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Car puisque le mal dont vous vous plaignez, dure, vostre dire, il y a quarante ans, et que le Parlement ne s'est souleué que depuis huit mois, la cause de cet armement en doit estre attribuée au Parlement et non pas à ce mal inuétéré, qui n'a pas toutefois empesché pendant ces cinq années dernières que la France ait triomphé de ses ennemis, ce qu'elle n'a cessé de faire que depuis vostre soulèuement, que vous appellerez comme il vous plaira.

Les charges, dites vous, estoient insupportables et les finances mal ménagées; le Cardinal premier Ministre gastoit tout. Ces plaintes sont aussi vieilles que cette Monarchie; les régences particulièrement n'ayant iamais esté exemptes de calomnies. Sans recourir aux exemples éloignez de nostre mémoire et de celle de nos pères, Catherine de Médicis, l'vne des plus sages et vertueuses Princesses de son âge, n'auoit elle pas, au dire des factieux de son temps, fait mourir ses enfans l'vn après l'autre, pour estre tousiours régente? La défunte Reine Mère, aussi grandement vertueuse, n'a-t-elle pas esté si publiquement blasmée de n'auoir pas assez soigneusement recherché les autheurs de la mort de Henri le Grand, son époux, qu'il lui fallut souffrir dans les articles de la Conférence de Loudun que le parti contraire employast qu'on feroit la recherche des autheurs de cet assassinat ?

L'Arrest que vous prétendez auoir donné sans exploit ny aucune forme de iustice, depuis vostre interdiction, contre ce Cardinal', monstre assez que vostre haine vous rend incapables de connoistre de ce qui le concerne.

'Arrêt de la cour de parlement donné........ le huitième iour de ianuier 1649, par lequel il est ordonné que le cardinal Mazarin vuidera le royaume, etc.

C'est pourquoy ceux qui voudroient parler en sa faueur, ce que ie ne prétends pas ici, deuroient choisir des iuges moins passionnez. Mais il y aura bien peu de candeur en ceux qui ne confesseront pas que c'est par sa trop grande douceur qu'il est auiourd'huy persécuté. Aussi ne vous plaignez vous pas moins des autres que de luy; mais la différence est que vous le craignez moins que vous ne faisiez son prédécesseur, qui a bien fait voir par les resnes qu'il vous tenoit hautes, qu'il vous connoissoit mieux que luy qui vous les a tant relaschées.

Il est vray que la charge des imposts a esté grande; mais elle ne pouuoit guères estre moindre en vn Estat qui soustenoit seul la principale dépense que luy et tous ses alliez ont faite en vne guerre de quatorze ans contre l'Empereur, le Roy d'Espagne et tous leurs Confédérez, auec les prodigieux succez que tout le monde admire, qui méritoient d'autres complimens des François qui en ont remporté l'honneur, que des factions qui ont obligé leur Roy victorieux de ses ennemis à sortir de nuit de sa ville capitale pour le iuste soupçon qu'il auoit des siens : ce que la postérité aura de la peine à croire, et rougira pour ceux à qui cette ingratitude ne fera point aujourd'huy de honte.

Et toutefois depuis la Régence, les tailles ont été diminuées de quinze millions, outre les trente-cinq autres millions dont le peuple fut déchargé, l'année passée : ce qui n'a pas empesché qu'on n'ait remué Ciel et terre contre la Reyne pour la rendre par là odieuse. Et quant à ceux qui ont manié ces finances, ie ne prétends pas non plus parler à leur iustification. Il y a trop d'auersion contr'eux par ceux mesmes qui ne les connoissent non le e paysan faisoit Aristides qu'il bannissoit. Seu

plus que

lement vous remarqueray ie que ceux qu'on a détesté en vn temps, sont souuent tenus pour des Saints en vn autre. Tant nostre humeur est volage! ce qui n'empesche pas que le pauure peuple ne pâtisse tousiours de ces iugemens téméraires.

Toutes ces raisons cessant, qu'vn esprit non passionné iugera possible dignes de quelque considération, voyons, comme dit Bodin en sa République, parlant des changemens qu'on fait en vn Estat, si le vieil édifice de nostre Monarchie ne receuroit point plus de dommage par l'ébranlement qu'on luy apporteroit en l'application de nouueaux matériaux, que d'affermissement par ce changement là veu que nous sçauons bien ce que nous voulons quitter, mais non pas ce qui luy succédera. Et si la fin participe de ses moyens, iugeons par la comparaison du gouuernement que le Parlement de Paris impugne, et de celuy qu'il exerce à présent, auquel des deux il vaudroit mieux se ranger.

Il se plaint des grandes charges du peuple et des profusions des sommes qui ont esté employées à la solde de plus de cent mille hommes de guerre, qui ont si glorieusement combattu pour la dignité de cette Couronne; et cependant ils ont pour faire la guerre au Roy, plus despensé d'argent en deux mois que sa Maiesté ne faisoit en six contre les ennemis déclarez de la France.

Ils ont voulu réduire le Roy à ne retenir point, sans l'interroger, plus de vingt-quatre heures vn prisonnier d'Estat1; et ils ont en ce temps rempli la seule Bastille de plus d'accusez (dont la pluspart n'en sçauent pas encore le suiet) qu'il n'y en a eu durant les six années qu'a duré la Régence.

1 Par la déclaration du 22 octobre 1648.

Ils ont blasmé les partisans d'auoir ruiné les affaires du Roy; et eux ont rafflé toutes ses tailles' qui deuoient entrer en son espargne, et tous les autres deniers publics, iusques à auoir vendu le sel des greniers de sa Maiesté à la moitié de son prix, sans auoir oublié l'argent de plusieurs particuliers sur lequel ils ont pu mettre la main, qu'ils ont confisqué sans forme de iustice.

Ils se sont plaints qu'on leur ostoit leur liberté ; et ils ont tenu iusques aux Ambassadeurs et aux Euesques prisonniers dans leur Ville.

Mais possible que leur gouuernement, que Dieu nous réserue après que les troupes de Paris et celles que luy promettent les Princes et les Seigneurs mal-contans, auront dissipé toutes les armées du Roy, sera plus doux lorsqu'ils seront venus à bout de leurs desseins. Pour en iuger, voyons quels ils sont.

'ils ne

ne peu

Sans s'arrester à ce qu'ils en ont publié dans leurs écrits, notamment dans celui qui est intitulé: Le Contract de mariage du Parlement auec la Ville de Paris', qui ne se peut lire sans l'indignation de tous les gens de bien, le premier de ces desseins qu'ils uent désauouer, puisque c'est la principale question qui les arreste auiourd'huy, nous fera connoistre le reste. Ils veulent donner des Ministres au Roy, changeans ceux qui ne sont pas à leur gré; qui seroit proprement estre les maistres et les Directeurs du Conseil du Roy et de la personne du Roy mesme (comme il a paru en ce qu'ils ont osé appeller enlèuement sa sortie de Paris sans leur

'Arrêt de la cour de parlement portant que tous les deniers publics.... seront saisis et mis ès coffres de l'hôtel de ville [227]. On peut voir encore les Arrêts concernant les deniers des recettes générales de l'Auvergne et de Rheims [238 et 239].

8 Voyez page 39.

congé) puis qu'il ne se feroit rien dans la Cour que par leurs ordres et par ceux de leurs créatures. Iugez où les affaires d'Estat en seroyent réduites, comment le secret seroit obserué entre trois cens curateurs du Roy, ausquels vn beaucoup plus grand nombre des autres Parlemens et Cours Souueraines auroit mesme pouuoir qu'eux de s'adioindre.

de

Qui nous cautionnera que ces Éphores, non au nombre de sept comme à Lacédémone, mais de plus de sept fois septante, pourroyent conuenir entr'eux du choix de ces ministres et demeurer d'accord du reste? A faute quoy, combien de mouuemens et de guerres ciuiles nous causeroient leurs différens auis et intérêts de tant de diuerses familles? Y auroit-il assez de finance en l'espargne pour contenter leur auidité, assez de charges et d'honneurs pour satisfaire à leur ambition? Car de se feindre vne République où les hommes fussent sans ces passions et sans toutes les autres, elle ne se trouueroit pas mesmes chez Platon.

Et quand ils seroient tombez d'accord de mettre d'autres Ministres et d'autres Officiers de la Couronne à leur déuotion, qui nous asseurera qu'ils feront mieux que les autres? Ne voyez-vous pas que sans parler des guerres perpétuelles auxquelles donneroit lieu le iuste intérêt de nos Princes, tant qu'ils eussent exterminé, comme ils feroient vray semblablement, tous ces Ixions, nous ne serions pas plus auancez que le premier iour? Pourquoy donc trauailler ainsy enuain et pour obtenir vne chose non seulement incertaine, mais qui nous plongeroit en de plus grands maux et moins rémédiables qu'à présent?

Ceux qui recherchent de plus loing les causes de nós

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