ページの画像
PDF
ePub
[ocr errors]

ne pas tomber dans le malheur de leurs frères; et luy qui se seruoit adroitement de l'occasion, remplissoit le Sénat de ses créatures, afin que désormais il ne s'y put rien passer à son désaduantage. Ces temps-là estoient véritablement pleins de désordre; mais qu'estoit-ce en comparaison de ceux-cy? ils n'auoient tout au plus qu'à combattre l'ambition de ceux qui voulant monter aux Magistrats par quelque moyen que ce fust, abandonnoient le party de leurs frères; car les dignitez de Sénateur ne coustoient rien; et l'interdiction estoit plustost vne descharge d'affaires que la perte d'aucun bien qui fust affecté à la charge; mais auiourd'huy vous auez l'ambition à combattre des vns qui vous trahissent sur l'espérance qu'ils ont d'estre esleuez à quelque chose de plus éminent, et la lascheté des autres qui vous abandonnent pour les pensions qu'ils prennent, et pour la crainte qu'ils ont d'vne interdiction ou d'vn bannisse

ment.

Si le mal est donc si grand, pourquoy l'entretient-on ? Quelle apparence y a t'il de fomenter vne playe qui consomme tout le corps? Sommes-nous insensibles iusques au point que de ne voir pas, ou de n'estre pas touchez des rauages que cause ce désordre? Prenez garde, Messieurs, comme il en est tousiours allé de pis en pis depuis que vos charges ont commencé à se vendre. Auant Louis XI, les Roys ne leuoient rien sur leurs suiets que par le consentement des États, ou qui ne fust du moins authorisé par la cour du Parlement; mais ce Prince qui les mit hors de page, commença de se seruir en ses patentes des termes de certaine science, plain pouuoir et authorité; et pour imprimer de la crainte dans les esprits des Officiers de Iustice qui s'en formalisoient, il proposa

à l'instigation de ses courtisans de mettre leurs charges en vente. Le plus fort l'emporte, dit-on. Le vulgaire des hommes se porte plus chaudement à poursuiure ses intérêts que ceux du public. Afin que l'on ne touchast pas la corde qui faisoit mal à leurs oreilles, ils baissent la teste, et ne s'opposent à rien. De quoy les Roys suiuans faisant leur profit, ne manquèrent pas de remettre l'vn en auant, sans crainte de perdre l'autre; si bien que Louis XII vendit tous les Offices des finances, sans toucher toutesfois à ceux de la Iustice, qui estoit vne adroite procédure, pour les désvnir par les diuers traistemens qu'il leur faisoit1; mais François Ier, n'ayant plus que ceux-ci à mettre à la raison, les obligea tous sans distinction à acheter leurs Offices, et dès-lors establit le bureau des Parties Casuelles, pour seruir, dit Loyseau au liure second des Offices, d'échoppe et de boutique à cette marchandise nouuelle. Ie ne parle point de la plainte qu'en firent les parlemens aux Estats de Blois derniers, ny des diuerses propositions qui furent faites pour tascher de les contenter. Le dernier coup de massue vous fut donné l'an 1604 par vn nommé Charles Paulet, sécrétaire de la Chambre du Roy, parain de la Paulette, qui fut le premier partisan de vos charges, moyennant le soixantième denier de la finance. Qu'est-il arriué depuis? Il n'est pas besoin de vous en parler. Vous le scauez mieux que moy; tout ce qu'on en peut dire, est que le mal est à sa crise, et qu'il faut ou périr ou le guérir. Ie pourrois rapporter pour la troisième cause de nos se reiettée sur les malheurs la promotion qui se fait des races partisanes aux charges de Conseillers et de Présidens, pour estre

Troisième cau

partisans conseillers.

'Ce fut l'an 1522. N. D. T.

les Émissaires des Ministres, sans que i'estime auec plus
de douceur que ne font la pluspart des hommes, qu'il ne
faut
pas tant prendre garde à la naissance d'vn Réci-
piendaire, qu'à sa vertu et à son mérite. Et néanmoins
quand ie fais réflexion sur les inconuéniens qui en arri-
uent, ie suis comme forcé à renoncer à mon sentiment;
comme en effect il n'est pas croyable qu'vn homme atta-
ché de fortune et d'intérest à vn Ministre, abandonne
ce qui le touche, pour suiure le party de ceux dont il est
hay; ce seroit s'abandonner soy-mesme; et s'il s'en
trouue quelques-vns d'assez généreux pour renoncer à
toutes ces alliances plastrées par les concussions et ci-
mentées par des larcins, comme il s'en est trouué en vos
grabuges, l'on peut dire que c'est vn prodige, et que la
fortune leur a esté marastre, de faire prendre à ces belles
âmes des corps empestés de la corruption Partisanne. Il
y a encore vne autre raison qui regarde l'honneur de
vostre Compagnie, de n'y admettre personne qui sente
la lie, et qui fasse dire de tout le corps qu'il n'est com-
posé que d'âmes venales, c'est-à-dire que de Partisans.
T'estime cette raison plus forte sans comparaison que
toute autre. Toute Compagnie doit s'estudier à acquérir
de l'estime, à amplifier son authorité, et à la conseruer;
et il est sans doute qu'en quelque lieu que ce soit, les
personnes de condition sont tousiours plus respectées et
qu'on les croit moins susceptibles de faire vne lascheté
que d'autres. C'est pourquoy en plusieurs endroits l'on
requiert la Noblesse dans vn Conseiller, comme à Venise,
Rhaguse, à Nuremberg et en Pologne, depuis l'édict de
Sigismond de l'an 1050, qui portoit que nul ne pourroit
estre receu Sénateur à moins que son père ne fut noble.

Les Romains requéroient bien en leurs Sénateurs

Exemples.

[blocks in formation]

qu'ils eussent trente mil escus vaillans, pour auoir de quoy s'entretenir en vn estat sortable à leur condition; mais outre cela il a esté longtemps que pour estre admis en l'ordre, il falloit auoir exercé quelqu'vne des hautes Magistratures. C'est pourquoy de cinq ans en cinq ans les Censeurs enregistroient au roole du Sénat tous ceux qui auoient eu des charges publiques. Et quand Sylla le voulut remplir et en mettre au lieu de ceux qu'on auoit fait mourir, il institua vingt Questeurs; et César quarante après luy, afin qu'à l'instant ils eussent entrée au Sénat, et le pouuoir d'opiner. Et quoy que sous les Empereurs il y ait eu quelque relâche pour le fait des charges, néanmoins les sages et vertueux Princes n'y ont iamais voulu admettre aucun libertin ou fils d'affranchy, qui estoient sans comparaison plus considérables que tout le tas des Partisans, parceque hors le malheur de la guerre, qui les auoit rendus eux ou leurs parens esclaues, il n'y auoit bien souuent rien à reprocher à leur vie. Et bien dauantage, Alexandre Seuerus ne voulut iamais en admettre en l'ordre des Cheualliers, qui n'estoient que mitoyens, parcequ'il estoit la pépinière et le séminaire du Sénat. C'est l'estime qu'on a tousiours fait de cet ordre supresme; si bien qu'au temps mesme de la décadence finale de l'Empire, l'on n'y receuoit que des personnes de qualité, connues par leur vertu et par leurs mérites, suiuant ce qu'en dit Théodoric et Cassiodore: Admittendos in Senatum examinare cogit sollicitiùs honor Senatús.

De toutes ces causes en naist vne quatrième, qui est vn monstre sçauoir, la diuision et la désvnion de vostre Compagnie; monstre voirement, si nous n'aimons mieux l'appeler vne peste, qui vous infectant, porte en suitte

auec soy l'infection et corruption par toute la France. Messieurs, croyez moy: vous n'auez rien à craindre des armes du dehors; et quand vos ennemis auroient autant de Prouinces pour eux qu'ils en ont contre, ils ne vous peuuent rien faire, pourueu que vous conspiriez tous à vne mesme fin et que vous fassiez la paix, ie ne dis pas au dedans de la ville seulement, mais dans vous mesmes. Ie ne sçaurois penser à cette prodigieuse grandeur où est montée la République Romaine, sans entrer dans des transports d'estonnemens et sans conceuuoir comme vn prodige leur iudicieuse conduite; car, qui est ce qui l'a ainsi esleuée? ce n'a pas esté le nombre des armées qu'elle entretenoit ? Au commencement elle n'estoit composée que de trois mil hommes de pied et de trois cens cheuaux; et toutefois à peine estoit-elle establie, qu'elle se suscite des guerres de gaieté de cœur. Ce n'estoit pas sur la forteresse de ses remparts qu'elle se fioit? A peine y auoit-il quelque terrasse pour renfermer enuiron mille maisons, ou plustost chaumières qui furent premièrement basties. Estoit-ce point l'intelligence qu'elle auoit auec les villes voisines? Bien loin de cela, il n'y en auoit point qui ne taschât de l'étouffer dans le berceau. Qu'estoit-ce donc ? Sans doute il n'y a point d'autre cause humaine que I'vnion admirable de toutes ses parties. Il n'y auoit point de citoyens depuis le plus grand iusques au plus petit, qui ne concourust à l'augmentation de la ville auec autant d'ardeur que s'il eust cru pouuoir s'acquérir vn Royaume à luy tout seul. Que ne fist point le Sénat après l'adultère commis en la personne de Lucrèce ? le rapporteray volontiers en passant l'histoire de ce temps-là, qui a beaucoup de conformité auec la conioncture de vos affaires. Le Sénat auoit esté maltraité par Tarquin le Superbe, qui en

« 前へ次へ »