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quelques années avant que Richard de Bury ne vint à Paris. Il est peut-être plus étendu que celui de l'évêque de Durham, mais il y a peu de différence entre eux. Le premier article établit le système du cautionnement, et le second ordonne l'élection des gardiens ou bibliothécaires par les socii. Ces deux articles fondamentaux se retrouvent dans le règlement de R. de Bury et en forment les points essentiels; aussi est-il impossible de ne point reconnaître là une imitation.

Il est d'ailleurs aisé d'expliquer cet emprunt fait par notre bibliophile à la Sorbonne. Son goût pour les lettres et la haute position qu'il occupait dans le monde politique lui facilitaient l'entrée de cet établissement, où, une fois admis, il ne devait pas manquer de visiter la bibliothèque et de s'informer auprès des conservateurs de l'organisation qui la régissait.

Le règlement avait été du reste composé par plusieurs professeurs parmi lesquels se trouvait l'un de ses compatriotes, Thomas d'Angleterre (Thomas de Anglia), et Bury n'eût pas visité la Sorbonne, qu'il n'en aurait pas moins obtenu la communication.

Le chapitre qui renferme ce règlement aurait dû terminer le Philobiblion, mais l'auteur a pensé que les futurs écoliers, qui, grâce à lui, pouvaient vivre dans son collége et se servir de ses livres, lui devaient au moins une prière.

Malgré le soin qu'il prend de la leur composer, nous doutons, vu sa longueur, qu'elle ait été souvent récitée. Moins ingrat que ceux à qui il s'adressait, nous espérons que le bibliophile, qui n'a hérité que de son ouvrage, voudra bien se souvenir de l'écrivain honnête et libéral auquel il doit le seul traité qui ait jamais été fait sur l'amour des livres et qu'il est assez singulier de voir paraître à une époque où on les aimait si peu.

H. COCHERIS.

1 Voici le texte de cet article: << Ut nullus liber prestetur extra domum alicui nec socio nec extraneo sub juramento, nisi super vadium, amplius valens et in re que servari potest. puta, auro, argento vel libro; et hec vadia serventur in cista ad hoc deputata. » C'est même probablement en parlant de la bibliothèque de la Sorbonne, qu'il s'écrie: ibi bibliotheca jucunda super cellas aromatum redolentes. Philobiblion, cap.VIII, p. 239. L'auteur anonyme d'un factum de l'Université, publié en 1678, contre le chantre de l'église cathédrale, sur le droit qu'il prétendait avoir d'eriger des écoles de grammaire (deuxième partie, p.84) rappelle les visites faites par R. de Bury à la Sorbonne. « R. de Bury,> dit-il, autrefois ambassadeur du roy d'Angleterre en France, prenait un plaisir singulier de visiter l'Université. » Quantus impetus voluptatis lætificavit cor nostrum quoties paradysum mundi Parisiis visilare vacavimus etc. Mais dans le chapitre Ix, il déplore l'abus qui s'y glissa dans la profession des lettres humaines et de la grammaire, que l'on ne cultivait pas assez, afin de venir plus tost aux degrez, et par le moyen des degrez obtenir des bénéfices. Prisciani regulas et Donati statim de cunis erepti, et sic celeriter ablactati pertingunt categorias et perihermenias, etc.

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DES LIVRES DÉCRIÉS.

Sous ce titre, nous chercherons, par de courtes notes bibliographiques et littéraires, à rappeler l'attention des bibliophiles sur des ouvrages à tort délaissés.

1o MÉMOIRES DE SULLY.

S'il est un livre abandonné et donné à bas prix, ce sont les Mémoires du grand ministre de Henri IV. A la vente de M. de Monmerqué, en 1851, la véritable édition originale, imprimée au château de Sully, bien qu'en reliure du temps, en maroquin rouge, a été adjugée à 29 fr.; et la contrefaçon, avec la suite, par le Laboureur, 4 tomes en 2 vol. in-folio, n'a été portée qu'à 3 fr. 25; enfin M. Aubry vient d'annoncer à 6 fr. un bon exemplaire de l'édition, en 12 vol. pet. in-12. Amsterdam (Trévoux), 1725, édition la meilleure des réimpressions faites séparément de ce curieux ouvrage.

Cependant, avant le monument élevé par le gouvernement à la gloire du Bearnais, sur l'inspiration de M. Villemain, par la main conscien→ cieuse de M. Berger de Xivrey1, les Economies royales étaient l'œuvre où Henri IV était le plus naïvement peint, où sa physionomie bonne et loyale se réflétait le mieux, où l'on pouvait apprécier le plus sûrement, même à travers les passions et les préjugés de Sully, les hommes et les choses du temps, et les infinies difficultés dont avaient triomphé le courage et l'habileté du roi, joints au dévouement et à la sagacité du ministre.

Sans doute l'orgueil le plus incroyable dicta à Sully ses Mémoires. « C'est un panégyrique perpétuel de lui-même, que, froissé à la « vérité par les injustices de la génération nouvelle, il rédige et im«< prime sans autre précaution que de mettre l'encensoir aux mains « de prétendus secrétaires; mais sa foi en lui est telle, que tout dans sa << vie lui paraît matière à louange et à glorification, propre à exhausser << le piedestal sur lequel il se place. De là sans doute une propension « à présenter les faits à son avantage; mais aussi le besoin de les << dire tous, persuadé qu'il était, qu'en tout, partout, personne n'avait << mieux fait. C'est cette passion qui fait le merite de cette composition <«< incorrecte, où d'ailleurs, quoi qu'il fasse, le bon roi est en pleine « lumière et s'élève au-dessus du ministre, de toute l'élévatron de son « âme, de toute la profondeur de son esprit; on les y voit l'un et l'autre << en scène avec ce qui est propre à l'humanité : le bon, le mal, les « grandes qualités, les misères et les faiblesses.

« Aussi, au point de vue politique et philosophique, n'y a-t-il rien « dans la riche série de nos mémoires historiques qui soit au-dessus « des OEconomies royales... »

1 Recueil des Lettres missives de Henri IV. In-4 dont six vol. ont paru.

Tel est le jugement porté sur ce livre dans des Essais inédits sur les écrits et le caractère des hommes de la fin du xvie siècle.

Mais il en est des livres comme des hommes: Habent sua fata. Quand les OEconomies parurent, Sully ne remplissait plus la France de son nom et de sa puissance. C'était un vieux ministre qui, oublié depuis un quart de siècle, protestait vainement pour lui et pour son prince contre l'ingratitude de la génération nouvelle; et si Richelieu avait repris avec éclat la politique de Henri IV, sa jalouse inquiétude ne permettait pas au fidèle ministre du père de Louis de publier au grand jour l'histoire de ce règne glorieux.

C'était clandestinement que les deux premières parties avaient été imprimées au château de Sully, vers 1638, suivant tous les bibliographes, mais probablement plus tôt; car l'exemplaire de la bibliothèque d'Orléans porte cette mention manuscrite: Imprimé à Sully, par un imprimeur venu d'Angers, suivant le contrat passé pardevant moi, Pichery, notaire, le 7 octobre 1628 1.

Chacun se rappelle la bizarrerie du titre de ces deux vol. in-folio : Mémoires des sages et royales œconomies d'Estat, domestiques, politiques et militaires de Henry-le-Grand, l'exemplaire des rois, le prince des vertus, des armes et des loix, et le père en effet de ses peuples françois.

Et des servitudes utiles, obéissances convenables et administrations loyales de Maximilian de Béthune, l'un des plus confidents, familiers et utiles soldats et serviteurs du grand Mars des François.

Dédiez à la France, à tou, les bons soldats et tous peuples françois. A Amstelredam, chez Alethënosgraphe de Clearetimelée, et Graphexichon de Pistariste 2, à l'enseigne des Trois Vertus couronnées d'amaranthe.

Et cette enseigne était sur le titre rappelée par ce rébus: trois V, coloriés en vert, surmontés d'une couronne d'amarante, et dans lesquels se trouvaient les mots Foy, Espérance, Charité.

Nous lisons partout, sans en être persuadé, mais sans pouvoir le démentir, que ces trois V verts, étaient le chiffre de la maison de Sully.

Quoi qu'il en soit, il existe plusieurs contrefaçons de cette édition, imprimées sans soin, sur papier mince, avec un caractère plus fin, d'une autre justification et d'un format plus grand que celle originale.

Celle-ci, au contraire, forme deux vol. pet. in-folio; le premier de 6 ff. liminaires et de 703 pages, et le second de 4 ff. liminaires et de 744 pages, imprimées en gros texte sur papier fort.

On y trouve, mais au surplus de mème que dans la contrefaçon que

1 Catalogue des Livres de la Bibliothèque publique, fondée par M. Prousteau. Paris, et Orleans, 1777, in-4, p. 170.

2 Il semble que ces mots, laborieusement composés du grec par les secrétaires de Sully, signifient: Le véridique écrivain du clergé et du temple; le secrétaire de grande confiance ou intime.

8 C'est-à-dire Aux trois verts V (voyelles).

Le premier vol. de la contrefaçon que nous avons sous les yeux a 535 pages, et le second 459.

nous possédons, à la suite du parallèle en vers de César et de Henri IV, cette note souvent citée :

<< N'ayant point encore, pour cette œuvre, obtenu de privilége, nous « avons été contraints de faire cette présente impression en une mai<< son particulière, laquelle nous a òsté le moyen de corriger plusieurs <<' deffauts qui pourront se trouver aux dattes et transpositions de << quelques lettres et discours; ainsi que ces vers françois ont été faits « d'une lettre romaine, n'ayant pu recouvrer un caractère italique... Ainsi ce n'est point à ce passage qu'on peut reconnaître l'édition originale; mais la description que nous venons d'en donner empêchera désormais toute confusion. Suivant M. de Monmerqué 1 elle avait été imprimée seulement pour les amis du duc, et était très-rare. La Bibliothèque impériale possède deux exemplaires des OEconomies royales aux VVV verts; mais les termes de la description ne permettent pas de juger s'ils sont identiques, ou si, au contraire, l'un ou l'autre est de l'édition originale, ou de l'une des contrefaçons.

1

M. Brunet, probablement sur la foi du privilége de l'édition de 1662-1664, cite une réimpression de ce livre faite à Rouen en 1649. Elle n'est point à la Bibliothèque Impériale, où se trouve, seulement, celle faite en caractères elzéviriens: jouxte la copie imprimée à Amstelredam, 1652, 4 vol. petit in-12.

Les deux volumes imprimés au château de Sully n'allaient que jusqu'à l'année 1606; et à la fin du second on lisait : « Notre dessein est << maintenant de prendre un peu haleine, et par conséquent le loisir « de mieux rassembler tous vos autres mémoires et manuscrits..... « y trouvant de quoi faire encore deux volumes. » C'est cette suite qui, publiée par les soins de l'infatigable le Laboureur, fut comprise dans les éditions données simultanément, de 1662 à 1664, par Billaine et A. Jolly, en 4 tomes in-folio et 8 tomes in-12.

Ces éditions donnèrent enfin un libre cours aux Mémoires de Sully; mais alors le beau siècle de Louis XIV commençait à se développer, et l'opinion, captivée par les merveilles présentes, éprise d'un jeune et pompeux monarque, était mal disposée pour bien juger son aïeul, pour apprécier à sa valeur cette figure mâle, un peu inculte, mais éminemment sympathique, et qui ne lui apparaissait qu'à travers l'œuvre aussi incorrecte que bizarre de son fidèle ministre. On cessa même pendant le règne de Louis XIV de lire l'histoire de Péréfixe; car si on en trouve onze éditions de 1661 à 1664, elle n'est réimprimée qu'une fois de 1664 à 17493, et il en est de même, à plus forte raison, des Mémoires de Sully, qui trouvèrent en 1725 seulement un nouvel éditeur ".

1 Catalogue de sa bibliothèque, no 2174.

Catalogues de la Bibl. Imp., histoire. T. I, p. 351, no 56.

& Catalogues de la Bibl. Imp., histoire. T. 1, p. 348, n° 19.

Mémoires ou Economies royales d'Estat..., par Maximilien de Béthune, duc de Sully. Amsterdam (Trévoux), 1725, 12 vol. pet. in-12. On réimprima dans cette ville, vers la même époque, dans le même format et avec le même caractère, les Œuvres de Brantôme et les Mémoires de Bassompierre.

Mais en publiant, en 1723, la Henriade; Voltaire avait réappris aux Français à aimer le Béarnais, avait animé de tout l'éclat de sa poésie les physionomies effacées de Sully, de Mornay, ses fidèles compagnons. De là un intérêt nouveau s'attachant aux Mémoires du premier, qu'on se hâta de réimprimer; mais alors beaucoup hésitaient à aborder dans leur langage et sous leur forme ancienne les auteurs du siècle précédent. Il fallait comme les traduire pour les mettre à la portée de tous; et on les habillait en style moderne, de mème qu'on plaquait des portails grecs à nos églises gothiques. C'est ainsi que l'abbé de l'Ecluse fut amené à publier en 1745 les prétendus Mémoires de Sully, mis en ordre avec des éclaircissements, lesquels n'étaient plus le moins du monde l'œuvre de ce ministre, mais bien une histoire du règne de Henri IV, faite d'après cette œuvre, histoire à la vérité intéressante, bien composée, animée et éclaircie par d'excellentes notes. Cette publication, aujourd'hui si méprisée, eut le plus grand succès. L'édition in-4, en trois volumes, avec les portraits d'Odieuvre, fut suivie de dix autres, in-4, in-12, et même in-8, de 1745 à 18271. En 1752, on ajouta à l'édition in-12 un neuvième volume, contenant sous le titre de Supplément un factum contre les jésuites, œuvre de l'abbé Petit de Montempuis, et l'esprit de Sully, avec le portrait de Henri IV, par Mile de Saint-Vaast. Enfin, jusqu'à l'édition du texte original, donnée par M. Petitot, en 1820, et ouvrant la seconde série de la collection complète des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, on ne lut guère les OEconomies royales de Sully que dans la prose de l'abbé de l'Ecluse. Telle est l'histoire de ce livre; et l'histoire de beaucoup de livres, c'est celle de l'opinion, des idées, des mœurs.

Nous répéterons que les récits de Sully sont, avec et autant que le recueil un peu long des lettres missives de Henri IV, l'ouvrage essentiel, capital, pour apprécier ce prince et ce règne. Comme la satyre Menippée, le Journal de l'Estoile, et le Fæneste, de d'Aubigné, ils ne se recommandent pas par la forme et par le trait; et moins heureux que ces écrits, ils sont encore à trouver un commentateur éclairé qui applique à leur texte les notes substantielles de l'abbé de l'Ecluse, y ajoute une table analytique, et améliore ce texte par une bonne ponctuation, et en multipliant les repos, les alinéas, sans lesquels l'œil, comme l'attention, se fatiguent et se perdent.

Mais si l'édition voulue de Sully est encore à faire, nous dirons aux bibliomanes qu'en attendant ils se feront un de ces livres comme ils les aiment, en ajoutant les portraits remontés d'Odieuvre à un exemplaire de choix de l'édition originale; et nous conseillerons aux hommes d'étude de placer sur leurs modestes rayons celle de 1725, en douze volumes petit in-12, à côté des récits arrangés de l'abbé de l'Ecluse. En se servant de ce travail comme d'un commentaire, ils liront l'original avec plaisir et profit.

A. HIVER DE BEAUVOIR.

1 Catalogues de la Bibl. Imp., histoire. T. I, p. 351, no* 58 et 59.

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