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tins qu'ils font dans les conuois qu'ils détroussent à chaque moment, sont des charmes bien plus puissans, pour attirer et arrester la soldatesque, que le peu d'argent qu'on luy donne icy au iour la iournée.

l'ay remarqué en outre que vraysemblablement le Roy ne manquera pas d'argent. I'en ay veu arriuer estant à la Cour des voitures considérables qu'on disoit estre suyuies d'autres de diuers endroits; à quoy il y a grande apparence; les Prouinces estant comme elles sont, dans le calme; et d'ailleurs le fonds de nos rentes qui ne se payeront plus icy, ne sçauroit luy manquer. l'ay veu aussi que l'argent ne s'employe là qu'aux despenses nécessaires, et encore auec vne grande économie; et icy nous le iettons auec prodigalité pour les superflues. Leurs Princes auancent du leur propre pour soustenir les affaires; et nous ne sçaurions assouuir la conuoitise des nostres; et ce n'est pas merueille puisqu'ils ne se sont iettez auec nous que pour remplir leurs bourses.

Nous despensons cinquante mil francs par iour, croyans d'auoir près de cinq mil cheuaux et douze mil hommes de pied. On trouue bien ce nombre ou à peu près dans les reuues de la Place Royale, où nos généraux font les Rodomons, et veulent tout engloutir; mais à la campagne, il est tousiours diminué des deux tiers.

Voulez-vous sçauoir comment, faisant vne si prodigieuse despence, nous demeurons tousiours foibles et sommes battus partout? C'est parcequ'à Paris nous payons vn soldat quatre fois, et qu'à la campagne quatre soldats ne se battent pas pour vn.

Nous entretenons plus de généraux pour trois ou quatre meschans mil hommes que nous auons, que le Roy ne fait en toutes les armées qu'il est obligé de tenir sur pied.

Il est certain que la despence que nous faisons, tyrannisant le tiers et le quart et prenant l'argent à tort et à trauers, où il se trouue, sans autre forme ny raison que la volonté de nos nouueaux Seigneurs, et cela pour faire vne guerre au légitime Souuerain, il est sans doute, disie, que cette despence suffiroit au Roy pour entretenir toutes les armées de terre et de mer et contraindre les ennemis à faire vne paix glorieuse pour la France.

Comment accordera-t-on ce qu'on nous presche continuellement de l'armée du Roy avec ce qui se passe chaque iour? Nous voyons que cette armée là est nécessairement séparée en diuers quartiers fort esloignez les vns des autres; et cependant ils ne sont pas seulement tous en entière seureté; mais nous ne sçaurions faire sortir toute nostre caualerie de Paris qu'on ne luy coure sus aussitost et qu'on ne l'oblige à la retraite ou à la fuite.

Chacun de leurs quartiers est tousiours prest à combattre toutes nos forces; et on nous veut persuader que le Roy n'a point de troupes! Il faut bien ou que les nostres soient bien foibles, ou qu'elles ne valent rien, ou que nous soyons trahis, ou que les autres soient en plus grand nombre qu'on ne nous veut dire.

Pour les ouuertures des passages, si nous réussissons tousiours comme à Corbeil1 et à Charenton', nous pouuons bien nous recommander à nos magazins du Louure et voir combien de iours encore ils nous empescheront de mourir de faim. Hors de cela, ie ne voy pas grande ressource aux exploits de nos braues combatans. On vient leur enleuer sur la moustache en plein iour vn poste retranché et qu'on auoit incessamment fortifié de'Journée de Juvisy, le 24 janvier. Prise de Charenton, le 8 février.

puis quinze iours, muny de tout iusqu'à quantité de feux d'artifice, et cela à la veue de Paris, et qui plus est, de toutes nos forces, et sans auoir eu que les troupes d'vn de leurs quartiers; et elles ne laissent pas de nous présenter le combat, au mesme temps qu'elles enuoient de l'autre costé à l'assaut; et elles emportent des fortifications défendues par trois mil hommes, que nous auions choisis pour les meilleurs, et qui l'estoient en effet, sans qu'vn seul des nostres ait éuité la mort ou la prison; et tout cela ne peut obliger nos troupes à s'aduancer vn seul pas, ni à quitter le poste qu'elles auoient choisi pour s'enfuyr en seureté dans nos portes.

que

Monsieur et Monsieur le Prince ne manquent iamais à monter à cheual dès que nous sortons. Ils se trouuent en personne à cette exécution; ils y hazardent leurs vies; et nous sommes encore si idiots et si foibles de nous laisser siffler qu'ils sont au désespoir d'estre à SaintGermain, que le Cardinal les a enleuez avec le Roy, qu'ils n'y demeurent que pour empescher la suite des mauuais conseils dudit Cardinal, qu'ils bruslent d'enuie de faire que le Roy satisface le Parlement! Cependant les prières de la Reine, de Madame, de Mademoiselle, de Madame la Princesse, et de toute la Cour ne peuuent obtenir qu'ils n'aillent en personne en tous les lieux où il y a occasion de battre nos troupes; et nous serons si dupes de croire qu'ils n'agissent que molement et contre leur gré!

Pour la ionction des Parlemens, nous laisserons-nous tousiours surprendre à cet artifice grossier dont on nous bufle, lorsqu'on fait aller au Palais et à la Maison de Ville des personnes apostées, comme s'ils estoient députez des autres Parlemens et ayant charge d'eux de pour

suiure l'vnion avec celuy de Paris? On les appelle en présence de beaucoup de monde; on leur fait desgoiser ce qu'il a esté concerté qu'ils diroient; et on sort après auec des exclamations au peuple, comme s'il ne manquoit plus rien à son bonheur, et qu'il dust estre asseuré pleinement de l'heureux accomplissement de tout ce qu'il souhaitte.

l'ay apris bien loin de cela, que le Parlement de Diion a fait vne enqueste curieuse pour trouuer vn séditieux et le faire pendre, qui auoit affiché la nuit aux portes d'vne Église l'Arrest donné icy contre le Cardinal', et que toutes les Compagnies souueraines de Bourgogne ont enuoyé à Saint-Germain protester de leur obéyssance par leurs députez.

Le Parlement de Dauphiné a donné ordre aux siens de dire au Roy qu'il déteste la conduite de celuy de Paris et qu'il mourra pour son seruice, s'il est nécessaire.

Le Parlement de Bourdeaux auoit résolu d'enuoyer cachetée à la Reyne la Lettre de celuy de Paris' si elle luy eust esté présentée.

Il n'y a rien de si faux que l'Arrest imprimé et publié dans Paris comme donné par le Parlement de Bretagne contre le Cardinal3. On y deuoit plustost publier

'C'est apparemment d'après cette pièce que Mailly raconte la même anecdote. En tout cas, il est certain qu'il se trompe quand il la met sur le compte du Courrier de la Cour, etc. [821].

2 Lettre de la cour de parlement de Paris envoyée aux parlemens, etc. [1936]. 3 Arrêt de la cour de parlement de Rennes en Bretagne contre le nommé Iules Mazarin, etc. [345], « Ce iour, dit le Journal du Parlement, sous la date du 7 février, les colporteurs ayant vendu par Paris vn arrêt du parlement de Bretagne contre le cardinal Mazarin, et ledit arrêt s'estant trouué faux, les exemplaires en furent saisis et déchirés, auec défense de les plus exposer. >>

les deffences très-expresses qu'il a faites de leuer des gens de guerre dans la Prouince, autrement que sur les Commissions du Roy, qu'il a en mesme temps enuoyé asseurer de sa parfaite obéyssance. Cependant la plus véritable conséquence qu'on puisse tirer à mon aduis de cette supposition d'Arrest, aussi bien que de l'autre qu'on fait de faux députez des autres Parlemens, c'est qu'il faut que nos affaires soient bien désespérées puisqu'elles ne sont appuyées que sur de si foibles fondemens, et que nostre cause soit bien mauuaise puisqu'elle a besoin d'estre soustenue par tant de faussetez et d'artifices.

Le tumulte arriué à Aix pour vn soufflet donné au laquais d'vn Conseiller a esté aussitost appaisé qu'esmeu' et semble mesme n'estre arriué que pour vn plus prompt accommodement de l'affaire des deux Sémestres, afin de faire cesser non-seulement le désordre, mais toute occasion de brouillerie à l'aduenir. Cependant le Parlement a enuoyé vn courrier extraordinaire au Roy pour l'asseurer de son entière obéyssance.

Le Parlement de Thoulouze a fait dire et escrit au Roy qu'il maintiendroit tout le Languedoc dans vn plein calme et qu'il donneroit en cette occurrence des preuues d'vne fidélité inuiolable.

Il n'y a eu que Rouen seul que les cabales du Duc de Longueuille ont porté à nous imiter; mais quel secours pouuons-nous en attendre? Croirons-nous que Rouen seul puisse plus à trente lieues, pour forcer les quartiers du Roy, que Paris qui n'en est qu'à vne heure de che

1 Lettre d'vn conseiller au parlement de Prouence, etc. [1859]; Relation véritable de ce qui s'est fait et passé dans la ville d'Aix en Prouence, etc1 [3202].

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