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et rendus esclaues à prix d'argent; encore auiourd'huy nous en voyons qui s'obligent dans les Galères aux suiétions de la peine et de la seruitude. Bien dauantage, il s'est trouué vn homme dans l'armée du comte Maurice, pendant le dernier siège de Reinbergue, lequel, moyennant vne somme de cent escus, s'offrit à estre pendu pour vn autre sur lequel le sort d'vne décimation estoit tombé. Son dessein estoit de laisser cette somme à sa femine ou à ses enfans, ne se voyant pas en estat de leur laisser rien du tout lorsqu'il mourroit, ou par maladie, ou par la fortune des armes. Ces pensées là sont horribles et monstrueuses; mais enfin il y a des testes assez creuses pour les former; et il se trouue des hommes qui ont dépouillé l'humanité : des Timons, des Lycantropes, desquels on ne doit attendre ny religion vers Dieu, ny piété pour la patrie. Leur Dieu, c'est leur auarice; et cette auarice est la Métropole et l'Arsenal de tous les maux et de tous les crimes. C'est cette auarice qui a fait les flatteurs et les donneurs d'aduis; c'est elle qui a fait les Maletostiers, les Fuseliers et les Intendans. Courons à cor et à cry cette monstrueuse beste, qui est pire que les Allemands et les Polaques, et plus pernicieuse à cet Estat que le Mazarin mesme. Elle est seule capable d'occuper toutes nos forces; tant elle est terrible, tant elle est opiniastre et acharnée! et ie ne sçay si l'armée de Paris et celle de Monsieur de Longueuille seront suffisantes pour la mettre à la raison. Voicy néantmoins deux aduis que ie tiens indubitables, si on les veut exécuter de bonne foy. C'est vne séuère Chambre de Iustice contre les Maletostiers, leurs fauteurs et adhérans, et vne Loy sumptuaire. Par la Chambre de Iustice on fera répétition et réparation de tous les larrecins du passé;

par vne Loy sumptuaire, on préuiendra ceux de l'aduenir. Si quelqu'vn a quelque meilleur aduis à proposer, ie suis prest de l'entendre et d'y adhérer; car dans cette nécessité vrgente, si nous ne déposons toute sorte de ialousie et d'attachement à nostre propre sens, nous ne ferons rien qui vaille; et il nous arriuera comme aux consultations où l'on appelle les Médecins des deux Facultez. Pendant qu'ils contestent du poinct d'honneur et refusent de passer à l'aduis les vns des autres, le malade meurt entre leurs mains. Ne vous souuenez-vous point des Estats de six cens quatorze? Leur députation cousta plusieurs millions aux Prouinces de France. Ils vindrent icy disputer de la Chappe à l'Euesque et de la puissance du Pape. Le Cardinal du Perron estalla ses belles cognoissances et trionfa de bien dire; le sieur Sauaron produisit les fruits de ses longues et sçauantes lectures; les Euesques de Montpellier, de Grenoble, du Belley firent des prédications très ingénieuses et très éloquentes; les marquis de Senecey et du Pont S. Pierre, Présidens de la Noblesse, et plusieurs autres grands Seigneurs y protestèrent vn grand zèle. En fin de compte, la France leur demeura redeuable de leur bonne volonté; et nulle réformation ne s'en ensuiuit'. Si au lieu de consommer le temps en préfaces et en émulations d'éloquence, ils fûssent entrez en matière utile et nécessaire, il en eust réussi quelque bon effet. Mais ces grandes et cérémonieuses conuocations, et qui sont faites par le choix des Fauoris qui gouuernent et qui tiennent la bourse, ne

1 Dans ses Remontrances très humbles à la Reine mère, etc. [3343], Nicolas Pasquier dit : « N'assemblez pas les Estats généraux. Ils ne réduiroient pas votre autorité, comme on le prétend, au contraire; mais ils pourroient être vn instrument de diuision et de trouble. »

produisent que du faste, de l'ambition et de la vanité. Des Estats libres et des députations légitimes faites par le libre choix des Ecclésiastiques, des Nobles et du Tiers Estat pourroient produire quelque important succez. Mais auant que cette assemblée se puisse faire seurement et légitimement, les années entières se passeront; et cependant on fera du feu de nos autres villages, ainsi que de Charenton. Mais pourquoy nous amuser à vne conuocation d'Estats Généraux? Chaque Prouince ne les peut-elle pas assembler sans frais et sans indiction? Chaque Parlement n'est-il pas composé des mesmes personnes qui composent les Estats? Messieurs les Euesques et la haute Noblesse n'y ont-ils pas entrée, séance et voix délibératiue? Et lorsqu'ils feront la première démarche pour procurer le bien du peuple, ne seront-ils pas secondez de ses vœux, prières et acclamations? Ne peuuent-ils pas concerter auec les notables Bourgeois et Marchands sur les occurrences diuerses par des assemblées de ville, et par des accommodemens conuenables, sans s'arrester trop superstitieusement aux rangs et aux formalitez qui suffoquent la iustice? Que chaque Parlement recherche les cruautez et les exactions qui ont esté faites dans son destroit, et qu'il les punisse; cela se peut faire sans toucher aux droicts Royaux ny à l'authorité Royale au contraire, c'est au nom de cette authoritě et selon sa droicte intention qu'ils agiront. Que veulent donc dire nos aduersaires quand ils allèguent que la Maiesté Royale est offensée lorsque l'on crie au meurtre sur l'oppression d'vn Fuselier ou d'vn Gabeleur? Quelle parenté y a-t-il entre la Raillière et Catelan auec nos Roys, pour qualifier de rébellion la iuste résistance que l'on fait à leurs exactions? Que veut dire cettuy-là qui a

mis dans son placart que l'Estat de France est le plus Monarchique du monde1? comment cela se peut-il entendre qu'à nostre honte et à la confusion de nos Roys? Qu'il nous dise vn peu ce que c'est qu'vne Monarchie excessiue. Et quelle autre satisfaction prétendent ces gens-là, sinon qu'en réduisant leurs Concitoyens et Compatriotes sous le pressoir et la torture, de s'ériger en satellites et en confidens de cruautez, de voluptez et de toutes sortes de pernicieux conseils? Ils se distingueront peut-estre par emplois et par offices, comme ils ont desià fait l'vn prendra l'intendance du Théâtre et des Comédies; l'autre des festins et de la bonne chère; l'autre des cartes et des dez; ils auront mesme l'impudence d'y faire attribuer des titres et des priuilèges; ce sera peu de chose de les dénommer comme ceux de Tibère ou de Caligula : A Voluptatibus, à Tripudiis, à Prostibulis. Il y aura vn grand Blasphémateur, vn grand Fuselier, vn grand Berlandier, vn maistre des impies, etc. Le papier François résiste à l'escriture de cette infamie; et voilà à peu près le bref estat des Officiers de ton Monarque extraordinaire, dont Dieu nous préserue s'il luy plaist; car par sa diuine grâce, nous n'en auons point encore veu en ce Royaume et dans cette zône tempérée de la France, qui ayent approché de ces excez. Et Louis XI, dont on parle tant, ne peut estre valablement accusé que de trop de morosité sur ses vieux ans, et de trop de ialousie de son successeur; ce qui le ietta dans des terreurs qui le rendirent moins accessible et moins pitoyable aux nécessitez de son peuple, dont il a mérité le reproche et la malédiction iusques à nos

'L'auteur de Lis et fais. Voir plus haut.

iours; au lieu que nous adorons la bonté et la mansuétude de Louis XII, et que nous admirons la clémence de Henri IV, pour auoir admis le Duc du Mayne à son étroite confidence et bienueillance, qui lui venoit de contester sa couronne, et pour s'estre sincèrement réconcilié auec tous ses ennemis, et qui vouloit mesme pardonner au Mareschal de Biron, sans la résistance généreuse que lui firent le Chancelier de Bellièure et le Président de Harlay, dont la mémoire soit en éternelle bénédiction. C'estoit vn Roy celuy là; c'estoient des Magistrats, dont les statues deuroient estre érigées au plus éminent lieu de la grand'Chambre du Parlement. Loin donc, impudent Escriuain, ton Monarque exorbitant. Nous en voulons vn régulier et modéré, et qui ne soit point empoisonné par tes pernicieuses instructions. Ne va donc point déclarer à notre ieune Roy, ny à la Reyne, sa mère, ce qui se passa sous Charles VI, si tu ne leur expliques de bonne foi la vérité de cette histoire, et si tu ne leur fais aussi entendre les malheurs des Roys et des Reynes qui ont abusé de leur authorité. Ie m'estonne en cet endroit, et tous les gens de bien tombent dans la mesme pensée, d'où vient que nos Capucins qui n'ont rien ny à prétendre, ny à craindre, quand ils preschent deuant les Roys, ne leur disent franchement les véritez nécessaires dont la connoissance et la pratique establiroit leur condition, et leur gagneroit la bienueillance des peuples, au lieu que la flatterie et le mensonge les esblouit, et les fait chanceler et soulèue tout le monde contre leur gouuernement? Est il iamais arriué qu'vne discrète et pieuse réprimande aye fait tort à vn Prince? N'arriuet-il pas tous les iours que les flatteries les perdent et les damnent? Ie ne veux pas néantmoins qu'on leur rompe

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