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rendu les services qu'on devait en espérer. Créés depuis longtemps, leurs publications sont en petit nombre, et contiennent peu de travaux remarquables.

Un tel état de chose aurait peut-être encore duré longtemps, si un Anglais, James Smithson, n'avait légué sa fortune au gouvernement des Etats-Unis, à la condition expresse de fonder à Washington une société qui aurait pour but la propagation et les progrès des études scientifiques et littéraires.

Lord James Smithson était fils naturel de Georges IV. La position dans laquelle il se trouvait à Londres l'engagea à s'expatrier, il quitta 'Angleterre et se rendit anx États-Unis. Sa fortune, qui était considérable, lui ouvrit les portes de tous les salons de New-York et de Washington où il résida jusqu'à sa mort, arrivée en 1837.

Guidé par cette pensée que « l'homme, qui par ses recherches et ses expériences, répand le savoir parmi ses semblables est un membre utile de la société,» il résolut, pour la gloire de son nom, de doter les Etats-Unis d'une institution spécialement chargée de propager les études scientifiques et littéraires.

Il légua dans ce but sa fortune au gouvernement, et le 10 août 1846 le congrès établit une société qui prit le titre de ́Smithsonian insti

tution.

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Il était de notre devoir de signaler aux lecteurs l'importance de cette société, d'indiquer le mouvement qu'elle a pu imprimer aux sciences et aux lettres, et de faire connaître l'organisation qui lui est propre.

L'organisation du Smithsonian institution diffère complétement de celle de l'Institut de France et des autres compagnies savantes de notre pays. En dehors des président et vice-président des États-Unis, du premier juge de la Cour suprême et du maire de Washington, membres de droit, l'institution est dirigée par un comité exécutif, Board of regents, composé des membres du gouvernement que nous venons de nommer; de douze autres membres dont trois font partie du sénat et trois de la chambre des représentants, enfin de six citoyens élus par les deux chambres.

Le Board of regents, ainsi constitué, choisit dans son sein ceux qui doivent composer le bureau.

Les mémoires présentés sont renvoyés par la société à des savants compétents souvent étrangers à la compagnie, qui proposent l'impression ou le rejet.

Le but du généreux fondateur étant d'accroître et de propager les connaissances humaines,-to increase and diffuse knowledge- le comité décida 1o de stimuler le zèle des savants en leur facilitant les moyens de faire leurs recherches; 2° de publier des rapports périodiques sur les résultats obtenus, et des mémoires d'une certaine étendue mais

ton (1780), a donné 4 volumes; la Société historique de New-York (1809), 4 volumes; la Société philosophique et littéraire de New-York (1815), 2 volumes; l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie (1818), 5 volumes; la Société d'histoire naturelle de New-York (1818), 2 volumes.

D'autres moins importantes, telles que la Société historique de Concord, dans le New-Hampshire, la Société historique d'Essex, à Salem (Massachusets); l'Académie colombienne, à Washington; la Société historique de la Caroline du Sud, à Chapel-Hill, à Norwalk (Ohio), à Saint-Louis (Missouri), à Alton (Illinois), à Saint-Paul (Minnesota), à Alabança, au Wisconsin, à New-Jersey, à Kentucky, à Maryland, à Savannah (Géorgie), ont encore moins produit.

d'un intérêt général; 3o enfin de construire une bibliothèque, un muséum et des galeries où seraient exposés des objets d'art.

En conséquence de ces diverses résolutions, dont on ne saurait trop reconnaitre la sagesse, on fit deux parts du revenu annuel, l'une affectée à la publication des mémoires, l'autre à la construction de la bibliothèque, du musée et des galeries.

Les instructions du fondateur, réduites en principes par ce règlement, ont-elles été remplies? chaque article de ce magnifique programme a-t-il été fidèlement exécuté ?

Nous le croyons.

Ce n'est pas certainement sans des tâtonnements, inévitables en pareil cas, que cette société qui avait à sa disposition la somme énorme de 757,298 dollars (environ 4 millions de notre monnaie), a pu remplir les promesses qu'elle faisait au monde savant. Mais on ne peut s'empêcher de reconnaître avec quelle ardeur, dans un pays comme les Etats-Unis, les personnes qui ont pris part à l'organisation de cet établissement se sont acquittées de leur honorable mission. Non-seulement nous nous faisons un devoir de signaler ici leur dévoûment à cette grande canse de l'intelligence, mais nous applaudissons de grand cœur aux efforts qu'ils ont tentés et aux succès qu'ils ont obtenus.

Les publications de la Société Smithsonienne se divisent en deux séries. La première renferme les mémoires de format in-4o, la seconde, un bulletin annuel qui contient, en dehors de la partie purement administrative, quelques articles littéraires ou scientifiques d'une importance moindre que ceux qui concourent à former les volumes des mémoires in-4° que nous allons examiner.

Le tome Ier renferme un seul mémoire dû aux savantes recherches de MM. E.-G. Squier et E.-H. Davis, intitulé: Ancient monuments of the Mississipi valley, comprising the results of extensive original surveys and explorations.

Un ouvrage du même genre avait paru il y a vingt-cinq ans environ dans le premier volume des Transactions de la Société des antiquaires américains de Worcester; mais les opinions émises par l'auteur M C. Atwater n'avaient obtenu aucun crédit D'autres archéologues tels que Harris dans son Tour into the territory northwest of the Ohio, Brackenridge, dans ses Views of Louisiana, avaient abordé cette intéressante question sans la résoudre La Société ne pouvait donc mieux débuter, car le sujet traité était d'un grand intérêt, et les auteurs deux hommes de mérite.

Grâce à MM. Squier et Davis, qui ont recherché, examiné, mesuré et dessiné les travaux en terre exécutés par les peuples primitifs de l'Amérique, et que la vallée du Mississipi leur offrait abondamment, on se rend parfaitement compte de ces buttes, pyramidales ou coniques; de

1 Le legs de Smithson n'était en réalité que de 515,169 dollars; mais comme cette somme ne fut employée que dix ans après sa mort, les intérêts produisirent ce chiffre énorme de 4 millions.

2 Nous répéterons ici ce que nous écrivions il y a deux ans dans l'Athénéum français : « A part un très-petit nombre d'hommes véritablement remarquables par leur talent ou leur science, les Américains cultivent peu les belles-lettres et dirigent leurs études beaucoup plus vers les arts mécaniques que vers les arts libéraux. Les affaires commerciales absorbent leur vie tout entière, et comme il leur arrive souvent de perdre leur fortune deux ou trois fois, ils passent leur existence à la refaire... » (Voy. Athénéum français. Année 1854.)

ces remparts fantôt ronds, tantôt carrés, munis de plates-formes dont les contours dessinent, dans des proportions vraiment fabuleuses, des figures d'hommes ou d'animaux, particulièrement celles de l'ours et du Serpent. Malheureusement les auteurs ne concluent pas, ils n'osent déterminer ni l'époque à laquelle on peut faire remonter la construction de ces monuments, ni le peuple qui les a faits, ni la signification symbolique des formes aussi variées que bizarres de ces travaux terrassiers.

Les fouilles qu'ils ont pratiquées dans les tombelles permettent rependani de reconnaître un peuple probablement agricole, mais bien certainement guerrier, fort ignorant, car il semble avoir méconnu l'art de rendre une pensée par des signes graphiques; sans religion aucune et très-porté au luxe. En dehors des haches semblables à celles que l'on désigne en France sous le nom de haches celtiques, de pointes de flèches et de lances en cuivre hattu à froid ou taillées en cristal de quartz, MM. Squier et Davis ont rencontré un nombre considérable de pipes. « Quoiqu'il y en ait en porphyre et en granit, dit le regrettable M. Depping, la plupart sont pourtant d'une terre rouge, qu'on trouve en abondance dans une localité désignée sous le nom de Coteau des Prairies, et qui, semblable à la stéatite, est susceptible d'être travaillée avec facilité. Le grand nombre de pipes trouvées dans les buttes prouve que l'usage du tabac était général chez les anciens habitants du pays. C'est aux pipes qu'ils ont prodigué tout leur art, tout leur génie. Il y en a qui sont travaillées avec tant de perfection que les Européens ne feraient pas mieux, et que les tribus d'Indiens actuelles ne feraient pas aussi bien. Ces pipes représentent tantôt des têtes et figures humaines, tan ôt des animaux, même des animaux qui n'existent pas sur le Mississipi, tels que le lamentin et l'oiseau appelé toukan; ce qui vient à l'appui de l'observation suggérée par d'autres faits, savoir que les habitants de la vallée du Mississipi ont dû avoir des relations avec les Mexicains et les Péruviens, qui excellaient dans les représentations d'animaux, et qui connaissaient les espèces animales qu'on voit figurées sur les pipes des indigènes de ladite vallée. C'est probablement aussi de l'un de ces deux peuples que ces indigènes ont reçu l'obsidienne dans laquelle sont exécutés plusieurs des ouvrages trouvés dans les huttes, ce minéral n'existant point dans le bassin traversé par le Mississipi et par ses affluents. »

Nous ajouterons que des pipes semblables trouvées dans les différentes tribus qui forment actuellement les Etats de la confédération américaine, ont été admirablement reproduites en couleur dans l'histoire des tribus indiennes de Schoolcraft.

En résultat, cet important travail, enrichi de quarante-huit planches et de deux cont-sept gravures sur bois, et imprimé avec un luxe typographique que nous ne saurions trop louer, servira, nous n'en doutons pas, à jeter un nouveau jour sur l'ethnologie de l'Amérique du Nord.

Le second volume, paru en 1851, renferme un grand nombre de mémoires sur les sujets les plus divers.

Le premier est un travail de M. Sears G. Walker, sur la planète Neptune. Dans ses recherches, divisées en quatre sections, et suivies des

Le serpent, considéré comme symbole, a été l'objet d'un ouvrage remarquable de M. Squier.

Voy. Ann. de la Soc. des antiq. de France. Année 1852, p. 149.

éphémérides de cette planète, de 1846 à 1851, l'auteur fait l'historique de la découverte de cet astre et met à profit les observations faites par Bouvard, Bessel, Hausen, Hussey, Airy, Challis, Petersen, John Herschel, Mauvais, Pierce et Lalande. Quoique ce mémoire, d'un intérêt tout spécial, nous ait paru consciencieusement fait, nous croyons devoir relever, non pas une erreur, mais une opinion mal fondée de l'auteur, qui tendrait à retirer à M. Leverrier la part qui lui revient dans la découverte de cette planète, que Lalande lui-même n'avait prise que pour une étoile de huitième grosseur.

M. Francis Lieber a étudié, dans leur rapport avec les éléments du langage phonétique, les sons articulés par une femme aveugle, sourde et muette de Boston, nommée Laura Bridgeman, infirme douée d'une certaine intelligence, et qui, grâce aux soins du docteur Howe, peut se faire comprendre par signes, lire et écrire. Il est difficile de traiter une pareille question sans s'écarter involontairement du but que l'on se propose, et il est bien rare de voir un auteur ne pas se laisser entrainer à présenter des hypothèses pour des réalités et des généralités hors de saison pour des déductions philosophiques qui nuisent plus qu'elles ne servent à l'intelligence du sujet M. Lieber a commis cette faute, mais nous lui pardonnerons en faveur des détails intéressants que lui a fournis cette étude.

Laura Bridgeman articule soixante sons environ, dont quelquesuns sont complétement intraduisibles.

Au point de vue physiologique, il est curieux de remarquer que tous ses signes d'affirmation, de négation, d'impatience ou de désespoir sont en tout point semblables à ceux que nous emploierions nousmêmes. Le fac-simile d'une lettre écrite par cette infortunée termine cet intéressant mémoire.

Un travail d'une toute autre nature suit celui du docteur Lieber; nous voulons parler d'un opuscule du professeur Bayley, sur les sondages qu'il a pratiqués le long des côtes de l'Atlantique, depuis Montauk point, jusqu'au cap May, New-Jersey. En dehors des services que l'indication précise des profondeurs de la mer et des positions des côtes peut rendre aux navigateurs, les recherches de M. Bayley ont un intérêt scientifique particulier. Nous signalerons surtout le résultat le plus remarquable de cet examen, qui prouve qu'aux endroits les plus profonds, c'est-à-dire à 51 brasses S E de Montauk-point ou 90 brasses S.-E. du cap Henlopen, il y a un merveilleux développement de polythalamia, presque aussi considérable que la prodigieuse accumulation des formes inorganiques qui constitue le terrain marneux de Charleston. Une planche jointe à ce curieux travail donne les figures de l'orbulina universa, du genus nodosaria, dentalina, marginulina, robulina, rotalina, globigerina, bulimina, textularia et quinqueloculina, nouvelles espèces décrites avec soin par l'infatigable explo

rateur.

Un mémoire sur la géographie physique de la vallée du Mississipi, de l'ingénieur Ch. Ellet, fait suite à l'opuscule de M. Bayley. Au point de vue du résultat et surtout à celui de l'utilité pratique, cet opuscule est le plus important de tous ceux que nous avons examinés jusqu'à présent. En effet, l'auteur cherche à démontrer la nécessité qu'il y aurait pour le développement du commerce et les progrès de la civilisation dans son pays, de rendre navigable le cours de l'Ohio et des nombreux affluents qui le traversent. «Quand on songe que le transport d'un baril de farine, de Pittsburg à la Nouvelle-Orléans, coûte par les bateaux

à vapeur 50 cents et par les chemins de fer 6 dollars, et que pour une distance de plus de 2000 milles, le prix du voyage pour un passager offre une différence de 15 à 70 dollars1.» On conçoit aisément l'importance des recherches de l'auteur. Le projet de M. Ch. Ellet consiste à construire de vastes réservoirs ou lacs artificiels, qu'on pourrait élever ou abaisser selon les saisons et qui permettrait de maintenir à un niveau convenable les eaux de l'Ohio, dont les principaux affluents serviraient à relier au moyen de chemins de fer les territoires regardés jusqu'ici comme les plus extrêmes. Ce projet semble très-praticable, surtout à notre époque, où le percement de l'isthme de Suez est un problême résolu. Le temps n'est plus d'ailleurs où les inquisiteurs, consultés sur la question de savoir s'il fallait creuser un canal navigable pour réunir deux grands fleuves, répondaient que si la volonté de Dieu avait été que ces fleuves communiquassent entre eux, il l'aurait fait au moment de la création.

Les mémoires que précède ce travail sont de courtes monographies sur différents sujets d'histoire naturelle et de chimie. La première est un travail de M. Gibbes sur le Mosasaurus, ce fossile de Maestricht, surnommé le saurien de la Meuse, qu'on pense tenir le milieu entre les sauriens sans dent aux palais et les sauriens à dents palatines, reptiles dont des espèces semblables ont été retrouvées en Amérique et notamment par le docteur Samuel Mitchell, dans l'étage crétacé de Mcnmouth, New-Jersey. La seconde est due à M. L. Agassiz; c'est une classification des insectes d'après les phases de leur développement embryogénique. La réputation universelle du célèbre ichthyologue, nous dispense d'une notice plus étendue. La troisième monographie est de M. Robert Hare, sur la nature explosible du nitre; la quatrième enfin renferme des observations microscopiques faites par M. F.-W. Bailly dans la Caroline du Sud, en Géorgie et en Floride La découverte près Tampa-Bay d'une couché fort étendue d'infusoires fossiles, celle d'une grande quantité de restes d'infusoire dans les rizières et marais salants du sud, la rencontre d'espèces de plantes et d'animaux microscopiques, et d'une certaine quantité d'animalcules connus seulement en Europe; tels sont les résultats des observations faites par M. Bailly.

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Le second volume termine par un travail considérable de M. Squier sur les monuments de l'État de New-York, et qui n'est en quelque sorte que le complément de son mémoire sur les monuments de la vallée du Mississipi, dont nous avons parlé plus haut.

Les recherches de l'auteur dans l'Etat de New-York furent entreprises en 1848, sous les auspices de la Société smithsonienne et de la Société historique de New-York. Les limites étroites de cet article ne nous permettent malheureusement pas de nous étendre sur ce remarquable morceau de critique historique.

Les monuments qui restent de l'occupation indienne primitive sont fort rares. Les fortifications qu'ils élevaient pour se protéger et se défendre, sont pour la plupart réduites en poussière; l'emplacement de

1 Voy. un art. de M. Sédillot. Bullet. de la Soc. de géogr., p. 455 et suiv., Ive série, t. IV, 2e sem 1852.

2 Ce travail dans lequel l'auteur ne paraît point disposé à admettre l'influence d'une civilisation importée du sud ou du nord, renferme quatorze planches et soixante-douze gravures sur bois, et est intitulé: Aboriginal monuments of the state of New-York comprising the results of original surveys and explorations.

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