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dres qui s'attachent maintenant au Ministère, vous y pourrez bien en effet apporter quelque amendement ; mais le principe y demeurant, ce sera tousiours à recommencer; et vous vous exposerez au hazard de les reuoir dans peu de temps régner, et peut estre auec beaucoup plus de violence. Prenez donc en bonne part, Messieurs, quelques réflexions que faisoit naguère vne compagnie assez considérable dans la Prouince sur les mal-heurs de nos iours, et qu'elle me pria de vous addresser. Ie l'aurois fait plustôt sans que nous ne receuions à toute heure de la part des Ministres de Saint-Germain que des gazettes et des billets, où l'on disoit que Paris estoit aux abois, que l'ardeur des bourgeois n'estoit qu'vn feu de paille, que la prise du village de Charenton et de Brie auoit mis la consternation si auant dans leurs esprits qu'ils estoient prests de se mutiner contre vous et contre vos chefs, que la diuision s'estoit mesme desia glissée parmy les Généraux; en vn mot, qu'ils estoient sur le point d'aller à Sainct-Germain, la corde au col, pour demander pardon de ne s'estre pas laissé mourir de faim. En effet vne nouuelle qui nous vint en mesme temps de Paris, nous confirmoit en quelque façon tout cela, qui portoit que vous parliez desia d'accomodement, et que mesme vous condescendiez à vne paix, dont les articles estoient fort peu auantageux, pour ne pas dire pis. Mais vostre poste nous a enfin désabusez et asseurez du bon ordre de vostre ville et de la bonne intelligence qui est entre les Bourgeois et vous. Ce qui m'a obligé de despescher la présente et de vous l'enuoyer, afin que si vous venez à quelques termes d'accomodement, vous examiniez quelques causes que ie marque, d'où nous croyons que prouiennent tous nos maux, et que vous

y apportiez le remède que vous iugerez estre nécessaire.

La première cause que nous trouuions, est que vous ne faites pas assez de réflexion sur ce que vous estes. Nous ne sommes généreux qu'autant que nous le croyons estre, comme nous ne sommes poltrons que pour aucir trop de défiance de nos forces; c'est pourquoi, dit-on, Dieu ne voulut pas donner aux animaux la connoissance de ce qu'ils pouuoient; autrement l'homme n'auroit iamais pu en venir à bout ny les dompter comme il fait. Si vous auiez considéré plustost le rang que vous tenez dans l'Estat, et le suiet de vostre establissement, vous n'auriez pas supporté toutes les indignitez qu'il vous a fallu misérablement souffrir durant le règne passé et pendant la Régence; et vous vous seriez opposez fortement à tant de concussions qui se sont commises à l'oppression des peuples, dont vous deuez estre les Pères et les Protecteurs.

Car l'on ne peut oster à vostre Parlement, qu'il ne soit le soleil de toute la France et peut estre de toute l'Europe, puisqu'il n'y a guère de Prince qui n'en reuère les Arrests (tesmoins les sentimens de l'Archiduc Léopold qu'il vous a fait déclarer par son courier1) et qui ne croye pas qu'ils partent de la cour de ces grands Aréopages ou du Sénat Romain en sa splendeur. Comme à vray dire, vous n'estes ni moins Vénérables ni moins Augustes qu'eux; et si vn second Cynéas vous voyoit en corps, il pourroit dire à iuste titre ce que dit l'ancien, en voyant la cour Romaine : que la vostre ne lui sembleroit pas vne assemblée d'hommes, mais vn consistoire de Rois. Sou

1

Véritable harangue faite à messieurs du parlement par le courrier... de S. A. l'archiduc Léopold, etc. . [3936].

tice, cause de nos

maux.

uenez-vous donc, Messieurs, que vous estes ces Dieux Consentes, sans lesquels les Roys ne peuuent rien faire de iuste ny de conséquence dans le gouuernement de leurs peuples; que vous deuez estre l'azile et les Génies tutélaires de toute la France, la Lumière des bonnes mœurs, et les Maistres de l'équité; que vous estes les premiers mobiles qui faites mouuoir toutes les Prouinces par le contrepoids de vos iugements, et que vous les emportez par rapidité; en vn mot, que vostre Compagnie doit estre composée de tout ce qu'il y a de meilleur et de plus excellent en tout le Royaume, puisque de vous dépend toute la Iustice qui s'y exerce. Aussi n'y a t'il personne qui vous dispute ces qualitez; toutes les Villes et les Prouinces se rendent obéissantes à vos Arrests; et tous vos frères des autres Parlemens ne parlent de vous qu'auec des respects qui vous sont deus, et par vostre mérite et par le droict d'ainesse et de primogéniture; si bien qu'il vous est très facile maintenant, et ie dis dauantage, vous estes obligez de reprendre vos premières brisées, et de rentrer dans la glorieuse iouissance de tous vos droicts et priuilèges, pourueu que vous soyez aussi généreux et constans à les poursuiure, que les Prouinces sont disposées de vous assister de ce qui vous sera nécessaire.

La seconde chose que nous remarquions pour estre la Vénalité des cause de nos malheurs, est la vénalité de vos charges; charges de Ius- elles ne deuroient estre que des récompenses d'honneur et de mérite, comme elles estoient autrefois; et néanmoins elles sont montées à des sommes si excessiues, que la perte d'vne seule emporte bien souuent auec soy la ruine totale d'vne, et parfois de plusieurs familles. De là vient que pour vous en exempter, vous estes con

traints de les rachepter par la Paulette, et de vérifier tous les Edicts que la tyrannie des Ministres vous enuoye, pour la crainte que vous auez ou de les perdre tout à fait, ou d'en estre du moins interdits; ou bien s'ils n'osent pas tousiours se porter à ces excès de violence et qu'ils vous trouuent dans vne ferme résolution de ne rien passer à l'oppression du peuple, ils taschent de gagner les vns d'entre vous par des pensions, et les autres par de belles espérances, sappans ainsi les fondemens de vostre Authorité, suiuant les erres et les instructions du Cardinal de Richelieu, ingénieux mais détestable artisan de tous les maux que nous souffrons, et dont la tyrannie insupportable, iointe à l'esclauage que quelques-vns des vostres voulurent subir sous ce superbe fauory, donna lieu à empiéter sur vous, et à faire de la France comme d'vne terre de conqueste. Et toutesfois n'en pouuant encore auec tout cela venir à bout, parcequ'il se trouuoit tousiours nombre de braues hommes qui s'opposoient vertement à ses damnables desseins, il donna telle impression d'eux au Roi défunct, de la facilité duquel il abusoit, que i'ay ouy dire à des personnes qui l'approchoient d'assez près, que s'il eust pu, sans faire vne iniustice trop manifeste, et sans renuerser les lois de l'Estat, il eust exterminé iusques au dernier Conseiller du Parlement, pour en faire vn tout nouueau à sa fantaisie. C'estoit le souhait de cet Empereur, ou plustost tyran des Romains, qui désiroit que le Sénat n'eust qu'vne tête pour la faire sauter tout d'vn coup. Vous auez encore esté pis sous l'empire du Sicilien, de qui vous n'auez iamais pu auoir vne belle parole, si ce n'est celle qu'il fit dire à vn des Princes qui le protègent, lorsque vous vous plaigniez de l'enlèuement d'vn de vos

Frères, que le Roy pouuoit faire de ses valets ce qu'il vouloit; faisant sans doute allusion à de semblables de Caligula qui appelloit le Sénat Romain, seruos suos togatos, c'est-à-dire, selon la propriété des mots de ce temps-là, ses esclaues de longue robe.

gens

C'est vne guerre que les Mignons des Princes ont tousiours eue auec des Compagnies semblables à la vostre, sur la pensée qu'ils ont que leur tyrannie ne peut subsister auec des âmes entières et desintéressées; à moins que ce ne soient des Mignons et des Ministres aussi de bien que l'estoient Mécénas et Agrippa sous Auguste, qui bien loin de porter leur Maistre à rabaisser l'authorité du Sénat, contribuèrent de tout leur pouuoir à en augmenter le lustre et la splendeur, tesmoin la reueue qu'il en fit, où il cassa tous ceux qui s'y estoient intrus par l'insolence des guerres. Tibère son successeur fut déférant à cette mesme Compagnie pendant qu'il fut maistre de son esprit, lui renuoyant la connoissance de la pluspart des affaires, iusques-là mesmes qu'il protesta de n'accepter l'empire que pour en suiure les conseils, et se ioindre aux Consuls, pour le bien des affaires publiques1. Mais quand Séian se fut emparé de son esprit, l'on ne vid plus que des proscriptions et des bannissemens dans cet ordre, parceque ce monstre se voyoit enuironné d'autant d'ennemis qu'il y auoit de Sénateurs ; si bien que pour en gagner partie, il se desfaisoit des plus gens de bien, se montrant ouuertement protecteur des Délateurs, et faisant controuuer mille faux crimes Pratique de nos et former vne infinité d'accusations sans fondemens. Alors les moins courageux se rendoient ses esclaues, pour

temps.

Tacite, 1. I, Ann. N. D. T.

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