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quelle rage te possède de prendre les armes contre ton Roy, vn Roy mineur, vn Roy innocent, donné de Dieu, vn Roy tousiours triomphant de ses ennemis, à qui ta rébellion, si elle duroit, va rauir des mains l'aduantage de conclure la paix la plus glorieuse que la France ait faite depuis l'origine de la monarchie? On veut luy voler le plus beau fleuron de sa Couronne. On attaque directement son authorité, qui est ce qui le distingue du reste de ses subiets. Le Parlement, emporté par les factieux, veut bastir vne puissance nouuelle et iusqu'à présent incognue dans ce Royaume sur les ruines de la Royauté. Il veut de l'Estat du monde le plus monarchique en composer vn gouuernement monstrueux de deux cens testes. Et tu n'adhères pas seulement à ce détestable projet; tu le soustiens au péril de ton repos, au hazard de tes biens, de l'honneur de tes familles, de leur subsistance et de ta propre vie. Quelle fin peust auoir cette affaire si tu t'opiniastres à la soustenir, qu'vn gouffre de misères et de calamitez, que l'horreur des guerres ciuiles, que l'effusion de beaucoup de sang François et l'aduantage des ennemis de l'Estat? Car enfin quelle raison peut donner la souueraine puissance à des gens ordinaires qui n'ont rien par dessus les autres que la fortune d'auoir pu achepter des charges bien chèrement? Et crois-tu, quand Dieu ne prendroit pas en main la cause d'vn Roy mineur qu'on veut opprimer, quand le Roy n'auroit pas pour te ranger en ton deuoir, toutes ces braues troupes qui ont mis si bas nostre ennemy, auparauant si formidable, crois-tu, dis-ie, que le Duc d'Orléans, le Prince de Condé, tant de Princes et grands du Royaume, tout l'Ordre Ecclésiastique et tant de généreuse noblesse pussent iamais souffrir la domination illégitime de gens qui leur sont

en toutes façons si fort inférieurs? Ouure les yeux, pauure peuple. Voy dans quel précipice on t'engage. Ce n'est point contre toy que le Souuerain est irrité. Il sçait que tu as esté abusé sous l'apparence d'vn faux bien. Il ne sçauroit te faire du mal qu'il n'en ressente le contrecoup plus viuement que toy. Il n'est donc pas à croire qu'il en ait l'intention, si tu ne l'y forces. Il veut seulement oster des mains aux factieux du Parlement les armes dont ils luy ont fait tant de mal. Faut-il que tu sacrifies tout pour l'intérêt d'vn petit nombre de séditieux? Que t'importe que les Présidens de Nouion et Blancmesnil n'ayent pu auoir la coadiutorerie de l'Euesché de Beauuais pour vn de leurs proches? et pourquoy t'intéresser à la vengeance qu'ils veulent prendre de l'éloignement de leur oncle1? T'imagines-tu que Broussel eust fait si fort ton tribun s'il eust pu obtenir pour son fils la Compagnie aux gardes qu'il poursuiuoit? Que te soucies-tu si le Président Viole n'a pu estre admis en la charge de Chancelier de la Reyne? et prendrois-tu Coulon pour vn grand législateur, luy qui fait vanité publique d'estre vn dissolu en toutes desbauches, et qu'on a souuent délibéré de chasser du Parlement pour l'infamie de sa vie et pour la prostitution qu'il faisoit luy mesme de sa famille? T'a-t-on offensé quand on n'a pu satisfaire Guiry sur la charge qu'il vouloit d'introducteur des Ambassadeurs? Et crois-tu que les barbes vénérables de Vialar et Bachaumont et d'autres ieunes fous de cette partie qui se nomment eux mesmes par raillerie les petits pères du peuple et les tuteurs des Roys, soient fort propres à réformer l'Estat? Enfin rien ne se meut dans cette grande machine que par des ressorts intéressez. Cependant tu 4 Potier, évêque de Beauvais et aumônier de la reine.

y prestes ton bras comme si elle ne trauailloit que pour ton aduantage, quoy que ce ne soit qu'à ta destruction. Crois-tu que le party en soit deuenu beaucoup plus utile ou plus fort pour y voir quelques Princes à la teste? Ils te donnent leur assistance pour prolonger tes misères, et non pas pour les finir. Ils te sacrifieront pour auoir plus aduantageusement leur compte, et ne se soucieront pas fort des hostages qu'ils t'ont donnez. N'as-tu pas l'exemple du Prince Thomas qui reprit toutes les places du Piedmont sur les Espagnols, quoique sa femme et ses enfans fussent entre leurs mains? Le Prince de Conty est vn ieune Prince qui a de bonnes intentions, mais que son beau frère a desbauché sous prétexte de luy faire acquérir de la gloire. Le Duc de Longueuille n'est auec toy que parce qu'on luy a refusé le Haure, après qu'on luy auoit desià donné Caen et le Comté de Ious. Attends-tu des conseils fidèles et de durée d'vn homme qui a manqué à son Maistre, qui luy auoit fait l'honneur de l'appeller dans les siens, qui luy auoit fait tant de grâces et qui a tourné casaque aussi souuent que l'occasion s'en est offerte? La Rhétorique naturelle du Duc d'Elbeuf pourra elle persuader qu'il prenne autre intérest en cette affaire que d'auoir le gouuernement de Montreuil qu'on a refusé auec raison à vne personne de sa condition, et qui a porté si longtemps l'escharpe rouge1? Le Duc de

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1 Le duc d'Elbeuf avait été exilé à cause de la part que sa femme, Catherine-Henriette, fille légitimée de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, avait prise à des intrigues de cour contre le cardinal de Richelieu. Il était passé en Angleterre. Voy. plus loin Demandes des princes et seigneurs, etc. [997].

« Le mesme iour (24 mars)..... la Cour délibéra sur la permission que Monsieur le Prince de Harcourt, fils aîné de Monsieur le Duc d'Elbeuf, demandoit de leuer des troupes dans le territoire de Montreuil sur la mer, où il est allé à cause de la mort de Monsieur le Comte de Launoy, son Beaupère, qui en estoit gouuerneur; et fut ordonné que mondit sieur le duc d'El

pour ra

Bouillon veut Sédan; et serois-tu si enragé que de contribuer à donner vne entrée seure aux ennemis uager la Champagne par leurs courses et venir iusqu'à tes portes quand l'enuie leur en prendroit? Le Coadiuteur veut se venger de ce qu'on a rabattu le vol trop hautain qu'il prenoit, voulant ioindre le commandement temporel au spirituel, c'est à dire le gouuernement de Paris à l'Archiepiscopat. Ce sont là les arboutans qui appuyent ta désobéissance. Le motif de leur mescontentement est parce qu'ils veulent des places. Cependant si ie ne me trompe, il me semble que le Cardinal, qu'ils deschirent et noircissent tant, n'en a aucune, et qu'il s'en est deffendu tousiours aussi viuement que les autres les ont recherchées. Ie vois bien qu'il a sceu contribuer à accroistre le royaume de places et de Prouinces entières; mais il n'a sceu encore donner les mains à prendre aucun establissement pour luy; et il fait voir vn exemple de modération iusqu'à présent incogneu dans cet estat qu'vn premier Ministre, après six ans d'heureuse administration, ne se treuue auoir ny charge de la Couronne, ny gouuernement de Prouince, ny place, ny autre bien que quelques Abbayes pour soustenir sa dignité. Cependant ie remarque que ceux qui sont si emportez contre luy, et qui trauaillent tant à animer les peuples, n'en ont autre suiet que la fermeté qu'il a eue à ne pas conseiller au Roy qu'il se laissast despouiller de son authorité et de ses places. Ie considère aussi qu'il n'a iamais fait mal à personne qu'aux ennemis de la France; et sans cette douceur qui luy est naturelle, tu ne verrois

beuf, Gouuerneur de la Prouince de Picardie, dont cette ville dépend, donneroit ordre à la seureté de ladite place, selon qu'il verroit en estre besoin. Le Courrier françois, etc. [830] 11o arrivée.

vie

pas auiourd'huy ny le Duc de Beaufort, ny le mareschal de La Mote à la teste de tes troupes rebelles. Enfin, peuple abusé, dessille tes yeux. Ceux qui ont le principal intérest au bien de l'Estat, te monstrent assez ce que tu dois faire. Tu ne sçaurois faillir de marcher dans le chemin où tu vois le Duc d'Orléans si auant engagé, si constant et si zélé, où tu vois le Prince de Condé le seconder de tout son pouuoir. Il faut bien que les Conseils du Cardinal soient bons, puisque ces deux personnes-là les approuuent. Crois-tu, quand le Cardinal seroit esloigné, que le Duc d'Orléans et le Prince de Condé, qui ont exposé si gayement leur pour releuer l'authorité Royale et la gloire de nos armes, voulussent iamais donner les mains à la ruine de l'Estat et receuoir la loy de quatre hommes du Parlement qui, pour se rendre les maistres, prétendent de renuerser tous les fondemens de la monarchie? Considère combien l'estat où tu te trouues, est différent de cette opulence qui t'a rendue la ville du monde la plus heureuse. Prends garde à ce qu'est deuenu ton commerce; que tu es à la veille de crier à la faim; qu'il n'y aura plus de rentes payées; que tu vas tomber en vne entière désolation; que ta grandeur est ta foiblesse; que tu es desià exposée à la mercy et au pillage de la canaille et des vagabons; qu'on te saignera de tous costez iusqu'à l'agonie; que tu entretiendras les deux partis à tes despens; que les troupes dont tu prétends tirer ta deffense, te rongeront elles mesmes iusqu'aux entrailles; mais considère plus que tout cela que pour plaire aux factieux du Parlement, tu te iettes dans la rebellion; que tu prends les armes contre le Souuerain que Dieu t'a donné, et que tu cours risque de perdre son amour et peut-estre ton bonheur. Le Désintéressé à Paris.

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