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Dans les chapitres qui suivent, Richard de Bury cherche à démontrer la supériorité des anciens sur les modernes. Il s'attache à prouver que les plus beaux modèles se rencontrent dans l'antiquité, et que les poëtes et les fabulistes ne doivent point être accusés des défauts qui leur sont reprochés 1. Il est de l'avis de Lafontaine,

Une morale nue apporte de l'ennui,

Le conte fait passer le précepte avec lui.

L'importance qu'il donne à la langue grecque est un fait que nous ne pouvons passer sous silence, et ce n'est pas un de ses moindres mérites à nos yeux que d'avoir pu discerner avec autant de justesse l'influence incontestable non-seulement du génie hellénique sur l'esprit latin, mais même de sa philosophie sur les vérités du christianisme.

« Qu'auraient produit, dit-il, les Salluste, les Cicéron, les Boëce, les Macrobe, les Lactance, les Marcien? enfin toute la cohorte latine, s'ils n'avaient connu les travaux des Athéniens et les ouvrages des Grecs, saint Jérôme, habile dans les trois langues de l'Écriture, saint Ambroise, saint Augustin, qui avoue cependant sa haine contre la littérature grecque, enfin saint Grégoire, qui dit positivement qu'il ne la connaît pas, auraient certainement peu contribué à la doctrine de l'Église, si la Grèce plus savante ne leur avait rien fourni. »

Ce goût pour l'antiquité grecque et latine, qui se traduit d'une manière si claire, si précise au commencement du xive siècle, est une preuve de plus que l'étude des auteurs anciens était au moyen âge beaucoup plus répandue qu'on ne le croit généralement.

A ce propos, qu'il nous soit permis de dire que l'on n'a pas apprécié assez justement les époques littéraires, les petites renaissances, si l'on peut s'exprimer ainsi, qui ont brillé par intervalles au moyen âge. Comme toute grande révolution, la grande renaissance n'est que l'avènement d'un ordre de choses longuement préparé, et il n'est pas juste de dire qu'à cette époque l'antiquité ait été retrouvée comme par enchantement. L'antiquité n'a jamais été perdue, seulement elle a été peu cultivée et souvent mal comprise. Pour nos aïeux, Scipion était un chevalier bardé de fer, la lance au poing, le casque en tête; Cicéron un avocat au parlement, Virgile, un trouvère. Ils ne pouvaient se figurer d'autres mœurs, d'autres usages, d'autres costumes que les leurs. Cette manière peu critique d'envisager l'antiquité devait naturellement les empêcher de la comprendre telle qu'elle devait être comprise. Néanmoins, cette fâcheuse influence ne leur interdisait pas entièrement l'intelligence des chefs-d'œuvre qu'ils avaient entre les mains. A une époque beaucoup plus rapprochée de nous, Athalie en paniers n'empêchait pas les spectateurs d'applaudir les œuvres de Racine, et nous admirons encore profondément, malgré des anachronismes de costume, les Noces de Cana de Paul Véronèse.

Il serait, du reste, injuste de juger de la connaissance de l'antiquité au moyen âge par les nombreux commentaires sur Aristote, Hippocrate et Galien qui encombrent les rayons de nos bibliothèques. Ces commentaires ne sont souvent que des cahiers d'écoliers, et par conséquent ne peuvent servir de guide dans l'appréciation exacte d'un point d'histoire littéraire aussi important.

En s'arrêtant aux traités des professeurs en vogue, aux lettres des écri

Mesme, par Naudé. Seconde édition, revue, corrigée et augmentée. Paris, 1664, in-8,
page 97.
Voy. le Philobiblion, chap. XIII, traduct., page 117 et texte page 256.
Voy. le Philobiblion, chap. X, traduct., page 105 et texte page 251.

vains les plus recommandables, on trouvera les traces d'un jugement plus sain et qui, bien qu'égaré par des idées fausses, donne souvent des preuves d'une érudition assez solide.

Dès le ixe siècle, les esprits d'élite tournent leurs regards vers l'antiquité. Dans sa description de la bibliothèque de la cathédrale d'York, le célèbre Alcuin1 fait connaître les auteurs classiques les plus en vogue.

Illic invenies veterum vestigia Patrum

Quidquid habet pro se Latio Romanus in orbe,
Græcia vel quidquid transmisit clara Latinis:
Hebraicus vel quod populus bibit imbre superno
Africa lucifluo vel quidquid lumine sparsit.

Quod Pater Hieronymus, quod sensit Hilarius, atque
Ambrosius præsul, simul Augustinus, et ipse
Sanctus Athanasius, quod Orosius edit avitus:
Quidquid Gregorius summus docet, et Leo papa;
Basilius quidquid, Fulgentius atque coruscant.
Cassiodorus item, Chrysostomus atque Johannes.
Quidquid et Althelmus docuit, quid Beda magister,
Quae Victorinus scripsere, Boetius : atque
Historici veteres, Pompeius, Plinius, ipse
Acer Aristoteles, rhetor quoque Tullius ingens.
Quid quoque Sedulius, vel quid canit ipse Juvencus,
Alcuinus et Clemens, Prosper, Paulinus, Arator,
Quid Fortunatus, vel quid Lactantius edunt;
Quæ Maro Virgilius, Statius, Lucanus, et auctor
Artis grammaticæ vel quid scripsere magistri;
Quid Probus atque Focas, Donatus, Priscianusve,
Servius, Euticius, Pompeius, Comminianus.
Invenies alios perplures, lector, ibidem
Egregios studiis, arte et sermone magistros,
Plurima qui claro scripsere volumina sensu :

Nomina sed quorum præscuti in carmine scribi
Longius est visum, quam plectri postulet usus:

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Loup de Ferrière 2, Raban Maur, Fréculphe et Photius remplissent leurs ouvrages de citations empruntées aux Grecs et aux Latins, citations d'autant plus précieuses qu'elles nous font connaître quelquefois des ouvrages aujourd'hui perdus ou égarés. C'est ainsi qu'au xe siècle le savant Sylvestre II parle de la république de Cicéron, que quatre cents ans plus tard Pétrarque se lamentait de ne pouvoir retrouver 5.

Ce qu'on a dit de la civilisation peut s'appliquer certainement aux progrès des études littéraires : elles avancent en spirale. En effet, au moment où elles semblent renaître et parvenir à un certain degré de développement, elles dévient tout d'un coup, et s'affaissent. On dirait que l'intelligence, fatiguée de sa fécondité, refuse de concevoir et de produire.

(La fin au prochain numéro.)

H. COCHERIS.

1 Voy. B. Flacci Albini seu Alcuini opera, 1777, in-fol. tom. II, page 257, col. I, Poema de pontificibus et sanctis ecclesiæ Eboracensis.

2 Cicéron, Salluste, Virgile, Horace, César, Trajan. Pompée, Valère-Maxime, Quintilien, Suétone, Aulu-Gelle, Servius, Macrobe, Cassiodore, Boëce, Priscien (Voy. PetitRadel, Rech. sur les Biblioth. de Paris, 1819, in-8).

3 Homère, Aristote, Caton, Ennius, Plaute, Lucrèce, Varon, Ovide, Perse, Lucain, Pline, Stace, Josèphe, Juvénal, Martial, Apulée.

Dion Cassius, auj. perdu, Platon, Corn. Nepos, Pomponius Mela, Tacite, Ptolémée, Eusèbe de Césarée, Justin, Egésippe, Tatien, Clément d'Alexandrie, Archelaüs, Anatolius d'Alexandrie, etc.

5 Voy. Gerberti Epistola xxxvII, p. 681.

LE QUÉRARD.

Nous enregistrons avec regret une nouvelle qui est de nature à chagriner les amis des livres, et qui inaugure d'une façon fâcheuse l'année 1857; le journal Le Quérard cesse de paraître.

On sait que, fondé par l'infatigable bibliographe qui lui avait donné son nom, ce journal a fourni une carrière de deux années. On avait le droit d'espérer qu'elle se prolongerait encore et qu'elle se fortifierait de plus en plus. Il en a été autrement. Malgré tout l'intérêt qu'il offrait aux bibliophiles, Le Quérard était loin d'avoir réuni assez d'abonnés pour couvrir ses frais d'impression; c'est lui-même qui nous révèle cette triste vérité; il a donc fallu qu'il s'arrêtât.

Il y a là matière à d'affligeantes réflexions sur l'indifférence qui accueille trop souvent en France les publications utiles; les bibliophiles, nous le craignons, sont rares en notre pays; en effet, où trouver des amateurs qui soutiennent une publication sérieuse, intéressante, fructueuse pour tout ami des productions de l'intelligence?

En Angleterre, en Allemagne, en Italie, des publications bibliographiques sont encouragées; il est douloureux de penser que sous ce rapport, la France se laisse tomber à un rang inférieur à celui de ses rivales. Espérons qu'il n'en sera pas toujours ainsi.

En attendant, Le Quérard forme deux volumes qui attestent, une fois encore, le zèle toujours renaissant de son créateur et qui sont trèsdignes de trouver place dans la collection de tout ami des livres. On y rencontre une foule de notices sur des sujets divers, d'excellents matériaux pour l'histoire littéraire, des détails piquants. En dernier lieu il a offert une liste raisonnée et remarquablement étendue d'écrits relatifs à Marie-Antoinette, à Charlotte-Corday, à M. et à Mme Guizot. On trouve dans Le Quérard un inventaire complet des principales publications françaises et étrangères en 1855 et 1856, inventaire accompagné d'appréciations et de détails sur les ouvrages enregistrés. Un grand nombre de bibliophiles et d'amateurs s'étaient mis en correspondance avec M. Quérard, et lui transmettaient maint détail curieux, maint renseignement peu connu sur les auteurs et sur les livres. Sous un titre original, De ceci et de cela, l'éditeur rassemblait une foule de petites circonstances qu'il ne fallait pas laisser perdre et qui auraient péri, s'il ne s'était trouvé une feuille qui leur offrit l'hospitalité. Pour donner une idée de tout ce que Le Quérard renferme d'utile et de piquant, il faudrait une table des matières qui serait fort longue, mais qui, elle-même, serait d'une lecture attachante.

Nous aimons, après tout, à redire un proverbe qui ne présente cependant qu'une consolation insuffisante: A quelque chose malheur est bon. >> M. QUÉRARD annonce que s'il renonce au journal qui absorbait tout son temps, il va consacrer ses moments à terminer deux ouvrages qu'il avait forcément interrompus depuis deux années: les Super

eheries littéraires dévoilées, tom. V, et le tome XI de la France littéraire. Dès que cette double publication sera achevée, il mettra sous presse une seconde édition entièrement refondue et fort augmentée des Supercheries littéraires; elle formera 4 volumes in-8, de 800 pages, caractères compactes et à deux colonnes. En même temps l'intrépide bibliographe, qui a su très-certainement découvrir le moyen de travailler plus de vingt-quatre heures par jour, reprendra son Dictionnaire des ouvrages polyonymes et anonymes de la littérature française qui, arrêté par les événements de 1848, ne forme encore que trois livraisons renfermant les mots A.-Almanachs. Plus tard enfin, on verra surgir, nous en avons la confiance, cette Encyclopédie du bibliothécaire pour laquelle d'immenses matériaux ont été réunis. On voit qu'à lui seul, M. Quérard entreprend et exécute des travaux qui auraient effrayé une congrégation de bénédictins; et ce que nous pouvons affirmer, nous qui avons fait une étude attentive de ses ouvrages, c'est que chez lui la qualité répond pleinement à la quantité. C'est dire beaucoup, mais c'est une assertion de la vérité la plus vraie. G. BRUNET.

Nous avons reçu cet été une lettre autographe très-flatteuse de Monseigneur l'archevêque de Paris. Beaucoup de nos amis nous avaient pressé de la publier, mais nous avions résisté à cet entraînement dans la crainte de paraître faire une réclame d'un témoignage aussi auguste. Si nous la publions aujourd'hui, c'est avec une complète abnégation de nous-même : nous voulons seulement ajouter une nouvelle preuve de son extrême sympathie pour les Lettres, à toutes celles données par l'illustre et infortuné prélat, dans sa trop courte carrière.

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Veuillez recevoir l'expression de ma gratitude pour l'obligeance que vous `avez eue de m'envoyer votre intéressante publication sur les ÉGLISES ET LES MoNASTÈRÈS DE PARIS. Cette exhumation de pièces rares où inédites me paraît devoir piquer vivement la curiosité des amateurs; ce sera, comme vous l'indiquez dans le titre général de votre publication, un vrai trésor.

Je vous sais gré, Monsieur, d'avoir eu l'attention de penser que le charmant volume que vous avez bien voulu m'adresser me ferait grand plaisir.

Je vous prie, Monsieur, d'agréer avec mes remerciments l'assurance de ma considération distinguée,

†M. D. AUGUSTE, archev. de Paris.

M. Aubry, éditeur, rue Dauphine.

ALMANACH DE LA COUR, de la ville et des départements pour l'année 4.857. 54° année. 4 volume in-32 jésus de 400 pages, orné de 4 jolis portraits. Prix: broché, 2 fr.; relié, 3 fr.

Le nombre toujours croissant des almanachs qui paraissent annuellement en Europe, et principalement en France, constate l'utilité de ces publications. Outre l'amanach Royal, édité pour la première fois à Paris en 1699 par le libraire Laurent d'Houry, les grandes administrations, le clergé, l'armée, la littérature, les sciences et les arts ont leur annuaire particulier qui contient pour chaque spécialité d'utiles documents, qu'on ne trouverait ailleurs que fort difficilement.

Entre l'almanach Impérial, le plus complet de tous, et ces annuaires spéciaux qui ne s'adressent qu'à une certaine classe, il y avait une place à prendre. Tel a été le but de l'Almanach de la Cour, de la ville et des départements, publié en 1806 par la maison Janet, et qui n'a pas cessé de paraître depuis cette époque. L'éditeur avait eu l'heureuse idée de donner un abrégé de l'almanach Impérial, toutefois avec les corrections et les additions nécessaires, et de mettre ainsi à la portée de tous cette publication officielle. L'essai fui très-favorablement accueilli, et depuis près de cinquante ans cette publication compte parmi les recueils les plus estimés de ce genre.

LA CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE, publiée par M. LUD. Lalanne, 1re année, no 3 (5 janvier 1857.)-SOMMAIRE. L'art dramatique en 1856, par M. L. Esnault. Don Giulio Genoino, par M. Marc Monnier.Histoire de la querelle des anciens et des modernes, de M. Rigault, par M. L. Daniel.-Les dernières élections de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, par M. Lud. Lalanne.-Innovations typographiques. La bibliothèque Elzévirienne. Recherches sur le P. Ménestrier, par M. H.-L. Bordier.Deux Femmes moralistes, par M. de Rouchaud.Les Inondations de la Loire au xvire siècle.Correspondance: Lettre de M. le comte de Marcellus.-Nouvelles littéraires de la Grande-Bretagne ; lettre de M. Masson. Fouilles archéologiques, près de Bernay, lettre de M. Raymond Bordeaux.-La Quenouille de Barberine.-Questions et réponses, Salómon de Brosse.-Nécrologie.—Bulletin bibliographique.

ÉTAT DES VENTES

8-23 janvier.-Livres rares et précieux manuscrits et imprimés, composant la bibliothèque de M. C. R*** de Milan. Rue des Bons-Enfants. (Potier, libraire.)

15-20 janvier.- Livres d'une bibliothèque choisie, dont un grand nombre à figures, provenant du cabinet de feu M. Barbou, président de chambre à la Cour impériale de Paris. Le catalogue contient 457 art., et suppl. 192. (Aug. Durand, libraire.)

20-24 janvier. Livres de la bibliothèque de M. l'abbé le P***, et suite et fin de celle de M. le docteur F***(théologie, controverse, philosophie, sciences occultes, médecine, magnétisme, belles-lettres, histoire, gravures, etc., etc.). (480 art.). A Lyon, sous la direction de Aug. Brun, libraire. LE CATALOGUE se distribue à Paris, chez A. Durand, A, Aubry.

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