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sidère tu point quelle seroit pour toi la grandeur de cette perte, et que cette présence est ce qui t'enrichit et te donne la splendeur et l'opulence par dessus les autres villes? Où irois tu chercher le payement de tant d'argent que la Cour te doit? Ne t'aperçois tu point que si elle faisoit son séiour en quelqu'autre ville, tous tes artisans seroient à la faim et qu'il se dépenseroit à Paris moins de douze millions de liures par an qu'on ne fait ?

Déclare toy seulement; et tu seras le maistre de ces factieux criminels qui t'ont armé contre ta patrie. Tu auras les bénédictions du Ciel, les grâces de ton Roy et l'applaudissement de tous les bons François. Oblige le Parlement à sortir de Paris; et tu obligeras ton Roy à y retourner, et auec lui le bonheur, l'abondance, le commerce, la tranquillité, la seureté et enfin toute sorte d'opulence, de félicité et contentement.

Le roi veut que le parlement sorte de Paris, etc. [2762]'.

(11 février 1649.)

Le Roy veut que le Parlement sorte de Paris parcequ'il ne croit pas y pouuoir estre en seureté tant que les factieux de la compagnie y conserueront la puissance qu'ils ont vsurpée.

1 Ce pamphlet n'a de titre ni dans l'édition originale, ni dans la réimpression qui en a été faite à Paris parmi les Diuerses pièces de ce qui s'est passé à Saint-Germain en Laye, etc. [1160]. Il est de Renaudot, au moins à ce que prétend l'auteur de la Conférence secrète du cardinal Mazarin auec le gazetier [742]. Il complète les deux billets colportés par le chevalier de La Valette; et il n'y a pas lieu de douter qu'il n'ait été répandu dans Paris à peu près en même temps et de la même manière.

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Les factieux veulent que le Parlement demeure dans Paris parcequ'ils craignent, s'il alloit ailleurs, que le Roy n'eust plus de facilité de réprimer les attentats qu'ils continuent de faire sur son auctorité; d'autant qu'ils ne pourroient pas alors étouffer les sentimens des bien intentionnez de la compagnie, comme ils font auiourd'huy dans Paris par la crainte qu'ils leur impriment des mouuemens du peuple, s'estant rendus maistres absolus de son esprit par diuers artifices.

Voylà véritablement en quoy consiste tout le différend qui menace la désolation de tant de familles et dont nécessairement s'ensuiura, s'il est poussé aux extrémitez, ou la ruine de Paris, le Roy ayant le dessus, ou le bouleuersement général de la Monarchie, le Parlement deuenant le maistre.

Voilà la question qui est à décider, sçauoir qui, du Roy ou du Parlement, sera obéy en France;

Sçauoir si le peuple de Paris aymera mieux ou fauoriser la désobéyssance d'vn petit nombre de particuliers pour les auoir auec soy, soustenant pour eux vne guerre à ses despens, et s'exposant mesme à mourir de faim; ou bien se ranger en son deuoir et iouyr de la présence du Roy, et de la maison Royale et de toute la Cour, auec vn plein repos et toute sorte de félicité;

Enfin sçauoir s'il est plus iuste que le Roy desloge de sa ville capitale, ou que quelques-vns de ses subiets s'en retirent pour quelque temps, iusques à ce que leur séiour y soit compatible avec celuy du Roy.

Le Parlement reconnoissant combien il se rendroit odieux s'il s'engageoit ouuertement dans vne contestation si extrauagante, vous a donné le change (mes chers Parisiens) et a mis en ieu le Cardinal, dont il n'estoit nul

lement question, vous faisant croire que c'est luy qui vous affame, et que tous ces mouuements cy ne sont excitez que pour son intérest, et par son caprice; mais ne vous apperceuez vous point, pauures abusez, que cette cause là mesme ne seroit pas plus plausible ny meilleure à soustenir que l'autre ?

Ie n'entreprens point icy de deffendre le Cardinal. Supposons mesme que sa conduite ne soit pas bonne, qu'il soit noircy de plus de crimes que ne disent tous nos libelles, qu'il soit vn perfide, vn violent, vn intéressé, qu'il ait fait enuahir le tiers de la France par les Espagnols, que ses seruices soient autant de trahisons; mais en quel endroit de ses Registres le Parlement trouuerat-il qu'il puisse prescrire à son Roy le choix de ses ministres ? Quelles loix du Royaume ou quel vsage lui donnent l'auctorité d'obliger le Souuerain à les esloigner quand ils ne luy sont pas agréables? Quel droit a le Parlement, n'estant institué que pour rendre la iustice aux particuliers, de mettre la main au gouuernement de l'Estat? Sommes-nous en quelque République? Et le Roy n'est-il plus que nostre Doge? S'il faut changer le Ministère, n'est-ce pas à la Reine, conseillée par le Duc d'Orléans et par le Prince de Condé, à le faire, et non pas au Parlement?

Le Roy voyant que le Parlement attaque son authorité et met tout en confusion, luy commande de sortir de Paris. Le Parlement refuse d'obéyr à son maistre et ordonne par vn Arrest que le Cardinal sur qui il n'a aucun pouuoir, sortira du Royaume 1.

Si le Cardinal estoit Ministre du Parlement, il pourroit

Du 8 janvier 1649.

le chasser; mais chasser le domestique d'vn autre, il me semble que la bien-séance, la coustume et la raison veulent que nous nous adressions à son maistre; autrement il est inutile et mesme ridicule de luy donner congé ; et à plus forte raison si ce maistre là est aussi bien le nostre que le sien.

Le Parlement n'enseigne pas fort l'obéyssance. Peut il trouuer à dire que le Cardinal n'exécute pas ses ordres si luy mesme mesprise ceux de son maistre?

Mais tout cecy n'est point le fait dont il s'agit. Que le Cardinal soit dans les affaires ou non, tousiours faudroitil décider quelle des deux authoritez doit préualoir : ou celle du Roy qui a heureusement régi la Monarchie, douze cens ans durant, ou celle que le Parlement a enuahie depuis huit mois et qu'il veut se conseruer auiourd'huy par la prise des armes contre le Souuerain ? Tousiours faudroit il voir si le Duc d'Orléans et le Prince de Condé souffriroient d'estre dégradez et que le Parlement deuenant Roy, diuers marchands, confituriers et artisans, pour appartenir de près à des Officiers de ce Corps là, vinssent à tenir le rang des fils de France et des Princes du Sang.

On nous fait accroire (mes chers compatriotes), que le Roy veut nous exterminer, qu'il veut nous affamer. Il ne veut que ce à quoy nous l'obligerons. Il ordonne au Parlement de sortir de Paris; le Parlement veut y demeurer par vne désobéyssance sans excuse (n'y en ayant aucune légitime quand le maistre commande); et nous sommes si aueuglez que de prendre les armes pour appuyer sa rébellion! quel autre party restoit à prendre au Roy, s'il vouloit se conseruer cette qualité, que de nous réduire tous deux par la faim dans nostre deuoir? Ainsy

ce n'est pas le Roy qui nous affame; c'est nous qui le voulons bien estre. Ce n'est pas le Roy qui nous attaque; c'est nous qui sommes les agresseurs. Si nous obligions le Parlement à sortir de Paris, le Roy nous assure qu'il nous viendroit voir le mesme iour.

Si le Parlement ayme le bien public autant qu'il le veut faire croire, si sa principale visée, comme il proteste, est nostre soulagement et nostre repos, que ne nous en donne-t-il vne preuue, qui luy est si facile? Nostre tranquillité dépend de sa sortie. Nous serons heureux dès qu'il aura obéy. Nous aurions l'abondance de toutes choses et n'entendrions plus parler de gens de guerre ny dans Paris ny aux enuirons. Cependant il veut que nous souffrions; il aime mieux que nous soyons enueloppez dans son chastiment, nous qui n'auons eu aucune part à ses fautes passées. Est-ce là auoir passion pour nostre bien ?

Le Roy nous promet vn oubly général de tous nos excez. S'il nous reste dans l'esprit quelque scrupule là dessus, et que nous ayons peine à croire qu'on ait pour nous tant de bonté après de si grandes fautes, enuoyons nos Escheuins et des Députez des six corps des marchands à S. Germain stipuler toutes nos seuretez. On nous assure qu'elles ne nous seront pas refusées et qu'on n'y désire rien de nous, si ce n'est que nous ne nous meslions pas de l'affaire. Refuserons-nous nostre indifférence à nostre maistre pour qui nous serions plustost obligez de respandre iusqu'à la dernière goutte de nostre sang? Il faut que Dieu veuille bien nostre chastiment puisqu'il ne nous donne pas seulement la force de consentir à nostre bonheur.

Remettons-nous vn peu en mémoire les crieries et le vacarme que le Parlement a fait tout l'Esté et tout l'Au

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