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Il prit mal le soin qui vous touche,
De courir sus aux conuois de bouche,
Quoy qu'il eust dans ses beaux exploits,
Comme vous, le cœur tout François.
Au viure, il eut l'âme Espagnole.
Il eust vescu d'vne brignolle;
D'où vient qu'il a bien escorté
Des conuois de sobriété :

D'armes, boulets, poudres et mesche,
De toute munition seiche.
Vous plus fin, sans comparaison,
Munissiez vostre garnison

De munition grosse et grasse

Et des beaux fruits de vostre chasse,
De conuois pour le Mardy Gras,

Que Gassion ne festoit pas.
Mal vit qui se réfectionne
De conuois à la Gassionne.

Donc vous nommer vn Gassion
Aux conuois de réfection,

C'est vous dégrader de vous mesme
Et nommer Mardy Gras Caresme.
Ce preux faisoit des prisonniers
Qui diminuoient ses greniers,
Et qui mangeant le pain de France,
A leurs vainqueurs faisoient despense.
Vous faites en grand mesnager

Des prisonniers bons à manger,

Qui ne mangent point, chose estrange,
Parceque d'emblée on les mange;
Et vous enleuez des quartiers
Qui sont des troupeaux tout entiers.
Si Gassion dans nostre armée
Ou dans nostre ville affamée
Eust esté le seul pouruoyeur,

Ce discours me donne frayeur,
Il auroit rendu vaine et nulle
La dispense qui nous vaut Bulle1;
Et sans crainte de se damner,
Ce huguenot m'eust fait ieusner.
Il eust réduit les boucheries
A quester dans nos escuries.
On eust rosty iusqu'aux cheuaux
Qui seruent à vos grands trauaux.
l'ay leu qu'vn Seigneur D. L. T. 2
Grugeoit des rats en sausse douce.
On eust fait par nécessité
Ce qu'il faisoit par volupté.
On eust fait cuire à des brochettes
Des souris en guise d'allouettes;
Et si nos chats eussent rongé
Nos souris sans nostre congé,
Nostre recours sur les chats mièures
Nous les eust fait gruger en lièures.
Auiourd'huy sans tant de façon
On prend pour farine du son.
Sacs de plastre eussent eu la mine
D'estre pris pour sacs de farine.
C'eust esté la prouision

Que nous eust laissé Gassion.
On ne peut sans malice noire
Barbouiller sa noble mémoire;
Mais ie dy, sans le blasonner,
Qu'il ieusnoit et faisoit ieusner.
Au contraire vostre prudence

Nous fut la corne d'abondance.

1 Les Parisiens avaient été dispensés de faire maigre par un règlement

de l'archevêque en date du 18 février.

2 De La Trousse. N'ai-je pas lu cette anecdote dans les lettres de Mme de Sévigné ?

Cornes en abondance au moins
Nous venoient de vos nobles soins,
Cornes d'honneur et de conquestes
Qui tenoient à de grosses testes,
Et ces testes à de gros corps

Qu'on pouuoit nommer bœufs pour lors;
Mais bientost dans mainte bedaine

Ces bestes prenoient forme humaine.
Vous nous sustentiez de bon suc

De ces gros oyseaux de Sainct Luc,
De ces pigeons de riche taille

Et dont Poissi nous rauitaille.
Paris nommoit ses nourissiers
Vous et vos lestes Officiers;

De quoy Corbeil n'estoit point aise;
Ce mot soit dit par parenthèse.
La haute classe des censeurs,
Des raffinez et cognoisseurs

N'a pu que sur le tard cognoistre
Que vous sçauez des coups de maistre.
Vostre bras, quoy qu'esgal, tousiours,
Ne s'est pas mis à tous les iours.
Vos plus généreuses coruées

Au besoin s'estoient réseruées.

Il falloit pour vous mettre aux champs,

Voir liguez Iuges et Marchands;

Il falloit voir les barricades

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Sont deus à vostre courtoisie.
Les trafficants du pié fourché

Vous font des vœux en plein marché.
Sans vous les bouchers sans pratique,
Changeant d'art et non de boutique,
Faute de bœufs et de moutons,
Auroient vendu des rogatons,
Comme vne fort légère viande
Dont la Bourgeoisie est friande.
Mais vostre grosse venaison
Nourrit mieux nostre garnison.
le diray plus vostre prouesse
A muny de cœur et d'adresse
Tels qui n'en auoient pas beaucoup,
Qui n'auoient iamais veu le loup
Ny la guerre qu'en la Gazette,
Ou de loin par vne eschauguette.
Vous meniez bien ces caualiers
Quoy que montez sur des malliers.
Ils se piquoient tant de brauoure
Qu'ils se délassoient mesme à courre;
Et courant de nuict comme vous,
Sans craindre loups ny loups-garous,
Après vous ils fendoient les crottes,
Sans crainte d'y laisser les bottes,
Comme à Ville Iuif nos Courtaus 1

'C'est la journée de Juvisy.

<«< Le Dimanche ou le vingt-quatre (janvier).
Sortirent tous prests à se battre,

Sans manteaux, en mignard-souliers,
Le bas de soye et les cartiers

(Car ceux qui craignoient plus les crottes,
N'auoient que de petites bottes).
Gage, Lecteur, que tu m'attends
A nommer nos fiers habitans

Qui n'estoient pas des plus rustaus.
De peur de laisser dans la neige
Leurs pieds trop légers pour vn siège,
Ils y laissèrent leurs souliers,

Non par paires, mais par milliers.
Cette restiue infanterie

Suit mal vostre cauallerie.

Que de faux braues de Paris
Sur vos pas se sont aguerris!
Le Soleil enuioit la Lune,
Qui les voyoit brusquer fortune,
Faisant de nuict maint coup hardy
Qu'il eust fait beau voir à midy.
Que dans la conqueste des vaches
Ils ont rabatu de moustaches!
Qu'ils ont sanglé de horions.
Sur salades et morions!

Ils ne chargeoient point en pagnottes
Les casques et les bourguignottes.
Ils tailladoient à tour de bras
Les cuirasses et buffles gras,
Les casaquins et les casaques,
Et des Reistres et des Polaques;
Cognant sur ces rustres minois
Comme corneilles sur des nois.
On ne verra point de recrue
De ces mangeurs de viande crue,
De peur qu'ils ont d'auoir à dos
Des guerriers cy deuant badaus.
Ainsi par vous s'est aguerrie

Qui contre la pluye et l'orage
N'auoient porté que leur courage
Et qui la plus part les pieds nuds,

De Iuvisy sont reuenus. »

Le Courrier françois [830], 3° arrivée.

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