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accepté la Régence. Ainsi, Madame, s'ils sont rebelles, vous auez raison; mais s'ils ne sont point rebelles, mais au contraire fidèles Suiets et seruiteurs, il faut que vostre Maiesté aduoue qu'elle est homicide de tant d'âmes qui périssent, et responsable à la Iustice de Dieu et à celle du Roy, de toutes les cruautez, les vols, les viols et les sacrilèges qui ont été exercez et qui continuent sous vostre authorité. Ainsi toute la difficulté consiste à sçauoir s'ils sont rebelles ou obéyssans; ce qui ne se peut mieux cognoistre qu'en examinant ce que c'est que Rebellion et quels sont ses effets.

On appelle Rebellion vne désobéyssance des Subiets aux loix et aux ordonnances iustes et légitimes de leur Souuerain; Vn soulèuement des peuples contre leur prince, qui, à main armée, attentent à sa personne sacrée ou troublent le repos de son Estat, qui se cantonnent dans les Prouinces pour y establir vne république, qui appellent l'Estranger à leur secours en se mettant sous sa protection, ou luy liurent entre les mains les Villes et les Prouinces, en le reconnoissant pour leur Roy au préiudice de celuy que Dieu leur a donné, et auquel ils sont tenus d'obéyr. On appelle Rebellion lorsqu'on ferme les portes de la Ville à son Roy, qu'on le chasse de son Palais, qu'on le poursuit à main armée, qu'on se laisse corrompre par l'Estranger, et esleuant ses enseignes au milieu du peuple, on emploie vie et biens pour son seruice.

Voylà, Madame, le Tableau au naturel de la Rebellion; voylà sa naïfue peinture avec ses véritables couleurs. Que vostre Maiesté maintenant les considère I'vne après l'autre, et auec la force de cet esprit dont elle a coustume d'vser au iugement des choses de cette

importance, elle voye s'il y en a quelqu'vne dont elle puisse faire reproche au Parlement ny aux Parisiens. Où sont les loix et les ordonnances dont ils se sont rendus réfractaires? Au contraire, on les veut faire criminels de ce qu'ils en demandent l'exécution pour l'honneur et le bien du Roy et celuy de tous ses Suiets.

Quel attentat ont ils commis contre la personne sacrée du Roy? Ont ils de l'auersion pour ce Prince si parfait et de corps et d'esprit? Ils le demandent auec soupirs. L'ont ils chassé de son Palais? Ils se plaignent de son enlèuement. Ont ils refusé de contribuer aux nécessitez de la guerre? Ils se sont espuisez et réduits à la besace pour y subuenir. Ont ils fait des ligues pour perdre l'Estat? Ils ne font que des remontrances pour sa conseruation contre ceux qui le ruinent. Enfin se sont ils armez pour l'Estranger? Luy ont ils fourny à soubs main des hommes, de l'argent ou des viures? L'ont ils appellé à leur secours? Se sont ils donnez à luy? A présent qu'on les poursuit, qu'on les persécute, qu'on les traitte auec plus de cruauté que ne feroit pas le Turc, s'il estoit aux portes de Paris, l'appellent ils? Se donnent ils à luy? Et parmy les Courriers qu'on a arrestez, a-t-on intercepté des lettres que le Parlement ait escrites en Espagne, en Flandres, en Hollande ou en Angleterre, afin d'auoir des forces pour sa protection?

Les Parisiens ont ils faict comme les Catalans? Ont ils renoncé à la domination de France pour se mettre sous celle d'Espagne, et en auoir vn viceroy? A-t-on veu Paris, pour vne imposition de néant, remply de sang et de carnage comme Naples? Et à son imitation tuer, massacrer et chasser tous les fidèles seruiteurs du Roy comme ont fait les Neapolitains? Ie ne parle point de

la furie enragée des Anglois qui, par vn exécrable régicide, ont fait vn Original effroyable à la postérité sur lequel les plus détestables rebelles puissent tirer des copies.

Qu'ont ils donc fait qui les fasse rebelles? et qui mérite le sacrifice de toutes les vies iusqu'à celles des enfans? qui oblige vostre Maiesté d'attirer les forces des places frontières et de prouoquer iusques aux enfers, afin de causer le sac de cette Ville incomparable, l'abrégé du monde et les merueilles de l'Vniuers? Depuis vingt-cinq ans, ils sont, auec le reste de l'Estat, chargez et surchargez de toute sorte de subsides. Il n'y a point eu d'années qu'on n'ait fait de nouuelles impositions. On a multiplié les Officiers sans nombre. Il n'a pas esté iusqu'aux boues dont on n'ayt trouué l'inuention de tirer de l'or et de l'argent'. Les Noms ont plustost manqué au prétexte des leuées à ceux qui les imposoient, que le payement. Parmy tous les fardeaux insupportables à d'autres espaules qu'à celles des François, on a tousiours patienté auec douceur; on s'est laissé non pas tondre, mais escorcher. L'exemple des Estrangers n'a iamais fait d'impression dans les cœurs contre le deuoir de vrais Chrestiens et de fidèles Suiets. On s'est laissé ouurir les veines et espuiser le sang sans dire mot; et comme on est venu iusqu'à l'extrémité et à la défaillance, qu'at-on encore fait ? on a pleuré, on a gémy, on a prié, on a supplié, on a eu recours à votre Maiesté auec des humiliations plus profondes que l'on n'en tesmoigne pas à Dieu, et auec des gémissemens de cœur plus amers que

1 On avait créé une taxe pour l'enlèvement des boues de Paris, et on avait mis cette taxe en parti. Le chancelier Séguier était accusé d'avoir un intérêt dans le parti des boues.

ceux que l'on demande pour le Sacrement de Pénitence. Enfin le cœur de vostre Maiesté, Madame, qui est de ceux que Dieu demande pour soy dans l'Escriture, c'est à dire de chair, non pas de bronze ou de diamant, en a esté touché. Les larmes publiques ont esté accompagnées des vostres. Vos souspirs, par vn Écho sacré, ont respondu à ceux de tout le peuple. Vostre Maiesté a fait tout ce qu'elle pouuoit pour le soulagement des misérables dans la conioncture pressante des affaires; elle a fait vne Déclaration qui portoit quelque relasche à tant de soufrances 1. On l'a receue comme venant de la main de Dieu; on en a fait des feux de ioye et chanté des Te Deum d'actions de grâces. Mais en mesme temps, ô malheur! ceux qui abusent du Nom du Roy et de vostre authorité, ont changé nos ioyes en larmes et nos cantiques en gémissemens. La première Déclaration étoit encore moitte de l'impression qu'on en a vue une seconde qui réduisoit les choses en pire estat qu'elles n'estoient auparauant, qui remettant les Tailles en party, remettoit le peuple sous la barbarie des Partisans, qui renouuellant les prests auec vne nouuelle méthode, establissoit vne nouuelle sorte d'vsure, infâme et tyrannique, innouye iusqu'à présent, contraire à l'Éuangile, à l'vsage de l'Église et à ses Canons, et pour vne saignée du bras que l'on faisoit auparauant au peuple, donnoit la liberté à ces voleurs publics de leur couper auec impunité la veine iugulaire.

Ah! Madame, ah! Madame, que ie dirois de grandes choses à vostre Maiesté, si i'osois rappeler le passé sans crainte de luy blesser le cœur! Qu'il y a longtemps que

'La déclaration du 22 octobre 1648.

les François auroient eu iuste suiet de se sousleuer et qu'ils l'auroient pu, ne manquant point de cœur ny de forces pour se maintenir, s'ils estoient Machiauélistes, et pour dire tout, s'ils estoient Italiens et non point François. Ie demanderois à vostre Maiesté quels sentimens elle auoit de l'estat des peuples sous la régence du cardinal de Richelieu, du viuant du feu Roy. Ie la supplierois de rappeler sa mémoire pour se souuenir combien de fois elle en a pleuré; et iugeant des misères dont le peuple estoit opprimé, par ce qu'elle soufroit en sa personne propre, n'estimoit elle pas la condition des François plus dure et moins supportable que celle des esclaues? Et néanmoins, Madame, i'ose dire à vostre Maiesté, que ce n'estoit que l'ombre de ce dont la réalité fait en nos iours horreur au Ciel et à la terre; et ce qui est plus estrange, durant la régence d'vne Princesse, de vertu incomparable, comme tout le monde reconnoist et admire vostre Maiesté. On ne voyoit pas pour lors, comme on fait à présent, les gens de guerre, destinez pour la défense de l'Estat contre les ennemis, employez pour estre les Sergens des Partisans, afin de piller et ruiner le peuple. Nous n'auions iamais appris en France qu'il falloit des fuzilliers pour leuer la taille. Cette race maudite est trop exécrable pour auoir son inuention parmy les peuples qui se disent Chrestiens. On les a veus oster le pain aux mères et le laict aux enfans; rauir les brebis et laisser les aigneaux dans la neige; renfermer les troupeaux dans les estables sans souffrir qu'on leur donnast à manger, afin qu'ils y périssent de faim. On les a veus auec blasphesmes prendre les Prestres à la barbe, battre, blesser, tuer, brusler, sans qu'on ait osé se plaindre, à cause de la protection qu'ils auoient au

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