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Tous leurs obstacles furent vains.
Sans fruit les vieillards résistèrent.
Enfin les frondeurs l'emportèrent.
Et, suiuant leur intention,
L'on se tint à la ionction 1.
D'Émery, contre son attente,
Trouua la fortune changeante.
Par des conseils accommodans
On réuoqua les Intendans.

La Reyne mesme, à ce qu'il semble,
Trouue fort bon que l'on s'assemble.
Gens de Palais et gens de Cour
Ont conférence à Luxembour'.
Le Duc d'Orléans, fils de France,
Au Parlement prit sa séance;
Et le feu loin de s'embraser,
Paraissoit quasi s'appaiser,
Alors que la prison nouvelle
Du bon-homme Monsieur Bruxelle,
Riche d'honneur, pauure de biens,
Arma tous ses concitoyens.
Ce fut au temps que la victoire,
Amoureuse de nostre gloire,
Fit à Lens, ainsy qu'à Rocroy,
Triompher nostre ieune Roy
De ces redoutables cohortes

Qui sembloient menacer nos portes.
L'illustre Prince de Condé,
Par son courage secondé,

Auec ses troupes, comme vn foudre,
Réduit leurs escadrons en poudre,
Et les suiuant iusqu'à Douay,

'Arrêt du 15 juin.

Surintendant des finances.

3 Le 21 juin eut lieu la première conférence.

1

Venge la perte de Courtray'.
Chacun bénissoit sa prouesse.
Tout estoit remply d'allégresse;

Mais comme en vn beau iour d'Esté,
Plein de lumière et de clarté,

Le Ciel se couurant de

nuage

Change le beau temps en orage,
Et des ruisseaux font vne mer
Qui ne peut pourtant pas durer,
La ioye en nos cœurs préparée
Ne fut pas de longue durée.

De tout temps nos Roys très-pieux
Par vn zèle déuotieux,

Quand le Ciel a bény nos armes,
Et la valeur de nos gendarmes,
Vont en cortège solennel
Rendre grâces à l'Éternel,
Deuant le temple où l'on réuère
Le nom de sa très-chaste mère.
Les Gardes dès le point du iour
Assemblez au son du tambour
Dessus le Pont-neuf se logèrent
Et par les rues s'arrangèrent,
Quand, la Reyne estant de retour,
Vn bruit s'épand tout à l'entour
Que l'on auoit pris le bon-homme
Que le peuple son père nomme2.
L'vn dit : « On l'emmène par là;
L'autre cecy, l'autre cela.
Le murmure eschauffe la bile
Des batteliers, gent mal docile.

Et chacun s'arme aux enuirons

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Courtray, pris en 1647 par les Espagnols pendant que le prince de Condé faisait le siége d'Ypres.

2 Pierre Broussel, conseiller au parlement.

Qui de crocs et qui d'auirons,
De cailloux, de pics et de pelles,
De bans, de treteaux, d'escabelles,
De barres de fer, de leuiers,

De grez que l'on prend aux euiers.
Le peuple farouche et fantasque
Iure, maudit, peste et renasque.
Tout est plein de confusion
D'horreur et de sédition.

Des plaintes on vient aux murmures,
Aux cris, aux fureurs, aux iniures;
Et les soldats du Régiment1,
Repoussez assez brusquement,
Voyant leur partie mal faite,
Firent vne prompte retraite ;
Et dans ce bizarre combat,
Quelques-vns sont mis au grabat;
D'autres suiuis avec brauades.
Le peuple fait les Barricades.
De tous costez on fait grand bruit ;
On court, on s'auance, l'on fuit.
Maçons, Charpentiers, Estuuistes,
Imprimeurs, Relieurs, Copistes,
Garçons de Postes et Relais,
Colporteurs et Clercs du Palais,
Tailleurs, Pages d'Apotiquaires,
Maquignons, Écorcheurs, Libraires,
Fourbisseurs, Charrons, Batteliers,
Crocheteurs, Doreurs, Écoliers,
Crieurs de noix et d'eau de vie,
Moutardiers et vendeurs d'oublie,
Crieurs de passement d'argent,
Assistants, Recors et Sergent,

'Le régiment des gardes, appelé par excellence le Régiment.

Meneurs de hacquets et brouettes,

Marqueurs, enfants de la Raquette,
Porte-chaires, passeurs de Bac,
Vendeurs de pipes et tabac,
Cureurs de puits et de gadoue,
Charetiers qui mènent la boue,
Mareschaux, Forgerons, Selliers,
Partout s'épandent par milliers.
Aux Halles les Fripiers s'armèrent ;
Et les Bourgeois se cantonèrent,
Au près aussi bien comme au loin,
Sur le Quay, sur le port au Foin.
Chacun son compagnon réclame,
Fourbit son mousquet et sa lame
Et iurant sans cesse morbieu
Prend l'hallebarde ou quelque épieu.
Cette martiale iournée

Par la nuit ne fut terminée.

On vit de moment en moment,
Sans sçauoir pourquoy ni comment,
Aux portes et par la fenestre,
Peter fortement le salpestre.
Et ces gens, à n'en mentir point,
Estoient braues au dernier point.
Le lendemain la belle Aurore

Les trouua tous armez encore;
Et comme ils n'auoient pas dormy,
Remplis de vin plus qu'à demy,
De ce vin leur âme eschauffée
Se promettoit quelque trophée.
Le Chancelier, à ce matin,
Conduit par son mauuais destin,
Portoit à la Cour Souueraine
Vn ordre envoyé par la Reyne.
On luy crie: Demeure là.

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Luy, surpris de ce Quy va là,
Qui est vn terme de milice
Peu cognu des gens de Iustice,
Les ayant appelez mutins,
Gagna le Quay des Augustins.
Le peuple s'émeut dans la rue,
Le suit, le clabaude, le hue.
Son carrosse fendit le vent.
La troupe le va poursuiuant;
Et d'vne ardeur fière et mutine,
Inuestit l'Hostel de Luyne,
Rompt la porte de la maison.
L'vn en sa main tient vn tison,
Vn chenet, vne lichefrite,
Le couuercle d'vne marmite.
Ils iurent tous qu'il en mourra,
Que iamais sceau n'appliquera.
Luy, réduit à cet accessoire,
Et qui, pour auoir leu l'Histoire,
Scait fort bien comme d'autrefois,
Sous le règne des anciens Roys,
Vn chancelier fut mis en broche
Par le noble écorcheur Caboche,
Assisté de quelques mutins,
Vulgairement des Maillotins,
Crut sa dernière heure venue.
A deux genoux, la teste nue,
Dans ce péril rude et pressant,
Il inuoquoit le Tout Puissant;

Et fit, comme on peut bien le craire,
A l'Éuesque de Meaux, son frère,
De ses péchez confession,

Auecque protestation

Que si du danger il eschappe,

Iamais plus on ne l'y attrappe;

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