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Et besoin est que ie m'explique
Selon l'air de la voix publique.
Pourquoy vous traitterois-ie mal?
Vous êtes vn grand Cardinal,
Vn homme de haute entreprise,
Vingt fois Abbé, Prince d'Eglise,
Quoy que ne soyez in sacris,
N'ayant Ordres donnez ny pris,
Et n'ayant point de Caractère,
Non plus que l'art du Ministère.
Il est vray qu'en ce dernier point,
Cher Iules, vous ne sçauez point› ‹
La science ny la pratique
Du gouuernement Politique.
Ie vous en parle franchement;
Et chacun dit communément
Que si, par le conseil d'vn autre,
Loin de faire suiure le vostre,
Vous vous fussiez pû contenter
D'obéyr et d'exécuter,

Vous auriez tousiours fait merueille,

Tesmoin l'action non pareille
Que vous fistes près de Cazal.
On n'a iamais rien fait d'égal.
Il faut que tout chacun l'auoue
Et qu'en passant ie vous en loue.
Sans contredit, ce coup fut beau;
Mais ce fut vn coup de chapeau.
Depuis, sans se faire de feste,
Il falloit faire vn coup de Teste,
Ou fuir les degrez les plus hauts
Peur de faire voir vos défauts;
Pour le moins, si ce vous fut force
De prendre à cette douce amorce,
I'entends, l'honneur de dominer,

Il s'y falloit mieux gouuerner.
Il falloit estre fauorable,

Doux, humain, visible, traictable,
N'auoir aucune passion,
Abolir la proscription,

Ne causer la mort à personne,
(Pour le moins à la Barillonne1).
Ce n'est pas tout que s'esleuer;
L'esprit est à se conseruer.

Vous connoissez bien quelles peines

Vous font Pierr'Encise et Vincennes".

Vous en connoissez le hazard;

Mais, Iules, c'est vn peu trop tard.
Il faut, maintenant, faire gille,
Vous en retourner en Sicile,
Et, soit auiourd'huy, soit demain,
Fuir, pour iamais, de S. Germain.
Il ne faut point que l'on diffère.
Cet Arrest, ou doux ou séuère,
Est tout prest à s'exécuter.

Et, si vous ne voulez vous haster,

le crains bien fort, que chez vos niepces,

Ne portiez pas toutes vos pièces,

Et ne partiez de S. Germain

Vn peu léger de quelque grain.

Ie sçay fort bien, ne vous déplaise,
Qu'auiourd'huy vous seriez bien aise,
Si l'on vous venoit asseurer

Qu'ici vous pouuez demeurer

Dans le calme et parmy la gloire.

1 Le cardinal Mazarin était accusé d'avoir fait empoisonner le président de Barillon, prisonnier d'État à Pignerol. Voyez plus haut la Lettre d'vn religieux, etc.

2 Pierre-Encise, où avait été détenu le maréchal de La Mothe Houdancourt, et Vincennes, d'où s'était évadé le duc de Beaufort.

Mais, comme vous auez mémoire,
le veux vser avec raison
De la mesme comparaison,

Qu'au poinct des affaires troublées,
Vous fistes sur nos assemblées,
Parlant à Monsieur Boucqueual.
Or ça, Monsieur le Cardinal,
Parlons en saine conscience,
Et souffrez auec patience
Ce raisonnement délicat.

Vous portez des Glands au Rabat1.
Si, d'authorité souueraine,
Le Roy, ie ne dis pas la Reyne,
Alloit dire le vous défends
De plus iamais porter des glands.
le veux qu'il ne soit point blasmable
De s'orner de chose semblable.
Mais, si le Roy le défendoit,
En conscience auriez-vous droict
D'en porter, malgré sa défense?
Cela

presse vostre Eminence.

Or venez ça, Respondez-nous !
Tout de bon, en porteriez-vous?
Non; vous n'en auriez point enuie;
Vous n'en auriez de vostre vie;

1 Le cardinal Mazarin ayant appris que l'vnion des cours souueraines pourroit ruiner son authorité, tascha d'attirer les plus forts des compagnies; et, voulant vn iour persuader à M. de Boucqueval, Doyen du grand conseil, que les assemblées n'estoient point permises, il se seruit de la comparaison des glands; il lui dit en ces mesmes termes : « Venez ça, M. de Boucqueual, vous portez des glands. Si le Roy vous défendoit d'en porter, vous seroit-il permis d'en auoir après sa défense? Respondez, disoit-il, cela vous presse. Or ie dis de mesme, puisque le Roy vous défend de vous assembler, pourquoy, etc. » Cette comparaison seruit le lendemain de matière à tous les rieurs.

N. D. T.

Et sans vous enquérir, pourquoy?
Vous voudriez obéyr au Roy.

Ainsi le Roy, dont la prudence
Met toutes choses en balance,
Par Arrest de son Parlement,
Vous enioint, sans retardement,
De quitter la France, et sur peine
D'encourir l'excès de sa haine.
Pourquoy donc ne partez-vous pas ?
Et qui peut retenir vos pas?
Est-ce point que vous voudriez dire
Que nostre Prince a moins d'empire
Sur les hommes hauts et puissans
Que sur leurs colets et les glands?
Non, non; sans tarder dauantage,
Allez, partez, pliez bagage,
Crainte que Monsieur de Beaufort
Ne vous enuoye vn passe-port
Pour aller iusqu'en l'autre monde,
Malgré le bras qui vous seconde;
Car ny nos généraux. ny luy,
Ne vous donneront point d'appuy.
Puisqu'ils veulent, par leur vaillance,
Restablir nostre pauure France
Dans son ancienne liberté,
Vous n'estes pas en seureté.
N'attendez pas que nos villages
Soient réduits aux derniers pillages;
Et suffise que Charenton
Vous couste le grand Chastillon.
Ny le combat ny la victoire
Ne vous sçauroient donner de gloire;
Et ie mets au rang des mal-heurs
Vn bien qui vous couste des pleurs.
Quand, par la suite d'vne guerre,

Vous aurez rauagé Nanterre,
Meudon, Suresne et S. Denis,
Vous serez les premiers punis;
Car ne leur laissant pas la maille,
Ils ne payeront plus de Taille;
Et le Prince en maiorité

Dira bien que sa Maiesté,

Au temps de sa plus tendre enfance,
Estoit soubmise à l'Eminence.
Voyant son domaine enuahy,
Il dira que l'on l'a trahy,
Et qu'vn Ministre bien habile
Ne deuoit point donner de Ville,
Du moins en Souueraineté,

Si force ce n'auoit esté.

Mais ce raisonnement me passe.
Ie vous demande encore grâce :
Peut-estre vn peu trop librement
l'expose icy mon iugement;
Non par vn esprit de censure;
Ie l'ai desia dit, et i'en iure.
Au contraire, c'est par pitié,
Ou par vn reste d'amitié

Que ie vous parle en ceste sorte,

Et sans que l'humeur me transporte.
Certes, nous auons, presque tous,
Suiet de nous loüer de vous.
Pour le moins oserois-ie dire,

Quand tout le monde en deuroit rire,
Que vous auez fait de grands biens
A Messieurs les Parisiens.

L'Esté, vous faisiez d'eau de Seine
Arrouser le Cours de la Reine;
Et, qui plus est de vostre estoc,
Leur auez introduit le Hoc,

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