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donner au public, de crainte que les simples n'y trouuassent de quoy se surprendre par les faux appas de ce Ministre et la couleur de ses raisons. Mais après les auoir bien considérées, et recogneu que, prises mesme auec le sens qu'il leur donne, elles font beaucoup plus pour sa condamnation qu'elles ne sont capables de le iustifier, i'ai crû que ie ne deuois priuer les curieux de la satisfaction qu'ils pourront auoir par la lecture de ces Maximes si extraordinaires, qui feront voir que ce n'est pas sans raison que ce Ministre tyran a attiré sur luy l'indignation de tous les gens de bien. Et néantmoins, comme il s'en trouue qui n'ont pas assez de lumière pour pénétrer sa malice à trauers des faux iours qu'il a donné à sa conduite, ie te promets (cher Lecteur), à mon premier loisir, la response à ces pernicieuses Maximes; par laquelle ie te feray voir qu'il n'y a iamais eu de Tyran aussi inique qu'il aye pû estre, qui ait commencé ses oppressions sur des fondemens si dangereux que sont ceux que le Cardinal Mazarin establit pour raison de sa Doctrine; me réseruant encores de te descouurir pour lors les Maximes de sa Politique, qu'il appelle Secrette, lesquelles ie te reserue pour ce temps.

Adieu Lecteur, et lis attentiuement.

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Et premièrement la lettre dv Cardinal Mazarin à T. T'. son Confident.

MONSIEUR, la conduite de mon entreprise n'ayant vn succès si heureux, comme ie me l'estois promis, ie voids bien qu'il me faut chercher vne autre voye, pour me restablir au rang que i'ay acquis dans le Royaume;

m'estant du tout impossible de mettre le Parlement et le Peuple à la raison, attendu la mutuelle vnion de toutes les Prouinces et leurs intelligences auec vne partie de nos gens de guerre, aux efforts desquels nostre party ne pourra résister, lorsque toutes leurs forces seront assemblées pour nous combatre, c'est pourquoy ayant d'ailleurs aussi esprouué que ie ne pouuois estre en seureté en aucun autre Royaume ou République, qui tous ont refusé de me receuoir, quoy que mon or et mon argent y soient en dépost, et que l'aye employé tout mon crédit pour les en conuier, i'ay résolu auparauant que d'attendre que ceux du party contraire ayent aucun aduantage sur moy, d'aller me iustifier au Parlement des accusations que l'on m'impose, pour faire leuer l'Arrest qu'ils ont donné contre moy sans aucune formalité; ce qui produit, ce m'a-on dit, vne nullité en la forme, et m'ouure le moyen de me faire releuer de la condamnation portée en iceluy. Mais pour y paruenir et ne rien faire auec légèreté, ie me suis fait enuoyer par vn de mes amis, qui a cognoissance des intentions de ceux qui me veulent du mal, vn Mémoire des Faits et Articles sur lesquels ils pourront me faire interroger; lequel ayant receu de sa courtoisie, i'ay esté bien aise d'apprendre qu'ils n'auoient plus grande instruction contre moy; ce qui me donne occasion de demeurer dans le dessein que i'auois pris. Mais auparauant que de l'exécuter, i'ay encores trouué à propos de communiquer à vne personne capable et affectionnée pour mes intérests (comme ie vous estime, Monsieur), les responses que i'ay préparées sur les calomnies que l'on m'impute, pour voir si ie ne me trompe pas, de croire qu'estant contraint d'aduouer tous les faits dont ie suis accusé, attendu que la

preuue en est maintenant trop facile à mes ennemis, ie puis, par la force de mon raisonnement et de ma Politique, facilement destruire et satisfaire à tous les chefs des accusations que l'on me propose, sans laisser aucun suiet à mes iuges de réuoquer en doute mon innocence. C'est ce qui me fait enuoyer vers vous ce porteur, pour vous donner auec la présente, le Mémoire de ces Faits apostillez de mes Responses, afin que ie puisse receuoir vostre sentiment au retour de ce Courier, qui est vne voye très fidelle et très seure. Ie vous prie donc de trauailler à cet examen auec la fidelité qui vous est ordinaire; et i'espère que vous iugerez comme moy qu'il est bien difficile de surprendre vn Italien rompu dans les grandes affaires, quand il a le temps de préparer sa défense, et qu'il faudroit auoir beaucoup d'addresse pour me susciter des accusations auxquelles ie ne puisse satisfaire par mes artifices. Espérant donc de vos nouvelles, ie suis, Vostre seruiteur et amy,

I. M. C..

A Saint-Germain-en-Laye, le 16 iour de féurier 1649.

Ensuit le Mémoire enuoyé par le Cardinal Mazarin à son Confident, ou l'Interrogatoire qu'il s'est fait; Accompagné de ses Responses.

1. Int. PREMIÈREMENT, Interrogé de mon Nom et de ma Qualité ?

Resp. le respondray que ie m'appelle Iulles Mazarin; Et quant à ma qualité, que ie porte le tittre de Cardinal de la saincte Église Romaine, et grand Ministre du Royaume de France: laquelle dignité de Ministre te

nant le premier lieu dans l'Estat après le Roy, me rendroit indépendant de quelque iuridiction que se peust estre, n'estoit que ie me submets volontairement à celle du Premier Parlement du Royaume, dans le désir que ï'ay de faire paroistre mon innocence aux yeux de toute la France, contre toutes les accusations que la liberté du temps a fait éclater contre moy, et dans l'asseurance que i'ay que ce Parlement, instruit de la vérité de mes intentions, ne dégénérera pas de son intégrité ordinaire, pour me rendre la iustice que i'attends.

2. Int. De mon Origine et de mon Pays?

Resp. Que ie tiens à gloire d'auoir pris naissance de Mazara, ville de Sicille, parcequ'estant des dépendances du Royaume d'Espagne, celuy de France m'est d'autant plus particulièrement obligé, si, quittant les intérests de mon Roy naturel, i'ay laissé mon pays pour me donner entièrement à ce Royaume.

3. Int. De mon Père et de mon Extraction?

Resp. Que ie m'estonne, comme mes ennemis ont voulu prendre aduantage de ce que la fortune de mes parens ne correspond pas à la mienne, et se soient fort estudiez à chercher les moyens d'auilir ma famille, veu que c'est le plus grand honneur qu'ils me puissent faire, puisqu'ils font voir par ce moyen que, comme vn autre Cicéron, le rang que ie tiens, n'est deu qu'à mon mérite, et que ie suis d'autant plus digne de le conseruer, que ie l'ay acquis par mes seuls artifices.

4. Int. Quels biens ma naissance m'a donnez; combien il m'en est écheu par donation, succession ou autrement?

Resp. Que ie ne rougiray iamais de dire que ie dois tous les biens que ie possède à la libéralité du Roy; et

quoy que véritablement sa recognoissance ait été grande en mon endroit, i'ose néanmoins me vanter que la Reyne m'a souuent tesmoigné que les trauaux et les soins que ie prenois pour le Royaume, n'estoient pas suffisamment récompensez à l'occasion des nécessitez de l'Estat.

5. Int. Si dans les seruices que i'ay rendus à l'Estat, i'ay tousiours correspondu au rang que la Reyne m'a donné en son Conseil, et à la fidélité qu'vn premier Ministre d'vn Royaume doit à la couronne qu'il sert ?

Resp. Que les personnes qui ont esté dans l'employ des grandes affaires, en rendront tesmoignage pour moy; et puis dire iustement que par ma subtilité, i̇'ay mis les affaires à vn tel point, qu'il n'y a que moy qui puisse y donner vn heureux succès par la continuation de mes artifices; et tout autre qui en verroit les intrigues, sans en scauoir le secret, croiroit que i'ay ioué à tout perdre en quantité de rencontres, où ie feray néanmoins voir l'aduantage éuident de la France.

6. Int. S'il n'est pas vray que i'ay tousiours préféré mes intérests à tous ceux du Royaume?

Resp. Que ie n'ay pas creu qu'en faisant les affaires du Roy, ie deusse négliger les miennes et que, iusques à présent, ie n'ay pas trouué de véritable Politique qui m'aye enseigné le contraire; que Machiauel mesme, très affectionné pour les intérests du Prince, le conseille; mais qu'il ne se trouuera que pour mon vtilité particulière, l'aye consenty à aucune chose qui pust causer quelque perte considérable à la France, si l'on considère mon procédé dans les maximes d'Estat, et non pas auec vne exacte recherche particulière de mes actions, qui n'estant considérées dans toute leur suite et les liaisons qu'elles ont eu l'vne auec l'autre, pourroient estre esti

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