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rielle appartienne entièrement à Richelieu; mais nous disons qu'il est son œuvre, parce que, s'il n'a pas été rédigé par lui, du moins il a été composé sous ses yeux, par ses ordres et sous son inspiration; et qu'ainsi que l'avait merveilleusement démontré Foncemagne, sa personnalité s'y décelait à toutes les pages.

Enfin, nous n'aurons pas la faiblesse de détacher Richelieu de son cadre, de vouloir qu'il ait parlé et pensé comme nous; et, avec le judicieux Foncemagne, nous conviendrons que son style a la manière du temps, qu'il est lourd, embarrassé, incorrect; et qu'on y trouve de l'affectation et quelquefois de l'enflure.

Le Testament politique du cardinal de Richelieu n'est pas un traité dogmatique de la science du gouvernement. Ce sont des conseils raisonnés que ce ministre, dans sa passion pour la gloire et la prospérité du pays, léguait à son prince pour la conduite de la France. Il n'avait pu que la faire grande pendant vingt-cinq ans de luttes et de guerres; il voulait, la paix paraissant prochaine, aider à sa prospérité par ses avis, s'il ne lui était pas donné de la gouverner pendant cette ère nouvelle; le ministère du cardinal nous le montre luttant sans relâche au dedans et au dehors; son Testament fait voir quel eût été le Richelieu de la paix. « Si mon ombre, qui paraîtra dans ces Mémoires, dit-il au << roi, peut, après ma mort, contribuer au règlement de ce grand État, << je m'estimerai extrêmement récompensé des peines et des fatigues << que j'ai prises pour votre service. »

Ainsi, dans le premier chapitre, il résume de main de maître, à l'adresse du prince inquiet et jaloux au service duquel il s'était voué, les merveilleux résultats de son ministère.

« Quand Votre Majesté résolut de me donner grande part en sa con<«< fiance, dit-il en commençant,..... les huguenots partageaient l'État « avec elle; les grands se conduisaient comme s'ils n'eussent pas été << ses sujets; et les gouverneurs de provinces, comme s'ils eussent «< été souverains.

" .... Chacun mesurait son mérite par son audace.....

.........

« ..... Les alliances étrangères étaient méprisées..... et la dignité « royale ravalée..... »

Et puis ne laissant aucun fait dans l'ombre, pas même la part de la reine régnante dans l'affaire de Chalais, il montrait qu'au milieu des embarras résultant des menées et des révoltes incessantes de la reinemère et de Gaston, La Rochelle avait été prise et les huguenots détruits, malgré l'Espagne infidèle et l'Angleterre puissamment armée; et qu'en même temps l'honneur des alliances était rétablie, le duc de Mantoue deux fois secouru, la gloire des armes françaises portée haut en Italie, et à l'intérieur les grands subissant la juste peine de leur ingratitude et de leurs révoltes.

« Les ruisseaux de sang de votre noblesse ne pouvaient être arrêtés << que par l'effusion du leur, » disait-il à propos du supplice de Bout

teville et de Des Chapelles, supplice qui, suivant ses Grands mémoires, lui avait tant coûté.

Et un peu plus loin se trouvait ce beau passage: « Je m'assure tenir << pour maxime certaine, qu'il faut en certaines rencontres, où il s'agit <«< du salut de l'État, une vertu mâle qui passe quelquefois par-dessus « les règles de la prudence ordinaire; et qu'il est quelquefois impos«sible de se garantir de certains maux, si l'on ne commet quelque « chose à la fortune, ou plutôt, pour mieux dire, à la providence de « Dieu, qui ne refuse guère son secours, lorsque notre sagesse épuisée << ne peut nous en donner aucun. »

Richelieu suivait ensuite dans toutes ses phases la guerre de trente ans. « C'est un effet d'une prudence singulière, disait-il au roi, « d'avoir occupé dix ans durant toutes les forces des ennemis de votre État par celles de vos alliés, en mettant la main à la bourse et non « aux armes........... Vous avez fait comme ces économes qui, ayant été « soigneux d'amasser de l'argent, savent le dépenser à propos. >>

Et s'attaquant au sentiment le plus vif chez Louis XIII, la gloire militaire, il lui montrait la France prenant ensuite l'offensive avec 150,000 hommes et 30,000 chevaux, tout à la fois en Flandres, en Allemagne, en Italie et dans la Walteline, et supportant soixante millions de dépenses sans toucher aux gages des officiers ou à la fortune privée.

Enfin il terminait ainsi :

« Si ceux à qui l'histoire apprendra les traverses que Votre Majesté << a rencontrées.... considèrent de plus la légèreté naturelle de cette « nation, l'impatience des gens de guerre peu accoutumés aux fatigues «< inévitables dans le cours des armes, et enfin la faiblesse des instru<<ments dont la nécessité vous a contraint de vous servir en ces occa«sions, entre lesquels je prends le premier rang, ils seront contraints << d'avouer que rien n'a suppléé au défaut des outils que l'excellence « de Votre Majesté qui est l'artisan.

« Voilà, Sire, jusqu'à présent quelles ont été les actions de Votre « Majesté, que j'estimerai heureusement terminées, si elles sont sui<< vies d'un repos qui vous donne moyen de combler votre État de toutes « sortes d'avantages.

« Pour ce faire, il faut considérer les divers ordres de votre « royaume..... »

Et fort de l'autorité que ses succès passés donnaient à ses conseils pour l'avenir, le cardinal les passait successivement en revue en commençant par le clergé.

Nous sommes loin de croire avec Voltaire et même avec Foncemagne que ce premier et long chapitre ne soit point de Richelieu. Très-jeune évêque, lors des états de 1615, il était déjà l'un des plus influents de son ordre; et cette prééminence il ne pouvait la devoir qu'à la science des choses ecclésiastiques, c'est-à-dire du droit canonique et bénéficial qui, alors, donnait lieu à chaque instant aux questions les plus

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importantes et les plus ardues. Maintenant tout cela à disp disparu, et même l'intelligence en est difficile; mais alors c'était de grande conAlo 12 séquence.

On reconnait d'ailleurs, dans les aperçus de Richelieu, le génie énergique qui entendait que chaque corps restât dans sa sphère, de daignant les petites ressources et l'artifice de les contenir les uns par les autres, parce qu'il se sentait assez fort pour les maîtriser à lui seul. Ainsi il ne voulait pas (section 2) que, sous prétexte d'appel comme d'abus, l'Église et la juridiction épiscopale fussent à la merci des Par lements; que ces corps, si disposés à anticiper, s'immiscassent dans les choses saintes et jugeassent des sacrements comme ils le firent lors des scandales de la Constitution; en conséquence, il proposait de définir soigneusement les cas d'abus, et de réserver leur évocation au conseil. Par le même motif, il demandait (section 3) que les clercs ne fussent soumis qu'à la juridiction de leurs supérieurs ecclésiastiques, mais c'était à la condition expresse (section 5) que l'Église modifierait la procédure canonique et organiserait ses tribunaux de manière a faire bonne et prompte justice. En un mot, il revendiquait pour l'Église la juridiction disciplinaire que possède encore notre armée, mais, ce qu'on n'a point remarqué, c'était en laissant au juge ordinaire la connaissance de tous les délits communs, c'est-à-dire de ceud qui pouvaient étre commis par tels, et en tous états et en tout ordre: Ainsi, loin que cette proposition réduite à ces termes fût, comme le disait Foncemagne, fausse dans tous ses points et indigne d'un législateur français, elle trouverait aujourd'hui même des partisans, malgré nos mœurs si transformées. b ziedo US

D'un autre côté, Richelieu entendait que tous les abus introduits dans l'Église cessassent. Ainsi il s'élevait contre les priviléges abusifs résultant soit du droit d'indult des Parlements, soit des exemptions” (sect. 6 et 12); il voulait la suppression de celles-ci qui plaçaient des moines, des églises, des chapitres, en dehors de la juridiction de l'évé- » que diocésain; et qu'ainsi fussent rompues les chaînes qui laient les mains aux prélats du royaume et empêchaient qu'ils fussent responsables des désordres de leurs diocèses. Il était également facheux que les patronages ecclésiastiques ou laïques ôtassent à ceux-ci la disposi-> tion de la plus grande partie des cures (sect. 7). S'il ne lui paraissait » point possible de briser des droits fondés en titre et réservés comme » condition des fondations, il voulait qu'on y obviat en sexigeant des » collateurs de faire leur choix parmi les aspirants préalablement approuvés par les synodes. Enfin les rois de France avaient abandonné à la Sainte-Chapelle. de Paris les fruits de la mense des évéches Vacants, qu'un usage ancien leur attribuait sous le nom de régale (sec- † tion 4); pour mettre fin à la gêne et aux difficultés que cette dévolution entraînait, Richelieu demandait qu'une abbaye fut annexée en échange à la Sainte-Chapelle. Effectivement, en 1641, celle de Sainter Nicaise lu de Reims lui ayant été donnée, en même temps des lettres-patentes q

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assuraient, de la grâce du prince, aux nouveaux évêques les fruits échus pendant les vacances1.

Si Voltaire avait pris la peine de consulter Fleury, ou se fût reporté au passage des Mémoires de Montchal cité par Foncemague; il aurait vu que Richelieu cherchait à éviter à ses futurs confrères la gêne dans laquelle, pauvre évêque de Luçon, il s'était trouvé; et, au lieu de se récrier tant, il eût approuvé la mesure. Voltaire, d'ailleurs, savait mieux qu'un autre que si, plus tard, Louis XIV avait maintenu avec hauteur le droit de régale, c'est qu'alors son autorité était commise avec celle du pape ".`

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A l'égard de celui-ci, Richelieu veut que, tout en respectant la tiare, les rois maintiennent la puissance de leur couronne (sect. 9). « En telle matière, ajoute-t-il, il ne faut croire ni les gens de palais qui l «< croient sans fin, ni ceux qui, par l'excès d'un zèle indiscret, se << rendent ouvertement partisans de Rome. >>

C'était avec la même sagesse qu'il parlait des ordres religieux (sect.8), leur réforme devait être encouragée; mais il préférait celles modérées, dans lesquelles les corps et les esprits pussent être quelque peu à leur aise, car il fallait une grâce extraordinaire pour faire subsister ce qui semble forcer la nature.

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D'ailleurs la prudence commandait d'empêcher le trop grand nombre de nouveaux monastères, malgré l'opinion de certains esprits plus zélés que prudents..... « Arrêter l'excès des nouveaux établissements était « une œuvre agréable à Dieu qui veut la règle en toutes choses. » Enfin Richelieu s'étendait tout particulièrement sur le soin à apporter au choix des évêques (sect. 1re).

« J'ai souvent appréhendé que les gens de bonne maison, dit-il, se << continssent plus difficilement en leur devoir et fussent moins réglés << en leur vie... Beaucoup, touchés de cette crainte, estiment que les << docteurs d'aussi bonne vie que de basse naissance sont plus propres « à tels emplois.....

..... Je dirai hardiment que les bonnes mœurs..... étant présup« posées, la qualité, et l'autorité qui d'ordinaire est sa compagne, « doivent être préférées à la plus grande science: ayant souvent vu « des gens doctes être fort mauvais évêques, ou pour n'être pas pro« pres à gouverner à cause de la bassesse de leur extraction, ou pour « vivre avec un ménage qui, ayant du rapport avec leur naissance, << approche beaucoup de l'avarice; au lieu que la noblesse qui a de

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1 En vertu du droit de régale, les rois 'de France étaient en outre en possession de conférer, pendant la vacance, les bénéfices à la collation de l'évêque. Richelieu ne paraissait pas vouloir abolir cet usage. Institution au droit ecclésiastique, seconde partie, ch. 18.

Mémoires de Montchal, t. I, p. 216.

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sur cette grave affaire, sur la déclaration de 1682 et son abandon ultérieur, le lumineux exposé de M. de Pradt. Les quatre Concordats, t. I, p. 332, 369-297

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« la vertu, a souvent un particulier désir d'honneur et de gloire, qui << produit les mêmes effets que le zèle causé par le pur amour de Dieu; « qu'elle vit d'ordinaire avec lustre et libéralité conforme à telle charge, « et sait mieux la façon d'agir et de converser avec le monde..... Mais, « après tout, ajoutait-il, la meilleure règle qu'on puisse avoir en ce << choix, est de n'en avoir point de générale. »

Cet éloignement pour les gens de bas lieu, cette prédilection, au contraire, pour la qualité, la naissance et même pour la richesse, nous les retrouvons dans ce passage de la section première du chapitre 3.

<«< Une basse naissance produit rarement les parties nécessaires au « magistral; et il est certain que la vertu d'une personne de bon lieu « a quelque chose de plus noble que celle qui se trouve en un homme << de petite extraction. Les esprits de tels gens sont d'ordinaire difficiles << à manier, et beaucoup ont une austérité si épineuse qu'elle n'est pas << seulement fâcheuse, mais préjudiciable.

<«<..... Le bien est un grand ornement aux dignités..... étant certain « qu'il faut qu'un magistrat ait l'âme bien forte, si elle ne se laisse quelquefois amollir par la considération de ses intérêts. »

Il nous appartient de protester contre cette dernière assertion du cardinal. Depuis nos révolutions, nous avons eu des magistrats la plupart peu fortunés et de naissance modeste; et nous ne sachons pas qu'il leur ait fallu une grande force d'àme pour être aussi honnêtes que les magistrats riches et quasi héréditaires auxquels ils succédaient. Nous pensons également qu'ils sont aussi éclairés que leurs devanciers. Mais nous avouons en toute humilité que ces corps houveaux, souvent désorganisés, n'ont pas encore acquis l'influence et la grandeur dont la puissance des traditions et de l'opinion entourait les Parlements et les grands Bailliages.

A. HIVER DE BEAUVOIR.

(La suite prochainement.)

Histoire de L'HARMONIE AU MOYEN AGE, par E. DE COUSSEMAKER. Ouvrage couronné par l'Institut (Académie des inscriptions et belles lettres). Prix : (en vente chez A. AUBRY.)

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Cet ouvrage se divise en trois parties: HISTOIRE, Documents, MonuMENTS. L'Histoire offre le récit de l'origine et du développement de l'harmonie; l'exposé des doctrines théoriques et pratiques qui se sont succédé; la discussion des divers systèmes; en un mot le narié de tous les éléments qui ont concouru à la formation du vaste ensemble de la musique à sons simultanés. Les Documents renferment sept traités inédits sur l'organum, le déchant, etc. Les Monuments se composent d'une série de pièces de musique, depuis le ixe siècle jusqu'au xive. L'auteur y a reproduit en fac-simile tout ce qu'il a pu recueillir de plus remarquable en fait de musique religieuse, civile, militaire, dramatique, de table et de danse; il y a ajouté la traduction en notation moderne. Cet ouvrage est une sorte d'encyclopédie de la musique au moyen åge.

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