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inconteftables nous ont appris que cent livres de fang d'animal quelconque contenoient huit ou dix livres de nitre. Il faut conclure de là que nous portons en nous mêmes au moins deux livres de fel nitreux, puifque nous avons ordinairement vingt-cinq livres de fang; car nous ne nous en tiendrons point à ce fujet, ni au fentiment de Keil qui en a augmenté le poids, ni à Harvey qui l'a mis au-deffous de fa jufte valeur.

Floyer ne s'eft point trompé en avançant dans fon Traité fur les bains froids, que le fen ne pouvoit brûler & qu'aucun animal ne pouvoit vivre fans le nitre répandu dans l'air. Son fentiment eft confirmé par les deux expériences fuivantes. Lorfque, par le moyen d'un foufflet, on pouffe avec impétuofité l'air contre un corps déja allumé, les fels nitreux de l'air étant portés vers les parties bitumineufes & fulfureufes du corps combuftible, il fe fait un combat plus ou moins violent entre ces différentes parties, à raifon de la force plus ou moins grande, & les corps s'embrafent plus ou moins promptement. Si l'on enferme

dans un vaiffeau d'un grand diamètre les petits d'un animal quelconque & une bougie allumée, pourvû qu'on ait foin de fermer exactement ce vaiffeau & d'y pratiquer une fenêtre bien claufe, mais tranfparente, on voit peu temps après la lumière s'éteindre & les petits mourir, ce qui arrive auffitôt que les fels nitreux de l'air ont été confommés par la lumière & les animaux.

Il eft conftant que, plus les plongeurs restent long-temps au fond de T'eau, plus leur refpiration devient difficile, & qu'ils feroient même suffoqués fi on ne leur faifoit pas refpirer un air libre; ce qui vient de ce qu'au bout d'un certain temps ils ont confommé tout le nitre renfermé dans la machine où ils font, & qu'il ne refte plus rien qui puiffe entretenir la chaleur naturelle оц plutot le feu néceffaire pour que nous vivions. Il fe fait alors une forte de calcination qui ne laiffe fubfifter que les fels alkalis fixes & cauftiques, qui en fe ramaffant dans le corps & s'attachant aux membranes garnies de nerfs, y excitent une irritation plus

O moins grande à raifon de leur abondance, & en conféquence produifent une imflammation & une foif violente. C'eft pourquoi un Mé. decin prudent doit alors s'appliquer uniquement à délivrer le corps de tous ces fels nitreux & autres qui font devenus fixes, comme le confeille avec raifon Quincy dans fa Pharmacopée à l'article des Diurétiques.

Si l'on humecte un terrein fablonneux & ftérile, même le fommet des montagnes les plus hautes & les plus incul tes, d'une eau faturée de fel commun, ou fi on répand fur ces mêmes terres de la chaux ou des fels fixes quelconques, ils attireront bientôt le nitre qui eft répandu dans l'air, & rendront fertiles ces terreins arides, Cicéron difoit autrefois, & d'après lui Erafme, dans fon Eloge de la Folie que tout étoit plein de fous. Quant à moi, je dis avec plus de raifon que tout eft plein de nitre, & qu'on doit regarder ce fel comme la fource com mune & l'ame, pour ainfi dire, qui foutient toutes les parties du mon de habitable. On ne doit donc point fe laffer d'admirer & de célébrer la B. iij.

bonté du Souverain Etre, qui a repandu par tout un tréfor auffi précieux & auffi indifpenfablement néceffaire.

Car il faut être aveugle, pour peu que l'on ait la plus légère connoiffance en chimie, pour ne point regarder le nitre comme le plus efficace de tous. les fels. On diffout l'or par l'eau régale, l'argent par l'eau forte; on imite le tonnerre avec l'or fulminant; on. brûle tous les corps avec la pierre infernale & la lune cornée; on les guérit par la pierre médicamenteufe; on empoifonne dans l'inftant par le mercu re fublimé corrofif, &c; fans le nitre, il eft impoffible de produire aucun de ces effets; c'eft de ce fel qu'ils dépendent tous; cette vérité eft conftante aux yeux de ceux qui fçavent bien connoître fa nature.

Tous ces effets que produit le nitre font dûs à fes différentes préparations; car on en retire, auffi-bien que des corps qui en font chargés, les plus puiffans remèdes & les plus violens poifons; on change même, par le fecours de l'art, les poifons qu'il fournit en remèdes falutaires. Le mercure pur peut être donné fans danger, à la dofe

de deux onces, de deux jours fun, pendant trois semaines, comme j'en ai été convaincu par une expérience récente; fr on y ajoûte du nitre, & que l'on en faffe du fublimé corrofif (f), on a un poison, plus violent, fuivant Lemery, que l'arfenic même : ce poifon cependant fert à former la panacée mercurielle. On fait avec le nitre le crystal minéral & le fel polychreffe, & l'on retire du nitre un acide propre à diffoudre les métaux : ce même efprit de nitre dulcifié eft un remède fouverain pour emporter toutes les obftructions des vaiffeaux. Mais ce feroit perdre du temps que de s'é tendre davantage fur les propriétés du nitre; il faut confulter à ce fujet l'excellent Traité de Stahl fur ce fel; c'eft dans ce bon ouvrage qu'eft développé, d'après des expériences conftantes, tout ce qui regarde le nitre.

C'est par le moyen du feu que le nitre eft fufceptible de tant de formes; il lui arrive la même chofe que l'on obferve dans les corps vivans, dont

(f) Le fublimé corrofif n'admet point l'aci de nitreux dans fa compofition, mais bien l'aci de marim:

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