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cesseurs, quelle enseuelist auec tant de larmes dans le printemps de leurs années. Vous estiez ses délices, et l'espérance de sa protection. Enfin, elle se promettoit tout de vous, et n'appréhendoit rien de ses ennemis. Vous auez esté la seule consolation qui luy soit restée de la mort de Monseigneur le Prince de Condé, vostre Père; ou du moins auez-vous donné vne longue intermission au regret éternel qu'elle en deuoit auoir, parce que l'on vous a longtemps veu suiure ses bons sentiments et ses préceptes dans les conseils.

Vous ne cessiez pas pour cela d'estre le mesme Enguien dans la guerre ; et vous l'avez aduantageusement fait voir à cette fameuse iournée de Lens, où vous suppléâtes auec tant de bon-heur au mauuais soin, et à l'imprudence de ceux que l'on appeloit nos ministres. Vous surmontastes les espérances que l'on pouuoit auoir d'vne campagne, au succèz de laquelle ils auoient si mal pourueu que ce ne fut pas sans suiet s'ils furent soupçonnez de trahison et d'intelligence auec nos ennemis : ie diray encore d'attentat à vostre réputation et à vostre personne. L'on auoit eu mesme opinion du voyage de V. A. en Catalogne, où l'on sçait que vous fustes abandonné, et que l'on ne vous enuoya rien de tout ce qui estoit nécessaire, mesme pour y soutenir l'effort que fit l'Espagne, et que la seule présence du Prince de Condé y maintint nos affaires, et y occupa les forces destinées pour opposer à la réuolte de Naples, si mal ménagée de

nostre costé.

C'est peut estre la principale raison qui nous a émeu contre la domination tyrannique de lules Mazarin. Après qu'il eut épuisé presque tout le Royaume de ses finances, l'on n'appréhenda pas sans raison qu'il ne précipi

tast V. A. dans vn dernier péril où vostre valeur succombast souz la force des ennemis, par les artifices parricides de ce traistre Sicilien.

N'ayant pu vous perdre, et continuant ses pernicieux desseins sur cet Estat, il a voulu vous gaigner, de crainte que celuy qui auoit prodigué sa vie pour la France, ne la voulust encor hazarder pour la déliurer de son oppression. Il estoit asseuré de la facilité de M. le Duc d'Orléans par le moyen d'vn valet qui le gouuerne1, et qui estouffe dans le point de sa production tous les bons désirs de S. A. R.; et vous estiez le dernier but de sa politique. Toute l'Europe ne s'estonnera pas sans suiet qu'vn acheteur, si mercenaire et si auare, ait pu s'acquérir vne personne si importante, dans vne saison si contraire et sur le point de sa ruine.

Vous deuiez estre alors le plus offensé. Il venoit de liurer aux ennemis vne des principales conquestes de V. A.; il marchandoit auec eux pour la dernière; il ostoit cette récompense à vn seigneur de marque, digne d'vn plus grand employ, et mettoit dedans Ypre la mesme créature qui auoit perdu Courtray, et à qui nos loix deuoient faire perdre la teste3. Bref, comme s'il se fust ouuertement déclaré ialoux et ennemy de vostre gloire et de vostre réputation, il voulut troubler impudemment les bénédictions publiques que l'on vous donnoit, et la réiouyssance qu'on témoignoit du gain de votre dernière bataille, par l'emprisonnement de deux magistrats', et nous voulut faire connoistre que vous n'auiez vaincu que

L'abbé de La Rivière.

2 Courtray pris par les Espagnols en 1646.

3

3 Le comte de Palluau, depuis maréchal de Clérembaut.

* Le président de Blancmesnil et le conseiller Broussel.

la France, ny combattu que pour l'affermissement de sa tyrannie.

L'énormité d'vne si estrange action émut les plus tièdes des Parisiens. Ils ne croyoient pas qu'il fust possible d'en estre spectateur sans en estre complice, si l'on ne la vengeoit ; et l'on vous désiroit pour chef d'vne résolution prise pour vostre honneur et pour celuy de la patrie. Vous vîntes, Monseignevr; vous ne vous en ressentistes pas; mais quoy qu'il en soit, vous pacifiastes ce désordre au gré de tous les intéressez1, auec vne légalité qui vous continua l'amour des peuples. L'on apporta vn tempérament aux désordres de l'Estat; et l'on publia cette belle déclaration qui doit estre doresnauant le fondement inébranlable de la Monarchie'. L'authorité d'vn bon Roy n'y est point lezée; les Princes qui sont les premiers obiets de la persécution des fauoris, y trouuent leur seureté; le Roy y recouure ses finances dérobées; et le peuple y rencontre cette tranquilité depuis si longtemps troublée par l'insolence des mauuais Ministres et par les rapines sanguinaires des Partisans.

Monseigneur le Duc d'Orléans et Vostre Altesse l'ont approuuée, puisqu'elle s'est faite de vostre consentement et par vostre conseil, à la supplication du Parlement qui n'a point vsé d'autres forces que de celles de la raison. La Cour est reuenue à Paris; et la ville en a receu vne ioye inexprimable. L'on n'a parlé d'autre chose depuis, de l'exécution des articles ordonnez, non plus par que

1 La pacification d'octobre 1648. Le Politique du temps, etc., que j'ai cité plus haut, a été écrit pour prouver que tout l'honneur de l'accommodement revenait au prince de Condé.

2 Déclaration du roi portant règlement sur le fait de la Iustice, police, finances et soulagement des suiets de Sa Maiesté, vérifiée en parlement le 24 octobre 1648 [936].

le Parlement, mais par le Roy; et parce qu'il estoit impossible que l'on ne découurist les larcins du Cardinal Mazarin, seul autheur de tous nos maux, ce chef des volleurs de l'Estat, tout-puissant auprès de la RoyneRégente, s'est seruy de tout son crédit pour l'empescher.

Le bruit est tout commun qu'il vous entretient de grandes espérances pour estre protégé de Vostre Altesse; mais que peut-il vous promettre verbalement pour vne action indigne de vostre sang et de vostre vertu, que l'on ne vous accorde, en effet, pour ce que vous auez desià mérité? Et, n'est-ce pas vne extrême insolence à ce perfide de vous proposer, pour prix de son salut, de nouueaux Estats qui vous sont deuz pour vos services, et que vous ne pouuez receuoir que de la main de ceux contre lesquels il vous arme. C'est faire peu de cas de ce que vous auez fait auec tant de gloire; et c'est vne étrange témérité d'estimer plus que tant de villes conquises et batailles gagnées, la deffense du plus cruel ennemy de l'Estat. Il n'y va point de vostre honneur de le maintenir; au contraire, c'en est fait, et vous perdez le fruit de toutes les obligations dont la France vous est redeuable, si vous vous seruez contre elle-même de la réputation que vous auez acquis pour elle.

Si Votre Altesse daignoit ietter les yeux sur l'Estat misérable où elle se voit réduite par l'oppression de la guerre intestine que luy ont fait depuis la Régence tant de corbeaux épars dans les prouinces, créatures et émissaires de Mazarin qui l'ont déuorée iusques aux intestins, il est sans doute que vous auriez horreur de son misérable cadaure si rongé en toutes ses parties. Songez que c'est le patrimoine de vos ayeux et qui pourra çstre

celui de vostre postérité; et considérez que la Royne, Monseigneur le Duc d'Orléans et vous, iouez l'héritage de vos enfans contre vn infâme filou, qui vous ioue luy-mesme, et qui hazarde, pour la plus abominable teste du monde, vos personnes, vos biens et vostre honneur.

Il a tousiours vescu et ioué aux dépens d'autrui, comme celuy qui n'estoit né que pour la perte du public. La fortune accoucha de ce monstre adultérin pendant son diuorce avec la vertu; et elle ne l'a promené vagabondant par tant d'Estats que pour donner vn vain éclat à sa puissance. Ie connois son pays; et la Sicile mesme, qui ne l'aduoue que pour nostre honte, m'a fait sçauoir son origine chez vn cabaretier de ses parens, en la ville de Palerme, à mon retour de Malte. I'y sceus la banqueroute de son père, qui estoit chapelier et boutonnier de son métier, et comme il se retira à Rome, où le P. Iulio Mazarini, Iésuite, son frère, le mit en condition. Il y vola beaucoup pour amasser vn peu de bien; il y maria quelques filles et mist son fils auprès du Connestable Colonne. De là, il passa au seruice du cardinal Antonio Barberin, et n'y eut pas le rang que l'on eust donné à celuy que l'on eust creu deuoir vn iour prétendre de s'allier auec cette maison. Il s'y signala par ses débauches, et fut l'intendant des plaisirs deshonnestes de la Cour Romaine.

Ce fut luy qui donna conseil au Cardinal Antonio de se défaire d'vn neueu du Pape d'auiourd'huy' qu'il auoit esloigné de ses bonnes grâces. Il fut mal-traitté à coups

'Francesco Panfili, neveu du pape Innocent X. On peut lire sur ce sujet le Tableau funeste des harpies de l'Estat et des tyrans du peuple, etc. [3743].

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