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Sur les dents on mit des machoires,
Des brayers, des suppositoires,

Des pellicans, des bistoris,

Des boetes de poudre d'Iris,

Des chalits, des portes, des cruches,
Des coquemars, des œufs d'Autruches,
Quelques saloirs remplis de lard;
Et sur ce solide rampart,

On fit vn parapet de grilles,
Par où guignoient deux crocodilles.
Il est vray qu'ils ne viuoient pas;
Mais chacun ne le sçauoit pas.
La forme estoit pentagonale,
Triangulaire ou bien ouale;
Qui voudroit en leuer le plan,
Ne le sçauroit en moins d'vn an.
Ie le donne au grand Archimède',
Aux compagnons de Diomède,
A Vitruue, à Nostradamus,
A feu l'ingénieur Camus,
Gamorin, Targon et de Ville,
A Roberual qui monstre en ville,
Villedot', Mercier, Mestrezeau,
Sainct Felix, le Pautre, le Veau,
Iean Tiriot, qui fit la digue2,
Et Trazor, du temps de la Ligue,
Aux ingénieurs comme Alemans,
Aux Italiens et Flamans,

A Steuin comme au sieur des Cartes,
A Blaeu qui descrit tant de cartes,
A Mercator, à Oudinet,

Au géographe Bertinet,

Avec compas mathématiques,

' Il a donné son nom à une des rues de Paris. 2 La digue de la Rochelle.

1

Instrumens nouueaux et antiques,
D'en faire la description

Dans la iuste dimension;

Tant l'on auoit mis d'artifice

A bastir ce noble édifice.

A la Halle et aux enuirons
On se retranche de marons,
De citrouilles, pommes pourries,
D'artichaux, fourmages de Brie,
De choux, de concombre et naueaux,
D'épinards, raues et porreaux,
Prunes, brugnons, poires, oranges;
Les cabats traînent dans les fanges;
Et le cordon de ce trauail
Estoit de fine gousse d'ail,

Où l'on aiousta quelques bottes

De très-puantes eschalottes;

Ce qui faisoit vn bel effet

Dont le peuple fut satisfait.
Derrière, maintes Harangères,
Plus affreuses que des Mégères,
Mettant la main sur les roignons,
Crioient : « Par la teste aux oignons,
Ces traîtres nous l'ont donné belle.
Viue le Roy! viue Bruxelle!
Viue la Cour de Parlement !
Et sacre du Gouuernement!
Elles adioustoient autre chose
Qui ne se peut dire qu'en prose.
Harangères certainement,
A le dire confidamment,
Mériteroient d'estre fessées,
Et d'auoir les langues percées.
Mais

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passons aux autres cartiers

Où les garçons de tous mestiers,

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Quittant le soin de la boutique,
Prenoient l'hallebarde ou la picque,
Le coutelas ou l'espadon,

Le brin d'estoc ou le bourdon;
Chacun saisissant à la haste

Ce qui se trouue sous sa pate.
Seruantes au haut des greniers
Portoient cailloux à pleins paniers.
Les femmes estoient aux fenestres.
Tout s'en mesloit, hormis les Prestres.
Mais ceux qui n'estoient qu'in sacris
Animoient les gens par leurs cris.
De barricade en barricade,
Constantin iouoit sa boutade1

Et

par vn martial fredon

Sonnoit l'alarme en faux bourdon.

-Au milieu de ce grand désordre
L'on voit arriuer en bon ordre,
A pas comptés et grauement
L'Illustre Cour de Parlement.
Tout le peuple leur fait grand feste.
Messieurs baissant parfois la teste,
Auec vn modeste sousris,
Flattoient ces nouueaux aguerris.
A leur abord la populace

De tous costez s'ouure et fait place,
Disant « Allez, nos Protecteurs;
:

Abolissez les Collecteurs,

Tous imposts; et faites en somme

Que vous nous rameniez nostre homme.

Cependant au Palais Royal

On discouroit, qui bien, qui mal.

L'vn disoit : c'est trop entreprendre.

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Voyez plus loin la chanson de Blot sur la plainte de l'Amour contre la guerre parisienne.

L'autre ils font bien de se défendre.

:

Enfin la Reyne les receut;

Et les Huissiers ayant fait chut,
Molé d'vn visage assez ferme

A peu près luy dit en ce terme :

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Reyne, l'Image du grand Dieu,
Si nos souhaits auoient eu lieu,
Et que, pour le bien de la France,
On eust pris en vous confiance,
Tout ce tumulte hors de propos
Ne troubleroit vostre repos.
Quoy! dans l'allégresse publique
Par vne fausse politique,

Mettre, hors de temps et de saison,
Les bons Magistrats en prison
Pour auoir auec asseurance
Dit leur aduis en conscience!
Ce qui maintient les Potentats,
Le plus ferme appuy des Estats
Est de régner auec Iustice.
Mettre en vsage l'artifice,
La fourbe et le déguisement,
C'est en saper le fondement.
Madame, les mauuais copistes
Des conseils Machiauélistes
Qui séduisent vostre douceur,
Éloignent de nous vostre cœur
Par des raisons imaginaires,
Au bien de vostre Estat contraires;
Vous disant pour leur intérest
La chose autrement qu'elle n'est.
Mais las! il n'est plus temps de feindre.
Tout s'émeut; le peuple est à craindre.
Dieu quel peuple! vn grand peuple armé,
rage, de fureur animé,

De

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Qui met son salut en ses armes!
Lors quelques véritables larmes,
Quoy que disent les enuieux,
Parurent couler de ses yeux.
Chacun peut en croire ce qu'il pense.
Puis auec la mesme éloquence,
Il poursuiuit : « Ne craignez pas,
Madame, de faire vn faux pas,
Cédant, comme il est nécessaire,
A la fureur du populaire.
Quand le vent agite les flots,
Les plus habiles matelots,
Pour se garantir du naufrage,
Par vn conseil prudent et sage,
Au lieu de résister au vent,
Calent la voile bien souuent,
Et les yeux arrestés sur l'Ourse,
Nauigent d'vne oblique course.
Ce que pratiquent les nochers
Parmy les bancs et les rochers,
Apprend aux Roys à se conduire
Dans les troubles de leur Empire.
Comme le perfide élément,
Le peuple s'esmeut aysément;
Mais il s'appaise tout de mesme.
Votre sagesse tout extrême,
Madame, éloignera de nous

Ce malheur dont ie crains les coups,
En accordant à nos prières
La liberté de nos confrères.
Le peuple a le mesme désir.
Il n'y a pas lieu de choisir.
le crains que, perdant l'espérance,
Il n'en vienne à la violence.
Ce sont des cheuaux eschappez,

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