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iamais vous songiez à aucun accomodement. Cette proposition est bien hardie, pour ne pas dire insolente; il est vray, eu égard à nostre esclauage passé, qui ne nous eust pas permis de parler si librement; mais, grâces à Dieu, nous goustons au moins en ce moment la douceur des Saturnales, comme faisoient les esclaues chez les anciens Romains, qui pouuoient ces iours-là reprocher à leurs Maistres tous leurs défauts sans crainte du supplice. Ie prétends pourtant qu'il n'y a rien de plus iuste; car en quoy ne le seroit-il pas ? Tout le pis qu'on peut dire, est que le Parlement auroit eu le dessus, qu'il auroit fallu à la Reyne céder au temps et accorder tout, et que cette leuée de boucliers que ses Ministres ont fait, passe et passera pour ridicule; et après cela quelle conclusion? Le Parlement en abusera-t-il? Voudra-t-il secouer le ioug de l'obéissance? Esteindra-t-il les loix pour la défense desquelles il est armé ? Cela ne peut tomber sous le sens commun de ceux qui sçauent comme quoy Messieurs du Parlement ont agy depuis le mois de may dernier. S'ils eussent eu de mauuais desseins aux Barricades, il leur estoit très aisé de les exécuter; ils pouoient enseuelir sous vne mesme ruine tout ce qu'ils eussent voulu, lorsqu'il y auoit cent mille hommes sous les armes qui ne faisoient qu'attendre leur ordre. L'on peut dire que trois iours durant, ils ont esté maistres absolus de Paris, et qu'ils n'auoient que trop de personnes à exécuter leurs commandemens. C'estoit du temps assez pour prendre leurs auantages; mais cette Auguste Compagnie a les lys trop bien grauez en l'âme, pour en vouloir à la tige. Bien loin mesme de se préualoir de tant de bonne volonté qu'on leur tesmoignoit pour se vanger de leurs ennemis, ils s'en seruent pour pacifier tout, et vsent auec tant

de modération de cette victoire qu'au moment que parut Monsieur de Broussel en la ville, ils font mettre bas les armes; et en moins d'vn rien tout fust aussi calme que s'il n'y eust pas eu de bourasque.

La France sçait combien ils ont été rebutez de fois à Sainct-Germain après la première fuite qu'on a fait prendre au Roy; on les renuoyoit souuent sans les entendre après les auoir fait garder le mulet, comme on dit, des six heures entières; parfois on leur donnoit audiance à vne heure de nuict; parfois on passoit le temps à des badineries; on différoit le plus souuent pour vne autre fois; enfin que ne leur a-t-on point fait ? Et cependant a-t-on ouy dire qu'ils ayent entretenu des intelligences secrètes auec les ennemis de l'Estat, comme on leur a voulu imposer, cette dernière fuite? Ils sçauoient fort bien que le suiet de la première estoit pour exécuter le mesme dessein qu'ils taschent d'exécuter à présent; les troupes commençoient à faire des hostilitez; elles approchoient de Paris de tous costez; mais parce que c'estoit en vne saison où il ne faisoit pas bon pour les Ministres, on les leurre de la Déclaration dernière. L'on sçauoit à Paris leur impuissance; et il estoit aisé d'aller querir le Roy à Sainct-Germain, et le ramener, ce qui n'est pas sans exemple, et faire pis si le Parlement eust voulu. Ceux qui ont enuie de brouiller, ne perdent point le moment si précieux; et des gens si éclairés n'auroient fait des pas de clerc si manifestes. La Reyne croit-elle estre plus en seureté à Sainct-Germain qu'elle n'estoit pour lors? Elle a des forces véritablement; mais elles sont dissipées et éparses en trop d'endroits pour pouuoir empescher que cent mille hommes qui peuuent sortir de Paris, n'aillent

pas

1 On ne s'étonnera pas trop de ces cent mille hommes si on pren

l'inuestir. C'est ce qu'on a proposé dès le commencement et qui a aussi esté reietté, pour ne point s'opposer à la liberté et aux contentemens. L'on ne peut donc pas iusques icy se plaindre que le Parlement ait abusé insolemment de l'auantage qu'il a eu; car quoy que la Déclaration dernière soit au nom du Roy, toutesfois, il n'en faut point faire la petite bouche, les Ministres ne l'ont consentie que par force; tout le monde le scait ; et leurs procédez l'ont bien fait voir depuis. L'on pouuoit dire pour lors que le Parlement auoit eu le dessus aussi bien qu'aux Barricades; et cependant quel auantage en tiret-il? A-t-il voulu lasser par des voies indirectes l'Authorité Royale? A-t-il remué ou tenté autre chose que ce qui estoit contenu dans sa Déclaration? N'a-t-il pas poursuivy l'establissement de la chambre de Iustice, pour trouuer de l'argent au Roy; à quoy les Ministres se sont tousiours opposez? En quoy le peut-on donc accuser, si ce n'est de trop de douceur et d'auoir, après tant de fourbes et de crimes, toléré des harpies dans le Ministère?

à

Ie veux donc qu'on dise que la Reyne a cédé, et qu'elle y a esté contrainte, que cette leuée de boucliers quoy l'ont engagée ses Ministres, n'a fait qu'apprester à rire et qu'à faire voir la foiblesse de son party; quel mal en peut-il arriuer? elle est bien asseurée qu'on ne luy en veut non plus qu'au Roy ny à aucun de la maison Royale, et que tout ce qu'elle risque en ces accomodemens, est qu'il luy faille abandonner ses Ministres, et notamment celuy qui a le plus de part en ses bonnes grâces, qui est remettre le pays en seureté, et luy re

garde que dans l'Auis très iuste et très légitime au Roy très chrestien, etc. [552] Me Isaac Loppin prétend démontrer que le roi commande à soixante millions de sujets.

à vn

donner le calme, et que d'ailleurs le Parlement ait contentement, tant pour luy que pour les peuples et les Princes qui le protègent. Il n'y a personne qui doute que ceux qui se sont rangez de son party, ne l'ont fait qu'en considération du repos public et de l'auersion qu'ils ont pour le mauuais Ministère. Le rang que les Princes vnis tiennent à la cour, ne leur permet pas de penser changement d'Estat, comme ceux de Sainct-Germain publient. Ils ne peuuent prétendre au dessus de ceux qui tiennent le party des Ministres, comme aussi ils ne peuuent estre plus bas qu'au second lieu; tellement que la Reyne peut dissiper tous les orages qui s'en vont fondre sur elle, en donnant satisfaction au Parlement et aux Princes. Que si elle suit ses mauuais conseillers, elle met le Royaume en vn danger imminent, et l'expose en proye. Quand l'on s'embarque en de semblables affaires, l'on n'en voit point les issues. Il n'y a que Dieu seul à qui tous les momens sont présens, qui les connoisse. Tout ce que la prudence humaine nous enseigne, est de préuenir les mal-heurs tant que nous pouuons, et de ne nous pas engager en haute mer, quand nous voyons la tempeste qui s'appreste. La Reyne défuncte fournit d'vn puissant exemple, pour faire appréhender à la Reyne Regente pareil traitement qu'elle a receu. Cette leçon luy deuroit estre utile, et luy apprendre, que quand le Roy sera maieur, il peut auoir vn Ministre semblable au Cardinal de Richelieu, qui luy pourra faire souffrir les mesmes rigueurs qu'il fit souffrir à la défuncte. Et si cela est, à qui aura-t-elle recours? aux Ministres d'auiourd'hui ? c'est vne folie de croire qu'ils subsistent, quand par impossible on les lairroit en France iusques à ce temps là. Il n'y a point d'enfant qui ne soit bien aise de

sortir de dessous la férule de ses maistres; et quelque traitement que fasse le Cardinal au Roy, qu'il tasche d'obséder par des charmes de libertinage et de contentement, quand il sera capable d'agir de luy mesme, ce sera le premier dont il se défera; ioint que dès à présent il est très mal en son esprit, et que bien qu'il n'y ait que ses émissaires auprès de luy, ils ne sçauroient empescher qu'il ne tesmoigne le mescontentement qu'il en a, et le peu de plaisir qu'il prend à entendre parler des défaites imaginaires des troupes Parisiennes, qu'on publie incessamment à ses oreilles. Aura-t-elle les Parlemens et la Iustice de son costé? elle ne le peut espérer, puisqu'elle contribue de toutes ses forces à les destruire. Sera-ce point les peuples? hélas, elle en est bien éloignée! l'affection qu'ils ont eu pour elle, quant ils l'ont veue dans l'oppression d'vn insolent Ministre, 's'est changée en vne estrange auersion; ouy en auersion, si ie l'ose dire, puis qu'au lieu du soulagement qu'ils espéroient d'elle, ils ne voyent que des surcharges d'oppression de sa part, et que comites à leurs portes qui les traittent comme des forçats.

Je crois avoir suffisamment montré que la Reyne ne risque rien en faisant mettre bas les armes à ses Ministres. Voyons maintenant à quel danger s'exposeroit le Parlement, s'il faisoit, comme on demande, le premier pas, et s'il se soumettoit encore vne fois après tant d'autres. Quelle seureté y auroit-il pour luy? le peu de fidélité qu'on a expérimenté dans les Ministres, deià par deux fois, ne permet pas d'en tenter vne troisiesme. Ce ne seroit pas faire en gens prudens, que de rechercher les précipices qu'ils ont éuitez. Après la victoire de Scipion sur les Carthaginois, l'on proposa dans le Sénat ce qu'il

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