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« une copie manuscrite de cet ouvrage. On a trouvé une note margi<<nale de M. Huet, et cette note dit qu'on avait vu le manuscrit chez « Mme d'Aiguillon, nièce du cardinal. Ne voilà-t-il pas de belles « preuves?..... >

Puis il revenait, article 17, avec une grande complaisance, sur le million d'or; et, comme plus tard, il était définitivement battu sur ce point, il ne trouvait d'autre ressource que de supprimer ce passage dans l'édition de ses œuvres de 1757, et de désavouer dans ses Doutes nouveaux 1 les éditions antérieures des Mensonges imprimés.

1

Mais Voltaire connaissait son public, il se sentait soutenu et gâté; et trop souvent il en abusait, aux dépens de la vérité, de la modération, et surtout de ses adversaires. Toutefois, après une première réponse du P. Berthier aux Raisons de douter, celui qui se présenta dans la lice dut être traité avec les égards et la courtoisie dont il donna au plus haut point l'exemple.

Ce nouvel adversaire, c'était Foncemagne, savant de bonne compagnie, plein de critique et de goût, secrétaire de l'Académie des inscriptions, et, depuis 1737, membre de l'Académie française.

Aux mauvaises raisons, aux déclamations de Voltaire, il répondit par une lettre citée à bon droit comme un modèle de critique, de style et d'urbanité. Prenant une à une les objections de son adversaire, il les détruisait péremptoirement avec autant de force que de mesure; puis mettant vivement en lumière dans la seconde partie, soit les passages les plus saillants du Testament politique, soit ceux où la personnalité du cardinal ressortait le plus, il concluait ainsi :

« Si j'ai détruit les accusations d'indécence, de contradiction, de « puérilité, d'absurdité, etc., on n'aura plus sujet de dire que le Testa« ment politique est un ouvrage peu digne du cardinal.....

« Et je crois avoir prouvé qu'il ne pouvait être que de lui en faisant « voir qu'il est plein de traits qui le caractérisaient de la façon la plus << sensible; réflexions qu'il a été seul à portée de faire; maximes que « lui seul a eu intérêt d'établir; sentiments qui n'ont pu se former que << dans son âme; expressions qui n'ont pu naître que sous sa plume; « personnalités qui ne conviennent qu'à lui et qui ne sauraient avoir « été contrefaites 3. »

Quand la lettre de Foncemagne parut, Voltaire allait partir pour la Prusse; par suite, sa réponse qu'il nous a conservée ne fut point d'abord imprimée. On l'y voit pour la première fois s'incliner poliment devant une critique. « L'académicien qui avait écrit contre son senti«ment était connu de ses amis par la douceur de ses mœurs, et du

1 Genève et Paris, 1765, in-8, p. 38.

2 Journal de Trévoux, mai 1750, p. 1133.

3 Lettre sur le Testament politique du cardinal de Richelieu, 1750, in-12 de 111 pages, avec cette épigraphe tirée des Tusculanes: Et refellere sine pertinacid, et refelli sine iracundid parati sumus, p. 72.

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« public par ses lumières; son ouvrage était plein de sagesse et de politesse.» Mais, après ce beau prélude, il en revenait à son opinion dans une déclamation très-vide, et finissait d'une manière tout au plus bonne pour Mably, en demandant, au nom du genre humain, qu'on ne mit pas sous le nom d'un prêtre, d'un évêque, d'un grand ministre, des maximes impitoyables : « Remercions à jamais le juste, « le modéré, l'élégant précepteur du duc de Bourgogne d'avoir écrit le « Télémaque, et souhaitons que le cardinal de Richelieu n'ait point « écrit ce Testament 1. >>

Mais si Voltaire prenait sur lui d'être poli, ce n'était point qu'il voulût céder ou mettre un terme à cette polémique. En conséquence, ayant donné, en 1753, l'Essai sur les mœurs, il se plaisait à y signaler de nouveau le Testament politique comme une œuvre apocryphe et misé→ rable; et, cn 1757, les frères Cramer ayant publié à Genève une édition de ses œuvres, il y donnait place aux Mensonges imprimés et aux Raisons de douter 2, mais en remaniant ces factums et en supprimant dans le second, ainsi qu'on l'a dit, le long passage relatif au million d'or.

Foncemagne était aussi ennemi de la dispute et de l'éclat que le vieillard de Ferney était attentif à se maintenir en scène et à occuper l'opinion. En conséquence il se borna à travailler en silence, à réunir de nouvelles preuves, à ajouter à ses premiers arguments, à compléter enfin la défense du Testament politique, pour la joindre à celui-ci si une nouvelle édition en était publiée. Et, effectivement, sa lettre, augmentée du double, paraissait avec l'édition enfin correcte et bien imprimée que Marin donnait de cet ouvrage en 17643. On y trouvait notamment de curieux détails sur la découverte, dans un dépôt qu'il n'indiquait pas, mais qui était celui des affaires étrangères, non-seule ment d'un manuscrit du Testament politique, mais encore des Grands mémoires du cardinal". Et certes ces mémoires, rappelés d'ailleurs dans le Testament, n'étaient pas une des moindres preuves de l'authenticité de celui-ci.

La réponse de Voltaire, intitulée: Doules nouveaux, ne se fit point attendre; mais elle fut moins heureuse. C'était une redite perpétuelle des Raisons de douter, des mots plus que de la discussion; toutefois, il avait le bonheur d'y signaler le prétendu faussaire ; le nom de l'abbé de Bourzeis y revenait à chaque pas; mais il n'avait pas même eu le mérite de faire cette découverte : c'était dans l'Esprit des lois, imprimé

1 Doutes nouveaux, en tête des Nouveaux doutes; Genève et Paris, 1765. in-8° de 74 p.-Edition de Lequien, t. XXVII, p. 398.

2 Edition de Lequien, t. XXVII, p. 351.

Paris, Le Breton, 1764, 3 part. en 1 vol. in-8°.

Ils ont été publiés en 1823 seulement par M. Petitot.

Que la curiosité humaine se fatigue maintenant à chercher le nom du faussaire, je ne perdrai pas mon temps dans ce travail. »-Raisons de douter, p. 24.

en 17481 que se trouvait l'indication; enfin il y avançait, avec sa témérité ordinaire, que Richelieu n'avait pas pu connaître les Mémoires de Sully, imprimés en 1638 au plus tard, et aussitôt contrefaits et réimprimés à Rouen et ailleurs 2.

(La suite prochainement.)

A. HIVER DE BEAUVOIR.

DIALOGUE DE THOINETTE ET D'ALIZON. Pièce inédite en patois lorrain du XVIIe siècle, publiée et annotée par M. Albert DE LA FIZELIÈRE 3.

Ce Dialogue est une pièce inédite en patois lorrain du XVIIe siècle. M. Albert de la Fizelière, un jeune savant d'une rare modestie, indique, dans quelques pages liminaires, le but et la portée de cette petite publication. Il n'embouche pas la trompette pour annoncer au monde sa précieuse découverte. Il l'annonce sans fracas,-tout en appelant l'attention sur cet opuscule. Le meilleur moyen de la faire connaître, c'est de citer M. Albert de la Fizelière: «Ainsi que le Dialogue facétieux imprimé à Metz en 1671 et en 1675, dit-il, le Dialogue de Thoinette et d'Alizon est une plaisanterie du même caractère et de la même famille que les Caquets de l'accouchée, l'Evangile des Quenouilles, dans la vieille littérature française, et certaines scènes populaires d'Henri Monnier dans la littérature moderne. Il est surtout et avant tout une satire trèsnaïve et très-gaie des façons bourgeoises ou plutôt des habitudes citadines du temps, placées en opposition avec les mœurs primitives et plus que simples des habitants de la campagne. La satire de ces derniers s'y trouve mêlée en même temps et gît particulièrement dans la forme du langage et la viduité désespérante du dialogue. »>< Cela prouve une fois de plus qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil: Henri Monnier, dans ses Diseurs de riens, a copié un tableau,—qu'il ne connaissait pas.

M. Albert de la Fizelière termine son Avant-Propos par une invocation à l'adresse des érudits voués à l'étude des anciens dialectes provinciaux. Il les conjure de demander au nom de la science communication des morceaux patois enfouis dans les bibliothèques publiques et dans les collections particulières et de les livrer à l'impression pour la plus grande utilité de la linguistique.-L'appel de M. Albert de la Fizelière sera-t-il entendu? Nous le désirons vivement.

E. C.

1 Ce livre (le Testament politique) a été fait sous les yeux et sur les Mémoires du cardinal de Richelieu, par MM. de Bourzeis et..... qui lui étaient attachés. -Note sur le ch. 5 du livre III, de l'Esprit des lois.

L'abbé Amable de Rourzeis avait été effectivement dans la faveur du cardinal de Richelieu, qui le choisit pour un des premiers membres de l'Académie française. Ón ́a de lui des sermons, et il a travaillé au Journal des savants.

2 V. la Notice sur les Mémoires de Sully, ci-dessus, p. 47.

Paris, 1856, petit in-12 tiré à 65 exempl. numérotés à la presse, dont 10 sur chine.

FRANCESCA DE RIMINI.

Tragédie en cinq actes de Silvio Pellico, traduite de l'italien par ABEL LEMERCIER.

Vers l'année 1812, Silvio Pellico rencontre un jour sur un petit théâtre de Milan une jeune actrice nommée Carlotta Marchionni. Frappé de l'expression de sa physionomie et de la vivacité de son intelligence, il conçut l'idée de composer une pièce dans laquelle elle remplirait le rôle principal. En effet quelques années plus tard un public enthousiaste applaudissait Garlotta dans la tragédie de Francesca da Rimini.

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Le succès de cette pièce alla toujours croissant ; il dure encoré au-jourd'hui en Italie, où le prisonnier du Spielberg a pour interprète la célèbre Ristori.

Quoi de plus touchant que cet épisode de l'infortunée Francesca de Rimini Dans sa sublime Comédie, le Dante l'a immortalisée; car, suivant l'expression de Lamenuais, tendresse, ingenuité, grâce ravissante, melancolie de doux souvenirs, tout s'y trouve. De nos jours un peintre célèbre en a fait le sujet d'une de ses plus bellesœuvres. Quant à Silvio Pellico, il y a puisé cette inspiration qui captive le cœur et l'esprit.

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En traduisant en vers français cette tragédie, M. Abel Lemercier ne s'est pas dissimulé le nombre des difficultes que présentait un semblable travail. Il en fait l'aveu lui-même dans une introduction écrite avec élégance et simplicité. Aussi a-t-il commencé par s'attacher â' saisir la pensée de l'auteur; il l'a méditée, il s'est pénétré de chaque caractère, de l'idée qui préside à chaque scène, à chaque passage, et ce n'est qu'au moment où il a cru s'etre véritablement identifié au sujet lui-même qu'il a commencé à écrire.

Quant à la forme, il a cherché à faire plier le rhythme et la mélodie de la poésie française à la mesure et à la rime du vers italien, et ce n'était pas là la chose la moins difficile.

Aussi hâtons-nous de le dire, jamais traducteur ne nous semble avoir mieux réussi. L'œuvre traduite a conservé le parfum de l'œuvre première. L'élégance du style, la vivacité des couleurs, le sentiment des situations ménagées par l'auteur, tout y a été conservé avec bonheur, et en lisant la traduction de M. Abel Lemercier on peut se faire illusion et rejeter loin de son esprit ces préoccupations qui nous assiégent toujours quand nous voulons pénétrer les secrets d'une œuvre originale. Ajoutons en terminant, que le témoignage flatteur adressé par Silvio Pellico lui-même à son traducteur est une précieuse garantie de la valeur de ce que M. Abel Lemercier appelle modestement essai de jeu

nesse.

ALEX. SOREL.

ÉTUDE SUR LA POÉSIE POPULAIRE EN NORMANDIE, ET SPÉCIALEMENT DANS L'AVRANCHIN; par Eugène de Beaurepaire. In-8° de 5 feuilles 3/4. Paris, A. Aubry.

On ne chante plus, au moment de la moisson, dans les campagnes. Les refrains bacchiques ne se font point entendre les jours de fêtes. C'est bien en ces temps où les chemins de fer enveloppent la Normandie de leurs réseaux, détruisent les vieux usages, et assimilent le costume des paysans à celui des domestiques des villes, que la poésie populaire doit être étudiée, puisqu'elle devient une science morte.

La spéculation a chassé la gaîté du caractère des paysans, comme le Code civil a détruit les coutumes. Je ne prétends pas dire qu'il ne doive plus y avoir de poëtes; mais, je crois que la poésie populaire proprement dite, que les rondes, les complaintes, et surtout les chants de tuétier, ne résisteront point à la centralisation. Est-ce une perte regrettable? Nul n'en doutera après avoir lu le travail de M. de E. de Beaurepaire.

C'est un rapport fort détaillé fait à la Société archéologique d'Avranches, et provoqué, je crois, par les instructions rédigées par M. Ampère, au nom de la section de philologie du comité historique.

M. de Beaurepaire divise son travail en deux parties: chansons religieuses et chansons profanes. La seconde partie est l'objet de quatre sous-divisions, 1° Chansons spéciales à certaines professions; 20 Chansons à danser; 3° Chansons de moisson; et 4o enfin, complaintes narratives sans refrains. On le voit, la seconde partie est beaucoup plus étendue que la première; il ne faudrait pourtant pas croire que la Normandie fût une province où la religion n'était point honorée. Car on doit se souvenir que ces chants en français et en patois n'étaient qu'une addition aux cantiques latins. Tel est le chant de l'Annonciation, dont le refrain est Alleluya; et le cantique des trois Maries, légende pleine de poésie et de sentiment mystique, que je ne puis m'empêcher de citer en entier.

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