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Bandeau leué de dessus les yeux des Parisiens pour bien iuger des mouuemens présens et de la partie qu'eux et tous les bons François y doiuent tenir [574]'.

(19 février 1649.)

Les Roys, pour auoir les mains bien longues, ne les ont pas moins fortes; surtout en France où les Suiets n'ont iamais présumé de pouuoir vaincre leur Maistre ce nom de Roy, imprimant vne telle terreur, mesmes dans les esprits les plus audacieux, qu'il ne s'en est point trouué qui l'ayent osé directement choquer, mais seulement sous le prétexte d'vne réformation le plus souuent imaginaire, décriant d'ordinaire le gouuernement présent et amusant la populace de l'espérance d'vn meilleur et du bien public; Au lieu de quoy ces entreprises contre ceux qui gouuernent, se terminent tousiours à la ruine du peuple qui s'est laissé abuser à cette fausse apparence; bien loin d'apprendre des exemples passez que ces réformateurs n'ont iamais tendu qu'à leurs fins particulières, qu'ils ont en définitive bien sceu distinguer des générales dont ils couurent leurs mécontente

mens.

Il faut estre bien ieune, ignorer l'histoire ou auoir oublié ce que nous auons veu et apris de nos pères, pour douter de cette vérité.

Aussi la Maiesté de nos Roys est elle l'image de la Di

'C'est encore une pièce sortie des presses de Saint-Germain.

vine celuy qui attaque l'vne, se prend à l'autre. Et comme il n'y a point de iuste cause de blasphémer Dicu, il n'y en a point de s'attaquer à la puissance Souueraine par luy ordonnée. Si l'on en permet la moindre ouuerture, la Royauté cesse de l'estre et demeure litigieuse entre ceux qui estoient Suiets et celuy qui estoit Roy, mais ne sont plus ny l'vn ny l'autre, puisque leur posisition dépend de la décision de ce qu'on veut mettre en question pour sçauoir qui est celui qui en doit estre creu. Il n'y a point de remontrances, quelque humilité qu'elles puissent feindre, qui, lorsqu'on cesse d'obéir, ne soient des rébellions, non guères dissemblables des réuérences que faisoient les Iuifs au Sauueur du monde en le crucifiant. Les prières nous sont bien permises; mais si elles ne sont pas trouuées iustes, c'est impiété contre le Ciel, c'est attentat contre le Roy de se mutiner à l'encontre, et vouloir, à la mode du géant de la Métamorphose, employer la force pour contraindre à obéir celuy qui doit commander. Iamais, le dit Philippe de Comines, aucun suiet ne s'est bien trouué d'auoir mesmes essayé de faire peur à son Maistre.

Tout ce qui s'écarte tant soit peu de l'entière obeyssance, ouure la porte à la réuolte, dont la témérité fait marcher d'vn pas égal ses raisons auec celles du Souuerain; voire se donne tousiours l'auantage et fait perdre d'abord aussi aisément la bonne cause que Dauid perdit la sienne deuant son peuple débauché par les caioleries d'Absalon; n'y ayant rien de plus aisé à suborner que les affections d'vne populace à qui la domination présente est tousiours odieuse. Mais le retour n'est iamais loin, comme il se voit en l'histoire de ce Roy, et entre tant d'autres, en celle de ce Royaume qui, malgré tous

ses factieux, se trouue en son premier estat depuis tant de siècles.

Se dispenser icy de cette Loy, c'est rendre la condition d'vn Roy de France, dont les prérogatiues surpassent celles de tous les autres Monarques du monde, inférieure à celle du moindre de ses Généraux d'armée, voire de ses Capitaines, aux ordres desquels vn Soldat n'oseroit résister ny réuoquer en doute sa puissance, et refuser l'obéissance au moindre officier qu'il aura estably sur luy et sur ses compagnons; sans parler de l'Église, laquelle ouuriroit la porte à toutes sortes d'hérésies, si elle donhoit la licence à chacun de résister à son Chef. Et ceux qui employent auiourd'huy le nom du Parlement pour faire tant de bruit, voudroyent ils qu'il fust permis à d'autres qu'à ceux de leurs Corps de donner des Arrests en la matière qui leur est commise, quelque iustice éuidente qui parust dans les griefs d'vne partie opposante à leur exécution, qui n'est pas mesmes empêchée par les requestes ciuiles qu'on leur présente? D'où vient donc qu'ils ne rendent pas au Roy en leur cause la iustice à laquelle ils veulent que tous les autres se tiennent?

Mais posé que le pouuoir du Roy ne fut plus Souuerain, à quoy ne sçauroit consentir aucune âme, non seulement françoise, mais chrestienne, puisque nostre Seigneur et ses Apostres s'y sont eux mesmes assuiettis et nous ont enioint d'estre suiets aux puissances Souueraines, mais raisonnable puisque c'est le droit des gens qui ne se peut violer sans passer pour brutaux, si estce que cette puissance de contrôler les Roys ne doit pas estre au premier occupant. Et ie ne voy pas de raison pour que le Parlement de Paris, qui n'est qu'vn des

neuf Parlemens de France, à tous lesquels la seule iustice distributiue de leur ressort, entre leurs iusticiables, a esté confiée par le Roy et ses prédécesseurs, se puisse attribuer le droit de syndiquer les actions du Roy et de la Royne régente, sa mère, plustost que les huit autres Parlemens et vn plus grand nombre d'autres Compagnies aussi Souueraines que la leur, et qui ont à la vérité mesme pouuoir du Roy de iuger les différens entre tous les particuliers, mais seulement tant qu'il plaira à sa Maiesté, comme ils verront dans leurs Lettres; plustost encore que le Lieutenant Général du Roy en toutes ses Prouinces et armées, qui est Son Altesse Royale, et que le premier Prince du Sang, qui est le Prince de Condé ; lesquels ont tant contribué à la gloire de cette Couronne et qui sont incomparablement plus intéressez que tous ces Corps là dans la conduite et conseruation de l'Estat : duquel ces neuf Parlemens, quand ils seroient tous ensemble, comme il n'y en a qu'vn, ne font qu'vne petite portion, assauoir vne partie du tiers Estat; l'Église composant la prémière, et la Noblesse la seconde de sorte qu'vn des cadets de Bretagne auroit aussi bonne grâce qu'eux de vouloir faire la loy à ses aisnez.

Mais accordons à ceux du Parlement (car leur authorité a préualu chez eux sur tous les autres cette possession sans titre qu'il n'y a point d'autre Parlement en France que le leur, sauf le droit d'autruy qui ne le leur accorde pas), concédons qu'ils ayent droit de réformer, et quoy? Sera-ce l'Estat ? Il n'est pas de leur gibier : ils ne doiuent tenir en cette action de simples que rang suiets; et quand ils en auroient la commission des Estats généraux, approuuée du Roy qui en est le Chef, ils deuoient au moins commencer par eux mesmes pour em

le

pescher qu'on ne leur reprochast ce qu'on disoit à cette Lamie qui voyoit clair partout ailleurs que chez elle.

C'est là où ils eussent fait voir qu'ils estoient véritablement touchez de compassion enuers leurs compatriotes, ostant ou du moins diminuant leurs épices et autres droits, puisqu'ils sont obligez de rendre la iustice gratuitement aux suiets du Roy, abolissant les chicaneries, abrégeant la longueur des procez et iugeant sommairement ceux que l'on peut vuider sur le champ, au lieu de les appointer contre l'Ordonnance et les rendre, comme ils sont, immortels; qui est le plus grand fléau du Royaume, qui abat le plus les courages des François et les détourne de l'exercice des armes et des autres arts, voire se trouue la plus certaine et plus ordinaire ruine des familles. C'est alors que l'on eust inféré qu'ils auoient de bonnes intentions pour le bien public; au lieu de quoy, sans donner ordre aux abus, à la réformation desquels ils ne sont pas seulement bien fondez, mais y sont obligez par le deuoir de leurs charges, ils s'ingèrent sans aueu à mettre leur faux en la moisson d'autruy, se monstrant grands zélateurs du bien public, lorsqu'ils ne trouuent point d'autre remède pour se garantir des taxes qu'on leur demande pour iouir de la Paulette, ce qui fait appeler par quelques vns nos désordres la guerre du droit annuel.

Mais le cas, posons Messieurs, que vous ayez commencé à régler les abus que vous laissez chez vous, et dont il vous importe peu que tout le monde se trouue mal puisque vous vous en portez bien; est-ce à coups d'épée et de canon que la réformation de l'Estat se doit faire, ou bien par vos loix, auxquelles ces violences sont

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