ページの画像
PDF
ePub

BULLETIN

DU

Bouquiniste

Paraissant le 1er et le 15 de chaque mois.

[subsumed][ocr errors][graphic][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][subsumed][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

CHEZ AUG. AUBRY, LIBRAIRE, RUE DAUPHINE, 16.

Lieux d'abonnements:

FRANCE. Lyon, Aug. Brun, Richarme. Marseille, Boy. Nantes, Petipas. Rouen, Lebrument. Angoulême, Chabot. Bordeaux, Sauvat. Dijon, Lamarche et Drouelle. Reims, Brissart-Binet. Chartres, Garnier. Metz, Lorette. Lille, Vanackere, Beghin, Leleu. ÉTRANGER. Bruxelles, Heussner. Berlin, Asher. Leipsig, Brockhaus. Francfort-sur-Mein, Baer, Londres, Barthès et Lowell Genève, Cherbulliez.

Tous les Livres annoncés au Bulletin sont garantis complets et en bon état, à moins d'indication contraire.

L'Editeur du Bulletin ne possédant souvent qu'un seul exemplaire des ouvrages qu'il annonce, MM. les amateurs et libraires sont priés de faire leurs demandes le plus tôt possible, en indiquant exactement le numéro d'ordre, le premier mot du titre et le mode d'envoi.

Si quelques-uns des articles demandés se trouvaient déjà vendus, cette circonstance ne pourrait de la part du demandeur motiver le refus de l'envoi.

Les expéditions se font CONTRE REmboursement.

Chaque Bulletin se composera d'une feuille d'impression et souvent deux.

ACHAT DE BIBLIOTHÈQUES.— EXPERTISES.—VENTES DE LIVRES.

AVIS.-Il sera fait dans le BULLETIN un compte rendu des ouvrages spéciaux sur la bibliographie, l'histoire ou les réimpressions d'ouvrages rares ou curieux dont on fera parvenir deux exemplaires à la Librairie A. Aubry, rue Dauphine, 16.

LE PHILOBIBLION.

Nous croyons être agréable à nos lecteurs en leur donnant la notice littéraire que M. Cocheris a consacrée au Philobiblion, et qui termine l'introduction de la nouvelle édition du livre rare et singulier que nous livrerons sous quelques jours à la curiosité des bibliophiles.

Le Philobiblion de Richard de Bury est ce que les Anglais appellent de nos jours une autobiography. C'est peut-être le premier monument littéraire de ce genre au moyen âge dans lequel un auteur entremêle ses pensées et les événements qui ont agité sa vie; aussi n'est-ce pas le côté le moins original du livre singulier que nous publions aujourd'hui.

Sans être un de ces hommes que la nature crée dans un temps qui n'est point fait pour eux, Richard de Bury semble cependant mériter des éloges plus que tous les écrivains de son pays, nous dirious presque de son époque. Son œuvre est certainement remplie de subtilités, sans doute on y retrouve une affectation de langage qui fut si fort de mode un siècle plus tard, à la cour d'Élisabeth; mais si la forme est parfois ridicule, le fond est louable et digne d'estime.

L'un des plus grands mérites de l'auteur est de connaître la décadence de son siècle et de la signaler. Il nous montre dans son prologue les étudiants, découragés par la misère, abandonnant les lettres pour les arts mécaniques, et recherchant la fortune que la science donne bien rarement. Il nous signale cette aptitude mercantile qui déjà s'était emparée des esprits en Angleterre, et qui devait être un jour la source de sa richesse. Pour combattre cette fâcheuse tendance, il s'efforce de faire partager aux étudiants sa passion pour les livres; il tient à leur prouver que les livres sont au-dessus de tous les biens de la terre, au-dessus du roi, du vin et des femmes ! Nous doutons que ceux à qui il s'adressait fussent assez sages pour partager un enthousiasme si exclusif.

Nous préférons la comparaison qu'il établit entre les livres et les professeurs. « Ce sont des maîtres, dit-il, qui nous instruisent sans verges et sans férules, sans cris et sans colères, sans costume et sans argent. Si on les approche, on ne les trouve point endormis, si on les interroge, ils ne dissimulent point leurs idées, si on se trompe, ils ne murmurent pas, si on commet une bévue, ils ne connaissent point la moquerie 1. » On ne peut s'empêcher de voir dans cette comparaison une épigramme à l'adresse de ses professeurs. Si, comme on le voit, il n'avait point oublié leur conduite, le passage suivant montrera qu'il se rappelait également leurs leçons. « La vérité, dit-il, se présente à notre esprit sans intervalles, d'une manière permanente, et passant par la route spirituelle des yeux, vestibule du sens commun et atrium de l'imagination, elle pénètre dans le palais de l'intelligence, où elle se lie avec la mémoire pour engendrer l'éternelle vérité de la pensée 2. »

Ces deux extraits suffisent pour indiquer le langage quintessencié de notre bibliophile. Son style, qu'il dit formé à l'école des modernes, quelquefois brillant, imagé, énergique, mais toujours clérical et mystique, pèche le plus souvent par une recherche puérile de jeux d'esprit et d'artifices de paroles, un luxe de citations superflues, une enflure parfois ridicule et tellement excessive, qu'elle s'abat, comme dit Montaigne, par l'extravagance de sa force.

1 Voy. le Philobiblion, chap. I, traduct., page 16 et texte page 207. 2 Voy. le Philobiblion, chap. I, traduct., page 27 et texte page 206.

Il ne démontre la valeur ineffable des livres que pour tirer cette conséquence ruineuse: « Qu'à moins de craindre d'être trompé par le libraire, il faut, dans l'achat des livres, ne reculer devant aucun sacrifice quand l'occasion semble favorable; car si la sagesse, ajoute-t-il, trésor infini aux yeux de l'homme, leur donne de la valeur et que cette valeur soit de celles qu'on ne peut exprimer, il est impossible de trouver leur prix trop excessif1. » Quelle charmante conclusion! et ne mériterait-elle pas qu'à notre époque où l'on crée des célébrités tout exprès pour leur dresser des statues, les libraires se réunissent pour en élever une l'auteur d'une si belle maxime?

Le chapitre IV est, sans contredit, l'une des parties les plus importantes duPhilobiblion. C'est le tableau vivant de la dissolution morale et intellectuelle du clergé régulier au xive siècle, tableau malheureusement trop fidèle, où le dérèglement des mœurs monacales, l'ignorance des religieux, l'indolence de leur oisiveté sont rendus avec autant de verve que d'originalité.

Quelque désir préconçu que l'on ait de trouver le récit exagéré, on ne peut oublier que ces plaintes n'ont point été formulées par un Guillaume de Lorris ou un Jean de Meun, un Gautier Map ou un Langland, mais bien par un homme de qualité, un savant ecclésiastique, un prélat enfin, qui occupait dans le monde politique une position au moins égale à celle qu'il avait conquise dans le clergé. Par conséquent, le doute qui nous saisit en lisant les satires des premiers ne peut plus exister en entendant les lamentations du second. D'ailleurs la valeur d'une assertion est toujours relative à l'estime que l'on professe pour l'écrivain, et, dans ce cas, on ne peut douter des sentiments élevés qui guidaient le pieux évêque dans l'exposé de ses reproches. Seulement, comme il ne peut soutenir son style à la hauteur de son indignation, il arrive que le lecteur est beaucoup plus amusé que pénétré, et qu'il sourit quand il devrait blâmer.

Il est impossible, en effet, de ne point se divertir à l'histoire malheureuse du livre, racontée par lui-même. Ses infortunes dans les monastères, la haine que lui porte la femme, bestia bipedalis, son état misérable, ses maladies, les opérations que lui font subir les commentateurs, les traducteurs et les plagiaires, forment les incidents d'un récit comique et facétieux, aussi curieux par le style que par les idées, et reflétant avec bonheur les mœurs grossières qu'il s'efforce de peindre.

Il continue, dans les deux chapitres suivants, la série de ses diatribes contre les moines, et il n'est pas moins violent dans la critique de leurs imperfections morales qu'il ne l'avait été en blâmant leur paresse. Il s'indigne de leur vie épicurienne, il signale les béatitudes toutes terrestres de leur état monacal, et ne peut leur pardonner de préférer le vin à l'étude « le Liber Bacchus au Liber Codex. » Il les conjure de changer de vie, de donner de meilleurs exemples à la jeunesse, afin qu'elle devienne Socratique par ses mœurs et Péripatéticienne par sa doctrine.

Un partisan de Platon et d'Aristote pouvait-il mieux terminer sa péroraison ? Les désastres que la guerre et le despotisme font éprouver aux lettres et aux livres le détournent de ces imprécations. Il déplore avec amertume les pertes irréparables occasionnées par les luttes sanglantes de l'antiquité, et invoque pour le présent et l'avenir le Dieu de la paix. C'est en lisant ce chapitre, où l'auteur rassemble ces souvenirs d'antiquités païennes et judaïques, que l'on peut dire avec Dibdin: « Que peut-il y avoir de plus heureux pour celui qui tient à la réputation intellectuelle de son pays que de trouver un caractère comme celui de Bury, dans un siècle de fer et de sang, unissant le calme et la

1 Voy. le Philobiblion, chap. III, traduct., page 27 et texte page 212.

douceur d'un législateur à la sagacité d'un philosophe, à l'esprit élégant d'un

érudit1?»

Le chapitre VIII est, sans contredit, le plus intéressant, en ce qu'il nous initie au caractère même de l'auteur. C'est la partie vraiment autobiographique du Philobiblion. C'est là seulement que nous pouvons apprécier le caractère du bibliophile, c'est là que déborde l'expression de son amour pour les livres, et où malgré lui il nous fait connaître ce que nous n'aurions jamais osé dire nous-mêmes, que tous les moyens lui étaient bons pour en acquérir.-Quand il avoue ingénûment qu'il était assez puissant pour nuire ou protéger, n'est-ce pas faire connaitre que sa passion le dominait au point d'enfreindre au besoin les lois de l'honnêteté ? ·

La chronique nous a consacré le souvenir d'une de ses concussions, si l'on peut qualifier par un terme aussi sévère le résultat de ses accommodements entre le ciel et sa conscience.

A l'époque où il était garde du scel privé, Richard de Wallingford, abbé de St-Alban, faisait un procès aux habitants dudit lieu, à propos de certaines propriétés que les moines réclamaient comme leur appartenant. Richard de Bury protégea les religieux de toute son influence, et le jugement fut rendu en leur faveur. L'abbé réunit aussitôt le chapitre et rappela les services secrets que venait de lui rendre en cette occasion le garde du scel privé. Il fit entendre qu'il était impossible de ne point le récompenser, et que le seul moyen de lui être agréable était de lui donner quelques manuscrits de la bibliothèque de l'abbaye, et de l'autoriser à acheter ceux qui lui conviendraient. Le chapitre opina comme l'abbé, et on offrit à Bury un Térence, un Virgile, un Quintilien, et le traité de saint Jérôme contre Rufin. Quant aux volumes qui lui furent vendus, ils étaient au nombre de 32 et furent achetés pour 50 livres. Cette transaction ne plut pas malheureusement à tous les moines de l'abbaye, et quelques-uns se récrièrent, non sans raison, sur ce que, pour agrandir ses domaines, l'abbé appauvrissait les richesses littéraires de son couvent. Mais les plaintes ne firent aucun effet, et Richard de Bury

conserva ces manuscrits.

ע

Cette manière de former une bibliothèque est assez commune parmi les bibliophiles, et Naudé, dans son « Advis pour dresser une bibliothèque, loin de la blâmer la recommande au contraire. « Le troisième moyen pour recouvrer les livres, dit-il, se peut tirer des moyens qui furent pratiqués par Richard de Bury, evesque de Dunelme et grand chancelier et thresorier d'Angleterre, qui consistent à publier et faire cognoistre à un chacun l'affection que l'on porte aux livres, et le grand désir que l'on a de dresser une bibliothèque; car cette chose estant commune et divulguée, il est indubitable que si celuy qui a ce dessein est en assez grand crédit et auctorité pour faire plaisir à ses amis, il n'y aura aucun d'iceux qui ne tienne à faveur de luy faire présent des plus curieux livres qui tomberont entre ses mains, qui ne luy donne très-volontiers entrée dans sa bibliothèque, ou en celle de ses amis, bref qui n'ayde et ne contribue à son dessein tout ce qui luy sera possible: comme il est fort bien remarqué par le dit Richard de Bury en ces propres termes, que je transcris d'autant plus volontiers que son livre est fort rare, et du nombre de ceux qui se perdent par notre négligence 3. »

1 Dibdin, Biblionomia, page 217.

Le British Museum possède un manuscrit contenant l'Ententicus de Jean de Salisbury, où on lit cette note: Hunc librum fecit dominus Symon, abbas Sancti Albani, quem postea venditum domino Ricardo de Bury, episcopo Dunelmensi, emit Michael, abbas Sancti Albani ab executoribus prædicti episcopi. A. D. 1345 (Voy. Warton, Hist. de la poésie anglaise, p. CXLVII. Merryweather, Bibliomania in the midle ages, etc. 1 vol. in-12. London, 1849, p. 71 et suiv.)

3 Voy. Advis pour dresser une bibliothèque, présenté à monseigneur le président de

« 前へ次へ »