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chant par Paris en forme de Bataillon autour de son carrosse, comme s'ils conduisoient vn Empereur dans vn char de triomphe. Si la Noblesse en foule se presse à sa porte pour entrer, et attend, les mois entiers, pour receuoir vne œillade de son Éminence. S'il a fait donner des gardes à Mademoiselle et l'a tenue longtemps captiue dans son logement des Tuileries. S'il a fait affront au Pape sous le nom du Roy, afin d'empescher la restitution des vols que les Barbarins ont fait au trésor de Saint Pierre. S'il a traitté auec tant d'indignité, et si souuent le Parlement de Paris, le plus auguste Sénat de l'Vniuers. S'il luy a fait rendre de si mauuais traittemens; s'il a fait non seulement casser, mais déchirrer ses Arrests; et si au milieu des triomphes du Roy sous vostre conduite, il a fait enleuer les plus zélez des Magistrats, afin de ternir l'esclat de vostre gloire par cette action tyrannique, et changer les acclamations publiques en des larmes vniuerselles. Si, par vn attentat contre l'Église, et sans exemple dans le passé, il a fait emprisonner vn sçauant Docteur de Sorbonne ct célèbre Prédicateur1, parcequ'il auoit parlé trop auantageusement de l'authorité du Roy, fait prier Dieu pour sa Maiesté et pour les nécessitez de l'Estat. S'il fait obseruer Monseigneur le Duc d'Orléans, et le tient comme captif, de crainte qu'il a qu'il ne se vienne mettre à la teste des Princes vnis pour la conseruation du Roy et la liberté de sa personne sacrée d'entre les mains de ce Tyran. Toutes ces choses et beaucoup d'autres que ie passe sous silence, et que nous tiendrions pour fabuleuses si nous ne les voyons, à notre grand regret, ne causeront point

'M. Charles Hersent, dont Davenne parle dans les Conclusions proposées par la reine régente à messieurs du parlement, etc. [730].

d'estonnement dans l'Esprit des Royaumes estrangers, ny des générations futures. On les croira facilement après auoir appris qu'vn Sicilien, Moine Mendiant, Iacobin a esté fait Viceroy en Catalogne à la place du Mareschal de La Motte, du Comte d'Harcourt, et du Prince de Condé, les Hercules de nostre siècle, parcequ'il estoit frère Mazarin; et qu'on l'a veu depuis pompeux et magnifique dans Paris, dans vn luxe digne de sa nation, mettre la main sur le sein des plus belles dames de la Cour, se persuadant que les Françoises n'estoient pas plus chastes que les Italiennes. Après cela qui peut douter qu'il n'eust résolu d'establir en France vne Monarchie plus barbare et plus dure que celle des Ottomans? Et après auoir mis les Princes et les Grands de l'Estat comme en captiuité et à la chaisne, disposer de la vie et des facultez de tous les peuples selon ses humeurs capricieuses et le mouuement irrégulier de son imagination, ou pour mieux dire, de sa fureur?

En suite de ces excès, il n'est point nécessaire de parler de l'abondance prodigieuse de ses richesses par ses larcins et ses voleries sur les Finances, ny des artifices barbares qu'il a inuentez pour les amasser. Il est superflu de dire les millions qu'il a rauis sous la couuerture des Comptans, dont il a remply les bourses d'Amsterdam, les banques de Venise, et les Monts de Piété de Rome, tant sous son nom que sous celuy de ses confidens. Depuis trois ans on ne sçait plus en France s'il y a eu autrefois des pistoles d'Italie; celles d'Espagne ne sont pas moins rares que les roses en Hyuer; et l'on aura de la peine à croire, encore qu'il ne soit que trop vray par la déposition de témoins oculaires, que les nouueaux Louys d'or ont esté fondus et mis en lingots pour estre trans

portez en Italie auec plus de facilité et moins de soupçon, dans des ballots de meubles et de marchandises.

Voilà, Monseigneur, vne partie de la vie, de la conduite et de l'esprit du Cardinal Mazarin, que l'on dit que vous fauorisez de vostre protection, ce que nous ne croyons pas, n'y ayant point d'apparence qu'vn grand Prince tel que vous estes, qui a sceu par son trauail vnir si parfaitement la Science, la vertu auec la générosité; qui pratique les Vertus Morales, Politiques et Chrétiennes auec vn si parfait exemple; qui s'est acquis tant de gloire par ses victoires, qu'il semble auoir enseuely la mémoire des Alexandres et des Césars, tombast dans cet aueuglement estrange, de vouloir volontairement faire perte de son honneur et de sa conscience, en se faisant l'appuy de l'ennemy de son Roy et de son Estat. Iugez, Monseigneur, si ce malheur arriuoit, ce qu'on diroit de vous, ce qu'on diroit de nous! Vous sçauez que nous ne sommes pas sans enuieux et sans ialoux, qui, fauorisez de quelques exemples, ne manqueront pas de publier que c'est le fruit de nostre mauuaise éducation1 pour les mœurs, et de nostre doctrine, non seulement accommodante, mais dangereuse pour la seureté des Roys, l'authorité des Magistrats, le repos des peuples, et l'intégrité du commerce public.

De vous, aussi, quel moindre iugement en pourroit-on faire, sinon que dégénérant à vostre naissance et à la gloire de la race des Bourbons, vous voulez par vn caprice inconceuable effacer de l'histoire la mémoire de

1 Il est clair par ce passage que l'auteur a voulu mettre la Lettre sur le compte d'un religieux jésuite. C'est en effet par les jésuites qu'avait été élevé le prince de Condé. On aura pu d'ailleurs remarquer au commen→ cement quelques lignes curieuses sur la grâce.

vos belles actions, pour vous rendre complice et compagnon du plus vil et du plus infâme de tous les hommes. Ne souffrez donc point que le iugement que l'on doit faire de vostre conduite, soit plus longtemps en suspens, à vostre propre détriment et à celuy de tant de millions d'ames qui pâtissent sous cette violence tyrannique. Ostez à ces estrangers et ennemis de l'Estat cette folle persuasion et ce dernier refuge qui leur reste, que vous perdrez la France et vous-mesme pour empescher qu'ils n'ayent ce qu'ils méritent. Souuenez-vous de tant de généreux exploits en Flandre, en Allemagne, en Catalogne, de tant de Batailles gagnées et de villes forcées; et ne donnez pas lieu aux Histoires Estrangères, quand les nostres, par considération, ne le voudroient pas faire, d'apprendre à la postérité que vous auez couronné tant de belles actions par la plus lasche de toutes celles qui peuuent partir d'vne personne de vostre condition; et qu'après auoir bien fait du mal au Roy d'Espagne, en le dépouillant de ses villes et de ses Prouinces, vous luy en auez fait la restitution au centuple, en tournant la force de vos armes contre la France, afin de la luy liurer entre les mains, par la désolation que vous y méditez, et que vous commencez auec ce malheureux, qui, voyant qu'il n'y a plus de lieu pour ses vols, ny de seureté pour sa personne, veut la perdre auant que de partir, ou s'il ne peut eschaper que par la mort, dresser vn Mausolée à ses cendres des ruines de Paris et du reste de l'Estat.

Quittez, Monseigneur, cet insolent auec ses prétentions barbares et criminelles! Traittez ce cerueau desmonté en habitant des Petites Maisons! Riez-vous des fumées de cette bile qui luy inspirent des resueries si extrauagantes et si pernicieuses! Saisissez-vous de cet Ennemy

du roy et peste de son Estat, et le conduisant captif au derrière de vostre Carrosse, quoy qu'il ne mérite pas cet honneur, venez à Paris acheuer son procez auec ces vertueux et sages Sénateurs, et luy faire souffrir et à tous ses adhérents les iustes peines duës à leurs démérites, pour vn exemple éternel aux Estrangers, aux Orgueilleux et aux mauuais François. C'est par vne action si louable, si généreuse et si sainte, que vous mériterez les faueurs du Ciel, la gloire d'vn prince du Sang Royal, les louanges de toutes les Nations, les bénédictions de toute l'Église, les congratulations de toute la France, auec les prières de toute nostre Congrégation, et de tout le monde.

Vers burlesques envoyez à Monsieur Scarron, sur l'arrivée du Conuoy à Paris [4016]'.

(23 janvier 1649.)

Amy Scarron, constant malade,
Et plus qu'vn nauire à la rade,
Inesbranlable dans ton lit,

Veux tu sçauoir ce que l'on dit?
Voicy d'vn homme véritable
Le récit d'vn épouuantable

Conuoy, qui nous vient de venir2,
Que le bon Dieu veuille bénir.

' Ce pamphlet pourrait bien être de Saint-Julien, l'auteur du Courrier françois en vers burlesques, et du Courrier burlesque de la guerre de Paris.

2 « Ce jour (19 janvier), Monsieur le Duc d'Elbœuf estant sorty auec de la Caualerie, pour aller du costé de la Prouince de Brie, deffit des Troupes Mazarines qui emmenoient quantité de bestial, et particulièrement quatre à cinq cens porcs, lesquels il fit conduire à Paris. »

Seconde arriuée du Courrier François.

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