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hommes qu'on nomme d'affaires, pour voler auec impunité et en bonne conscience si leur semble, et le Roy et ses subiects. C'est sous ce beau prétexte que leurs maisons sont cimentées du sang des peuples, que leurs ameublemens sont composés des larmes des veufues et qu'ils portent sans rougir iusqu'au pied de l'autel et à la Table de Iésus Christ la pourpre et le luxe tirés de la substance des orphelins et des misérables. Or pour vous releuer de cet estonnement et les désabuser, il faut obseruer que dans le fait ce n'est pas le nom qui fait le crime, mais la chose qui est exprimée par ce nom; ie veux dire que ce n'est pas le terme de Parti ou de Partisan qui est odieux et à détester; c'est ce qui nous est signifié par iceux.

D. C'est ce qu'il y a longtemps que ie désire de sçauoir et que ie vous prie de m'enseigner.

R. Les noms, comme vous sçauez, n'ont point de signification que celle que les hommes leur donnent ou qui prend cours dans la suite des temps. Ainsi ces mots de PARTI et de PARTISAN, comme ces autres de TRAITÉ et de TRAITANT, qui disent la mesme chose, ne disent rien de soy de mauuais, et sont indifférens pour estre appliqués en bien ou en mal; de manière que tous les Marchands qui viuent de leur trafic et en gens de bien, peuuent estre appelés traitans, et toutes leurs ventes et achapts des traitez; mais ie prends ces mots selon le cours commun qu'ils ont en France depuis quelques années où l'on appelle TRAITANS OU PARTISANS vne secte de personnes qui composent auec le Roy de certaines sommes liquides que la nécessité des temps l'oblige de leuer sur ses peuples, à beaucoup moins qu'elles ne se montent comme au quint ou au quart près; et les contrats et

actes par lesquels ils stipulent, c'est ce qu'on nomme

TRAITEZ OU PARTIS.

D. Et qu'y a-t-il en tout cela qui ne soit iuste et honorable?

R. Vous le conceurez plus facilement si nous en exposons le fait, suiuant la méthode des Iurisconsultes quand il s'agit de quelque résolution. Supposons donc par exemple que pour les nécessitez de la guerre et l'entretien des armées il aye fallu imposer et leuer sur le peuple douze millions de liures que l'on a distribuées partie en augmentation de tailles, partie en taxes sur les officiers, et partie en création de nouueaux offices. Pour leuer cette somme, on traitte auec des personnes qui s'en chargent moyennant neuf millions qu'ils fournissent au Roy, ou peut estre moins, le reste leur reuenant bon pour leurs peines. Ie dis en ce cas que ces personnes offensent Dieu mortellement, qu'elles volent ce quart au Roy et à l'Estat, qu'elles sont obligées de le restituer; et il n'y a personne qui les en puisse dispenser.

D. Mais ils font des auances et rendent l'argent plus promptement et plus prest au besoin.

R. Il n'importe, parceque, si tout chrestien est obligé d'assister son prochain gratuitement, lorsqu'il est nécessité, principalement s'il le peut faire sans aucune perte, il y a bien plus d'obligation d'assister le Roy qui est le père et le protecteur du peuple, et pour les nécessitez de l'Estat ; et si l'on ne peut pas auancer quelque chose laquelle reuient tousiours, comment est ce qu'on contribueroit de sa bourse aux despenses nécessaires pour le bien du public? Ioinct que, comme tous les intérests des particuliers sont essentiellement engagés dans ceux du général, tous ces traitans ou partisans qui font partie du

corps

de l'Estat, sont obligez d'y contribuer; ce qu'ils ne peuuent moins faire que par l'avance des sommes qui leur reuiennent auec le temps.

D. Si cela est ainsi que vous dites, les trésoriers de l'espargne et autres ne sont pas sans défaut puisque leurs plus grands profits viennent des auances qu'ils font, et des grosses remises qui leur sont faites; ce qui met le prix de leurs charges à des sommes immenses au delà des gages qui leur sont attribuez.

R. Il n'y a point de difficulté en cela. Leur condition dans ces occasions n'est point différente d'auec celle des partisans dont ils peuuent porter le nom puisqu'ils en font l'office.

D. Mais les vns et les autres ne prennent point ces grosses sommes dans leur bourse. Il les empruntent du tiers et du quart dont ils payent l'intérest; ce qui n'est pas raisonnable qu'ils fassent à leurs despens.

R. A cela ie responds deux choses : Premièrement que les obligations de ces particuliers qui leur prestent auec intérest, sont usurières et par ainsi suiettes à restitution; en second lieu qu'il y a bien de la différence de prendre de l'argent d'autruy à cinq ou six pour cent, afin d'auancer au Roy pour après le reprendre sur soy mesme, et cependant en retenir par ses mains et en prendre quinze, dix-huit ou vingt pour cent; et c'est pour ce suiet que tous ces Partisans ou Trézoriers sont punissables puisque, faisant auance du bien d'autruy, ils en prennent plus du Roy qu'ils n'en donnent pas aux particuliers; ce qu'on ne sçauroit désauouer estre vn vol public, punissable par toutes les Lois diuines et humaines, si l'on ne veut renoncer non seulement au Christianisme mais au sens commun.

D. Depuis quelques années, on a inuenté une nouuelle sorte d'imposition sous le nom d'Aisez et sous Aisez, qui a fait beaucoup de bruit et dont plusieurs se plaignent et à mon iugement anec raison. Ie vous prie de m'en dire le vostre.

que

R. A cela ie ne sçay que vous respondre. Le cœur me saigne quand i'y pense. Cette inuention n'est pas des hommes. Elle ne peut estre sortie de l'Enfer pour la ruine uniuerselle de l'Estat en général et de chacun en particulier; qui met les François dans vne condition plus rude qu'ils ne seroient pas sous la domination du Turc et par laquelle il n'y a personne dans le Royaume, de quelque condition qu'il soit, qui puisse s'asseurer d'auoir vn teston en propre et dont il puisse faire estat. D. Ie vous prie de me l'expliquer plus clairement.

R. C'est que sous la domination du Turc les taxes sont arrestées et publiques, où chacun sçait ce qu'il doit par teste, après quoi il possède son bien en repos et tranquillité. Au lieu que si outre les Tailles et mille impositions qui sont sur les denrées, que l'on rend infinies par des augmentations si estranges que les peuples succombent sous le faix; si, dis ie, outre cela il est permis à vn Ministre ou à vn Fauory qui abusera de l'authorité du Prince, de taxer les particuliers quand bon lui semblera, et à telles sommes qu'il lui plaira, sous prétexte qu'ils sont accommodez dans leur condition, et les contraindre de payer ou de gré ou de force, qui ne voit que c'est mettre tout le bien des particuliers au pillage de ces insatiables et qui ne diront iamais : C'est assez, encore qu'ils ne trouuent plus rien à prendre. Il y a encore vn autre mal dans cette maudite inuention. C'est la méthode que l'on a tenue pour ces leuées; car ie ne diray

en ceci que ce dont ie suis témoin : qu'ayant fait signifier des taxes d'Aisez, ceux auxquels la signification estoit faite, ayant recours aux Partisans à Paris ou à leurs sous Traitans ou Commis dans les prouinces, en estoient facilement dispensés, en donnant à sous main le quart ou le tiers de leur taxe; au lieu desquels on en substituoit d'autres. Si bien que c'estoit vne porte ouuerte à vn brigandage public; et pour vn million, par exemple, de traité qui en venoit au Roy ou, pour mieux dire, à ses Fauoris, il s'en leuoit quatre ou cinq sur le pauure peuple. Iugez si en ce cas la condition des François qui se disent libres pardessus toutes les nations du monde, pas plus malheureuse que celle de ceux que nous appelons esclaues sous l'Empire du Turc!

n'est

Remerciment des Imprimeurs à Monseigneur le Cardinal Mazarin [3280] '.

(4 mars 1649.)

Monseigneur, nous ne serions pas dignes de nostre bonne fortune, si nous tardions dauantage à vous en remercier, auec tous les témoignages d'vne très-sensible obligation. Nous ne pouuons souffrir que tout le monde se plaigne de vostre Éminence, et que personne ne s'en louë. Vos bien-faits sont trop visibles pour les dissimuler; et nous les receuons dans vn temps qui les rend encor plus considérables, et qui confond la calomnie de tous

1 Ce pamphlet n'est cité qu'en passant par Naudé. Il méritait mieux,

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