans Peur, avait épousé en 1402, Jeanne, fille unique de Waleran de Luxembourg, comte de Saint-Pol.

quelque estat qu'ilz feussent tant d'église comme séculières, pour enseigne, bendes estroites qui estoient de linge, sur leurs espaules, pendans au senestre bras, de travers, ainsi que porte ung diacre une étole, en faisant le service de l'église. Et quant le Roy et son conseil oyrent nouvelles qu'ilz estoient si approuchez, tantost et hastivement furent envoiez devers eulx, le conte de La Marche', l'arcevesque de Reims, l'évesque de Beauvais et le grant-maistre de Rhodes et plusieurs autres, pour traictier avecques eulx. C'estassavoir, qu'ilz dissipassent et renvoiassent leur exercite, et qu'ilz venissent devers le Roy à son mandement, à Paris, et sans armeures, comme vassaulx doivent et sont tenus de faire et venir devers leur souverain seigneur, et qu'il leur feroit raison et justice sans doubtance, et que, se ce ne faisoient, il leur feroit guerre prouchainement. Lesquelz dirent et respondirent qu'ilz n'en feroient autre chose que ce que naguères par leurs lectres patentes lui en avoient intimé et signifié. Et par ainsi, lesdiz ambaxadeurs, vacans et vuides de response, s'en retournèrent à Paris devers le Roy. Pareillement l'Université de Paris envoya devers eulx ses ambaxadeurs et gens de grant solennité et moult sages et enseignez, c'estassavoir Amé, l'abbé de Poigny3, docteur en théologie, qui solemnellement et notablement, de par ladicte Université proposa devant eulx. Et furent très grandement et honnorablement receuz d'iceulx seigneurs, par espécial du duc de Berry. Du

1. Jacques de Bourbon, gendre du roi de Navarre. 2. Philibert de Naillac, dont il a été question plus haut. 3. Il n'y a pas d'abbaye de Poigny. Il faut lire Foigny, abbaye de diocèse de Laon.

quel, entre les autres, leur fut dit qu'il leur desplaisoit moult que le Roy, son nepveu, estoit tellement et ainsi gouverné de telz vilains comme estoit le prévost de Paris et plusieurs autres qui avoient tous le gouvernement du royaume, qui estoit vilainement gouverné, que c'estoit pitié à veoir, ainsi, dist-il, que nous le dirons et monstrerons d'article en article quant nous serons devers lui. Et autre response ne rapportèrent, sinon que, au plaisir de Dieu, ilz acompliront à leur povoir le contenu èsdictes lectres patentes naguères par eulx envoiées à ladicte Université. Après, le Roy, et son conseil mis ensemble, envoya la Royne, le cardinal de Bar et le conte Walerant de Saint-Pol avecques elle, et plusieurs autres, pour la cause dessusdicte, avec les dessusdiz. Et est vérité que le conte de Saint-Pol avoit accepté l'office de grant boutiller de France, du consentement du Roy, lequel ocupoit le prévost de Paris qui l'avoit tenu et eu du conte de Tancarville par le don du Roy. Et jà soit ce que la Royne, par les devant ditz ducs et contes feust honnorablement receue, toutesfoiz elle ne demoura pas en leur exercice et assemblée, ains s'en ala au chastel de Marcoussis, qui n'est guères loing de Montlehéry, où elle fut avecques ses gens par moult de jours, à traicter avecques eulx. Et venoient chascun jour les dessusdiz princes, ou aucuns d'eulx, devers elle. Et jà soit ce que diligemment, pour les mener à conclusion de paix avecques le Roy son seigneur, elle tendoit, néantmoins elle n'en peut venir à son entencion.

1. Pierre des Essarts.

2. On se rappelle qu'à la mort de Montaigu, le château de Marcoussis avait été donné à Louis de Bavière, frère de la reine.

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