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BULLETIN

DU

Bouquiniste

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Paraissant le 1 et le 15 de chaque mois.

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CHEZ AUG. AUBRY, LIBRAIRE, RUE DAUPHINE, 16.

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L'Editeur du Bulletin ne possédant souvent qu'un seul exem plaire des ouvrages qu'il annonce, MM. les amateurs et libraires

ont priés de faire leurs demandes le plus tôt possible, en indiquant exactement le numéro d'ordre, le premier mot du titre et le mode d'envoi.

Si quelques-uns des articles demandés se trouvaient déjà vendus, cette circonstance ne pourrait de la part du demandeur motiver le refus de l'envoi.

Les expéditions se font CONTRE REMBOURSEMENT.

Chaque Bulletin se composera d'une feuille d'impression et souvent deux.

ACHAT DE BIBLIOTHÈQUES. EXPERTISES.—VENTES DE LIVRES.

AVIS.—Il sera fait dans le BULLETIN un compte rendu des ouvrages spéciaux sur la bibliographie, l'histoire ou les réimpressions d'ouvrages rares ou curieux dont on fera parvenir deux exemplaires à la Librairie A. Aubry, rue Dauphine, 16.

DES LIVRES DÉCRIÉS.

20 SAINT-ÉVREMOND.

Nous sommes loin du temps où le libraire Barbin disait à un auteur : <«< Eh! Monsieur, faites-moi du Saint-Evremond, je vous donnerai trente << pistoles1,»> et où le sévère Bayle l'appelait un écrivain incomparable. Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV2, ayant écrasé Saint-Évremond avec cette superbe qui lui était familière, tout avait été dit. En vain Sabathier de Castres avait tenté de le réhabiliter. En vain La Harpe✦ lui avait consacré quelques pages où, sans replacer ce penseur ingénieux à sa hauteur, il se montrait juste, quoique superficiel, et où il expliquait assez bien comment cet homme si vanté avait sitôt perdu son auréole; comment ses Mélanges, écrits avant les œuvres des grands maîtres, mais réunis en corps d'ouvrage longtemps après, avaient påli au grand jour des impressions qui s'étaient succédé lors de sa mort. En effet, il n'appartient qu'aux chefs-d'œuvre d'être de tous les siècles. Les esprits les plus originaux, s'ils sont inégaux, si surtout ils n'ont fait du travail des lettres qu'un délassement et une diversion à la vie du monde, doivent, pour être compris, être laissés dans leur cadre. Saint-Évremond, noble de vieille roche, était né en 1613. A seize ans, il avait quitté l'étude pour le métier des armes. En 1640, il commandait une compagnie au siége d'Arras, et, à Nortlingue, à la tête des gardes du grand Condé, il payait valeureusement de sa personne.

1.

Quand, l'âge ayant complété ses facultés, il compta dans le monde, les lettres et les travaux de l'esprit y étaient en singulière faveur. A côté des auteurs de profession, race en général lourde, pédantesque, encore toute bouffie de l'érudition mal digérée du seizième siècle, et dont Ménage était la meilleure expression, on trouvait des hommes de guerre, des courtisans, qui, encouragés par des femmes d'esprit, avaient pris goût aux lettres, s'en faisaient une récréation et un moyen de briller dans cette société polie et avide de connaissances.

Condé, alors dans tout l'éclat de la jeunesse et de la gloire, n'était pas de ceux qui aspiraient le moins aux palmes de l'esprit. Sa bonne fortune lui avait donné pour courtisans et pour intimes

1 Euvres de Saint-Évremond, Londres, 1725, 7 vol. in-12 (ée sera toujours l'édition citée), t. I, p. 18.

2 << Une morale voluptueuse, des lettres écrites à des gens de cour, dans << un temps où ce mot de cour était prononcé avec emphase par tout le << monde, des vers médiocres, qu'on appelle vers de société, faits dans des « sociétés illustres, tout cela, avec beaucoup d'esprit, contribua à la répu<tation de ses ouvrages... » (Siècle de Louis XIV, t. III,)

3 Les trois siècles de la littérature françoise, 1774, f. 4 p. 21.

Cours de littérature, édit. de 1821, t. VII, p. 490.

5 Vie de Saint-Evremond, par des Maizeaux t. Fer des Œuvres (passim).

Bussy et La Rochefoucault. Il honora également Saint-Évremond de sa faveur, et c'est dans ce milieu que celui-ci vécut jusqu'à la prison des princes, comptant pour amis le duc de Candale, Miossens, Palluau, Créqui, le comte d'Olonne3, c'est-à-dire tout ce qu'il y avait de plus illustre et de plus brillant.

Mais comment, au milieu du mouvement de la guerre ou de la cour, Saint-Évremond avait-il trouvé place pour les études variées, pour les méditations profondes que supposent ses écrits?

Plus tard il nous l'apprendra :

« Un choix délicat me réduit à peu de livres, où je cherche beaucoup « plus le bon esprit que le bel esprit...........

« Les Essais de Montaigne, les poésies de Malherbe, les tragédies de « Corneille et les œuvres de Voiture se sont établis comme un droit << de me plaire toute ma vie *..............

« Je n'aime point, ajoute-t-il plus loin, les gens doctes qui emploient << toute leur étude à restituer un passage... Dans les histoires, ils ne «< connaissent ni les hommes ni les affaires: ils rapportent tout à la «< chronologie, et, pour pouvoir nous dire quelle année est mort un « consul, ils négligeront de connaitre son génie et d'apprendre ce qui « s'est fait sous son consulat. Cicéron ne sera jamais pour eux qu'un << faiseur d'oraisons, César qu'un faiseur de commentaires; le consul, « le général leur échappent; le génie qui anime leurs ouvrages n'est « point aperçu *.

Mais quelque plaisir que je prenne à la lecture, avait-il dit pré«cédemment, celui de la conversation me sera toujours le plus sen«sible. Le commerce des femmes me fournirait le plus doux, si l'agré<<ment qu'on trouve à en voir d'aimables ne laissait la peine de se « défendre de les aimer ". >>

1 Voici comment, longtemps après, Saint-Evremond peignait Bussy: << On doit avouer que M. de Bussy avait un esprit merveilleux... Son << élocution est pure et ses expressions sont naturelles, nobles et concises. <Ses portraits surtout ont une grâce négligée, libre, originale, qu'on ne << saurait imiter. Il était, d'ailleurs, médisant jusqu'à l'excès; ses meilleurs << amis et les personnes de la cour les plus irréprochables ne furent pas << exempts des traits perçants de sa médisance. Il a donné le démenti à « l'Europe pour ternir la bravoure d'un homme qui a toujours passé pour << téméraire, et il a dit du mal de certaines femmes dont il n'a pu même << inventer les désordres...

<< On trouve dans ses derniers écrits beaucoup moins de cette finesse <qui piquait dans les premiers.

Voilà quel est mon sentiment touchant M. de Bussy. Je l'ai connu autrefois très-particulièrement. Il n'aimait personne et parvint enfin à << n'être aimé de qui que ce soit. Peu de gens s'intéressèrent à sa disgrâce; << on dit que moins encore se sont intéressés à son retour. Le bon cœur est une qualité qui sera toujours préférée au bel-esprit. » (T. VII, p. 282.) 2 Charles-Phoebus d'Albret, comte de Miossens, Philippe de Palluau, comte de Clérambault, François de Bonne de Créqui, tous trois depuis maréchaux de France.

François de La Trémoille, comte d'Olonne.

Au duc de Créqui, t. III, p. 15 et 21.

Au duc de Créqui, t. III, p. 33. Au même, t. III, p. 25.

A ces paroles, on reconnaît l'influence de l'hôtel de Rambouillet, qui avait fait du respect et du culte des femmes un dogme pour les honnêtes gens. Et si, acquérant plus par la réflexion que par l'étude, quelques chefs-d'œuvre suffirent aux méditations de Saint-Évremont, la sagesse, chez lui, devait gagner à ce commerce, être tempérée par la grâce, trempée dans un épicurisme de bon goût, et attirer par je ne sais quoi de doux et de facile.

Mais, n'ayant point d'effort à faire pour être accepté par ce monde qui était le sien, il ne courra pas après le bel esprit autant que Voiture; il se montrera plus, profond, plus simple, moins quintessencié; enfin son allure sera plus libre, et son respect pour les précieuses, pour les chères, ne les mettra pas à l'abri de ses traits malins'. En effet, la satire fut d'abord le penchant décidé de Saint-Évremond, non qu'il fût méchant, mais par une dangereuse facilité à saisir les ridicules, les travers. Son début dans les lettres fut même, en 1643, une pièce contre l'Académie, la Comédie des académistes pour la réfor– mation de la langue françoise, dialogue en vers, imprimé en 1650, sous le nom de des Cavenetz 2.

A cette époque, l'Académie naissante faisait, à propos de l'œuvre de son dictionnaire, une guerre imprudente aux vieilles locutions et surtout à certaines conjonctions. Gomberville ne voulait de car ni de pourquoi; Colletet condamnait néanmoins. De là la requête des dictionnaires, imprimée en 1649, également le premier essai poétique de Ménage3; de là la Comédie des Académistes, pièces calquées l'une sur l'autre, et pour lesquelles la question de priorité est indécise. Mais ce qui ne fait point doute, c'est la grande supériorité du Dialogue satiririque de Saint-Évremond; comme comique et comme style, il est du meilleur temps; et Molière, qui savait prendre son bien partout, n'a fait que transposer dans les Femmes savantes la scène qu'y jouent Godeau et Colletet.

Le grand Condé, qui se plaisait à chercher les ridicules des autres, ne voulait pas qu'on travaillât à trouver les siens. Saint-Évremond s'en étant donné la licence, fut disgracié; ce qui ne l'empêcha point, en 1649, d'écrire la satire, qui plaisait tant au cardinal Mazarin, intitulée: Retraite de Monsieur de Longueville en son gouvernement de Normandie.

Tout en composant ces écrits piquants, et même ses premiers et ses meilleurs fragments philosophiques, Saint-Évremond faisait la guerre, suivait la cour; et une conversation, réelle ou supposée, du maréchal

1 T. I, p. 112.

L'édition originale de cette pièce est le seul écrit de Saint-Evremond qui soit recherché des amateurs; vendu 10 fr. 50 c. de Soleinne. Il paraît que le texte de ce dialogue, tel qu'il est imprimé au tome Ier des œuvres, p. 1, est tout différent de l'édition originale.

3 Ménagiana, édit. de 1715, t. II, p. Il et 12, t. IV, p. 258.

T. Ier, p. 111, imprimé d'abord en 1669 avec les Mémoires de la Rochefoucauld, par les Elzeviers.

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