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Qui de crocs et qui d'auirons,
De cailloux, de pics et de pelles,
De bans, de treteaux, d'escabelles,
De barres de fer, de leuiers,

De grez que l'on prend aux euiers.
Le peuple farouche et fantasque
Iure, maudit, peste et renasque.
Tout est plein de confusion
D'horreur et de sédition.

Des plaintes on vient aux murmures,
Aux cris, aux fureurs, aux iniures;
Et les soldats du Régiment1,
Repoussez assez brusquement,
Voyant leur partie mal faite,
Firent vne prompte retraite ;
Et dans ce bizarre combat,
Quelques-vns sont mis au grabat ;
D'autres suiuis avec brauades.
Le peuple fait les Barricades.
De tous costez on fait grand bruit;
On court, on s'auance, l'on fuit.
Maçons, Charpentiers, Estuuistes,
Imprimeurs, Relieurs, Copistes,
Garçons de Postes et Relais,
Colporteurs et Clercs du Palais,
Tailleurs, Pages d'Apotiquaires,
Maquignons, Ecorcheurs, Libraires,
Fourbisseurs, Charrons, Batteliers,
Crocheteurs, Doreurs, Écoliers,
Crieurs de noix et d'eau de vie,
Moutardiers et vendeurs d'oublie,
Crieurs de passement d'argent,
Assistants, Recors et Sergent,

Le régiment des gardes, appelé par excellence le Régiment.

Meneurs de hacquets et brouettes,
Marqueurs, enfants de la Raquette,
Porte-chaires, passeurs de Bac,
Vendeurs de pipes et tabac,
Cureurs de puits et de gadoue,
Charetiers qui mènent la boue,
Mareschaux, Forgerons, Selliers,
Partout s'épandent par milliers.
Aux Halles les Fripiers s'armèrent;
Et les Bourgeois se cantonèrent,
Au près aussi bien comme au loin,
Sur le Quay, sur le port au Foin.
Chacun son compagnon réclame,
Fourbit son mousquet et sa lame
Et iurant sans cesse morbieu
Prend l'hallebarde ou quelque épieu.
Cette martiale iournée

Par la nuit ne fut terminée.

On vit de moment en moment,
Sans sçauoir pourquoy ni comment,
Aux portes et par la fenestre,
Peter fortement le salpestre.
Et ces gens, à n'en mentir point,
Estoient braues au dernier point.
Le lendemain la belle Aurore

Les trouua tous armez encore;
Et comme ils n'auoient pas dormy,
Remplis de vin plus qu'à demy,
De ce vin leur âme eschauffée
Se promettoit quelque trophée.
Le Chancelier, à ce matin,
Conduit par son mauuais destin,
Portoit à la Cour Souueraine
Vn ordre envoyé par la Reyne.
On luy crie : Demeure là. »

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Luy, surpris de ce Quy va là,
Qui est vn terme de milice
Peu cognu des gens de Iustice,
Les ayant appelez mutins,
Gagna le Quay des Augustins.
Le peuple s'émeut dans la rue,
Le suit, le clabaude, le hue.
Son carrosse fendit le vent.
La troupe le va poursuiuant;
Et d'vne ardeur fière et mutine,
Inuestit l'Hostel de Luyne,
Rompt la porte de la maison.
L'vn en sa main tient vn tison,
Vn chenet, vne lichefrite,
Le couuercle d'vne marmite.
Ils iurent tous qu'il en mourra,
Que iamais sceau n'appliquera.
Luy, réduit à cet accessoire,
Et qui, pour auoir leu l'Histoire,
Sçait fort bien comme d'autrefois,
Sous le règne des anciens Roys,
Vn chancelier fut mis en broche
Par le noble écorcheur Caboche,
Assisté de quelques mutins,
Vulgairement des Maillotins,
Crut sa dernière heure venue.
la teste nue,

A deux genoux,
Dans ce péril rude et pressant,

Il inuoquoit le Tout Puissant;

Et fit, comme on peut bien le craire,
A l'Euesque de Meaux, son frère,
De ses péchez confession,
Auecque protestation

Que si du danger il eschappe,

Iamais plus on ne l'y attrappe ;

De ces angoisses oppressé,
Aussi passé qu'vn trépassé.
Les Gardes viennent à la file.
D'abord la canaille fait gile.
Et suruint à cet accident
Le Mareschal Surintendant 1,
Tousiours fier comme son espée,
Au sang des ennemis trempée,
Dont il occit vn Crocheteur
Qui n'estoit là que spectateur,
Excitant sur luy mainte pierre
Qui pensa le ietter à terre.
Et d'Ortis arriuant soudain
Prit le Chancelier par la main,
Que la Cronique médisante

Dit qu'il auoit froide et tremblante.
Ce grand Ministre de l'Estat,
Eschappé de cet attentat,
Alla chercher sa seureté
Au Palais de sa Majesté.

La suite de cet heur extrême
Pour les siens ne fut pas de mesme.
Auprès de luy l'Exempt Picot

A la mort paya son escot.

Sa triste et funeste auenture,

Sans qu'il soit besoin qu'on en iure,
Fait voir que pour ne pas mourir,
Il n'est rien tel que de courir
Et qu'en de semblables affaires
Les iambes sont fort salutaires 2.
Laissons ce ministre dispos

Au Palais Royal en repos.
Faisons vn tour parmy les rues.

1 Le maréchal de La Meilleraye.

9 Ces quatre vers rappellent le premier quatrain de l'épigramme bien

Partout les chaisnes sont tendues;
Des caues on sort des tonneaux;
On amène des tombereaux,
Des chariots et des charrettes;
On appreste les escoupettes;
Et nos Bourgeois fort résolus,
Vieux soldats tout frais esmoulus,
Sont attachez aux Barricades,
Comme forçats à leurs rancades.
Carmeline, l'Opérateur 1,
Vestu d'vn colet de senteur,
Chausses de Damas à ramage,

La

grosse fraize à double estage,
Bas d'attache, le brodequin
De vache noire ou maroquin,
Le sabre pendant sur la hanche,
Et sur le tout l'escharpe blanche,
Tenant en main bec de corbin,
Monté sur vn cheual Aubin,
Gardoit avec six cens et onze
Le poste du Cheual de Bronze;
Et fit assez diligemment
Vn bizarre retranchement.
De cette belle architecture

A peu près voici la peinture :
De l'vn iusqu'à l'autre pilier

On mit de dents vn ratelier.

connue que Passerat a écrite contre le duc d'Aumale dans la Satire Ménippée :

A chacun nature donne

Des pieds pour le secourir :
Les pieds sauvent la personne;
Il n'est que de bien courir.
Carmeline, en vn coin reclus,

Voit ses pélicans superflus.

Le Ministre d'Estat flambé [2470].

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