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D'orgies et de Saturnales.

Il sçauoit bien que parmy nous
On y voit tel nombre de fous
De tous sexes et de tous âges,
Qu'on n'y voit presque point de Sages,
Et qu'on ne consentiroit point
Qu'il perdist de son embonpoint;
Mais vn Cardinal, faux Apostre,
Le iour des Roys, fit que le nostre
Deuant le iour prit le chemin
De la Ville de Saint Germain.
Cette nouuelle inopinée,
Dans vne fameuse iournée,
Surprit le Noble et le Bourgeois
Et mesmes iusqu'au Villageois;
Sur tout le Parlement Auguste
Qui rien ne pense que de iuste,
Dans l'enlèuement de son Roy,
N'estant pas capable d'effroy,
En sentit pourtant quelqu'attainte;
Car la prudence est vne crainte,
Mais qui se tempère aisément
Par les règles du iugement.

Ce corps, tout composé de testes,
Auoit bien prévu les tempestes
Qui se formoient depuis six mois,
Auant cette veille des Roys,
Par les opinions sinistres

De ceux qu'on appelle ministres,
Dont le chef est le Cardinal,
Fort mal voulu du Carnaual.

Pour reuenir donc à mon conte,

Plein de colère et plein de honte,
Ce grand Dieu des Plats et des Pots
Débuta

par ces beaux

propos :

Quoy, dans Paris, la bonne Ville,
Où i'ay compté plus de cent mille
Qui n'aimoient rien que les Festins,
Qui dansoient comme des Lutins,
Qui se piquoient de Sérénades,
De Momons et de Mascarades,
Et qui chantoient tant de chansons
Dans la rue et dans les maisons;
Dans ce Paris où les délices
Se trouuent dans tous exercices,
Où les Drilles et les Filoux,
Le soir après qu'ils étoient soux
De vin, de tabac et de bierre,
L'vn deuant, l'autre derrière,
Surprenoient le Bourgeois craintif
Qui se retiroit tout plaintif,

Que son manteau, l'honneur des Gaules,
Ne fust plus dessus ses épaules;
Dans Paris où les cabarets

Sont partout voisins de si prez;
Paris où l'on voit tant de Garces,

De bouffons, de ioueurs de farces,
Où l'on voyoit l'Oruiétan1
Faire si bien le Capitan,

Les deux Triuelins, les machines,
Et mille nouueautez badines;
Dans Paris où les fils gaillards,
En despit des Pères vieillards,
Menoient la vie détestable
Qui fait sauter du lit à table
Couuerte de nape ou tapis,

Pour manger, ou pour faire pis;

1 Charlatan fameux dont les pamphlétaires ont quelquefois emprunté le nom. Voyez le Dialogue de Iodelet et de l'Oruiétan, etc. [1080], et les Sanglots de l'Oruiétan, etc. [3584].

Car c'est pis quand les testes foles
Perdent des monceaux de Pistoles,
Quand trois dez sortant du cornet
Mettent tous leurs coffres à net;
Dans ce Paris nul ne s'appreste
A chommer dignement ma feste,

Et

personne ne songe à moy Depuis qu'on enleua le Roy.

Tout le monde est dans l'humeur sombre.
On voit des soudrilles sans nombre,

Qui furent iadis mes supposts;
Eux qui vuidoient si bien les pots,
Ils les remplissent de leurs testes,
De peur de certaines tempestes,
Qui grondent voirement dans l'air,
Mais qui se forment dans le fer,
Dans l'airain et autres matières,
Qui font bossus les cimetières.
Plusieurs voudroient continuer
Le plaisir qu'ils ont à iouer,

Et se chauffant aux corps-de-gardes,
Engageroient plustost leurs hardes;
Mais tousiours quelque Qui va là?
D'où vient cecy? D'où vient cela?
Et quelque nouuelle impréuue
Partout à l'instant répandue
Leur fait perdre tout le plaisir
Qu'en paix ils prenoient à loisir.
L'vn iure que Monsieur le Prince
Mène le Roy dans sa Prouince;
Et l'autre dit qu'en peu de temps
Il entrera dans Orléans.
L'autre, que le Duc de Lorraine
Et le Mareschal de Turenne
Se sont desià mis en chemin

1

Pour Paris ou pour Sainct-Germain;
Vn autre de meilleure grâce
Vient s'informer en quelle place
Il pourra trouuer à bon prix

Π

Des pains qui ne soient pas petits,
Et dit qu'il a veu de charrettes
Plus de deux mille toutes prestes
Pour vn conuoy de Longiumeau,
D'Estampes ou de Palaiseau;
Vn autre parle des rauages
Que l'Ennemy fait aux passages,
Au Bourg la Reyne, à Meudon1;
Mais ils plaignent tous Charenton2,
Protestent qu'en cette occurrence
Paris manqua de diligence
Et qu'il eust bien pu secourir
Tant de gens qu'il laissa mourir,
Puisqu'il fust sorti de la ville
De Bourgeois plus de trente mille;
Mais vn autre qui est plus fin,

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etc.

Harangue à la Reine par messieurs les curés des bourgs de Sceaux, [1539]; le Départ des Allemands et des Polonois du chateau de Meudon [1003].

2 La prise de Charenton est du 8 février.

S'en allast droit à Saint-Denis,
Où restoit fort peu d'ennemis.
Vn bourgeois tout plein de courage
Dit que s'il sort, il fera rage,
Et qu'il ne craint point le trespas
Plus que le reste des soldats.
On entend iusqu'aux harangères,
De teste et de langue légères,
Qui disent : « le sommes perdus ;
Commère, ie sommes vendus.
Mais laissons là la populace
Qui sans suiet crie et menace,
Et qui iaze indiscrètement
De la Cour et du Parlement,
En faisant tous les politiques

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Dans la place et dans les boutiques.
Pestons contre cet Animal

Qu'on appelle le Cardinal.

Est-il possible qu'vn infame

Qui sert d'homme et seruit de femme,
Pratiquant en ses ieunes ans

L'Amour qui ne fait point d'enfans,
Cet homme qui fait des despences
En pommades et en essences
Plus que n'en faisoient autresfois
Pour leur maison force grands Roys,
Que celuy qui monstre à la France
Des ragousts de resiouyssance,
Que le berlandier si fameux,
Qui sans le ieu n'estoit qu'vn gueux,
Cet homme qui tient à grand gloire
Et croit estre bien dans l'histoire

Pour auoir esté le Parrain

Du hoc appelé Mazarin,

Qui laissant périr nos armées,

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