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trie et ses parens; et le troisième précepte vniuersellement reçu, c'est la défense légitime. Ce sont trois grands Iurisconsultes qui nous font cette leçon, et qui estoient pour le moins aussi qualifiez que nos Chancelliers et premiers présidens. Et Iustinian, Empereur de l'vne et l'autre Rome, prescriuant des Loix à toute la terre, commence son Digeste par ces trois capitales maximes, sur lesquelles et propos du suiet que nous traitons, il y a lieu de louer ce grand Docteur de la France, Iacques Cuias, lequel interprétant exactement et philosophiquement ces termes de Pomponius, Veluti ergà Deum religio : vt parentibus et patriæ pareamus, il escrit ainsi : Ordo non placet; nam prima officia debemus Deo; secunda Patriæ; tertia parentibus. Si la patrie marche en ce rang et immédiatement après Dieu, quelle est la peruersité, l'iniquité et la scélératesse de ceux qui en abandonnent l'honneur, et ne se soucient pas de la voir réduire en seruitude? Aussi voyons-nous que ce sont des Siciliens, des Angeuins et des Catelans qui ont résolu la destruction de cette grande Cité; et il est presque impossible d'imaginer qu'vn homme baptisé dans la Paroisse de S. Eustache ou de Sainct Méderic puisse contribuer ny consentir à la ruine de Paris. Il est pareillement véritable que ces mangeurs de Chrestiens, auparauant que d'en venir à ces extrémitez, il faut qu'ils ayent effacé le caractère de l'humanité auec celuy de leur Baptesme par vne longue habitude de mal faire et par vne résolution affectée de ne pas croire en Dieu. C'est sur ce fondement qu'ils n'ont pitié de personne, qu'ils en prennent de toutes parts, et qu'ils ne sont interrompus ny inquiétez dans leurs délices d'aucun scrupule ny d'aucun remords. Quelqu'vn d'entr'eux qui n'est plus au monde, comme on l'auertissoit que du

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temps du Chancelier de Sillery, on n'vsoit pas de si violentes procédures, il respondit: De ce temps là, nous craignions tout; à présent, nous ne craignons rien. Pour paruenir à cette audace, il y a deux voies: la première et la plus battue, c'est vne mauuaise naissance, destituée d'instruction et de discipline; ils n'ont entendu ny Catéchisme ny préceptes; on les a mis ieunes dans vn Berlan ou chez vn Financier, comme en conditions plus aduantageuses que celles d'vn Collège ou d'vn mestier légitime; ils n'ont veu que des dez et des cartes; ils n'ont ouy ni veu que de mauuais commerces; c'est par or et par argent que leurs Maistres ont acquis ces belles maisons et ces beaux meubles, et qu'ils ont marié leurs filles auec toute cette Noblesse; ils feront par conséquent sur ces exemples tout ce qui leur sera possible pour auoir de l'or et de l'argent, qui est la monnoie de toutes les commoditez et de toutes les dignitez. L'autre chemin qui conduit à cette insolente cruauté, c'est celuy que tiennent les persones d'vne extraction ingénue, lesquels ayant esté bien instruits de ieunesse, et se trouuant dans les aises de la vie, ils s'y abandonnent si désordonnément, que pour en iouir plus pleinement et d'vne félicité plus entière, par estude et par force d'esprit (ainsi qu' qu'ils parlent), ils trauaillent à estouffer toutes les semences de vertu qui ont esté iettées dans leurs âmes, et ne veulent plus escouter ny les conseils des gens de bien ny les reproches de leurs consciences; c'est alors qu'ils font passer leurs crimes et leurs impiétez en aphorismes, qu'ils se mocquent des mœurs et des créances anciennes, et renoncent à toute piété vers Dieu et à toute piété vers les hommes. De ces deux espèces de gens sont composez tous ceux qui oppriment le Peuple, qui offusquent la

Noblesse, et qui scandalisent l'Église. On s'estonnera icy, et à bon droict, et c'est ce qui rauit nos voisins en admiration, veu que ces gens-là ont coniuré contre le repos public et que ce sont les monstres et les pestes de la société humaine, d'où vient que par vn concours et à cry public on ne s'eslèue pas contre eux, comme on fait à l'encontre des loups et des sangliers qui rauagent la campagne. En voicy deux ou trois raisons; c'est qu'ils ont des Protecteurs et des Sauuegardes; et tout de mesme que les cerfs et les sangliers ruinent impunément les moissons des laboureurs quand ils ont vn seigneur ou vn puissant voisin qui aime la chasse et qui défend d'auoir des chiens et de porter l'arquebuse; ainsi en arriue-t'il quand le Prince ou le haut Magistrat entreprend la protection du Partisan, et qu'il destine sa table et sa maison pour ses diuertissemens, et sa bourse pour les fonds de son espargne. Au temps passé, ainsi que nous l'auons appris des vieilles gens, l'alliance de ces gens-là estoit prise pour vne pollution et vne dérogation à Noblesse ; maintenant on en fait le soustien des maisons, et de leur argent on en répare les familles ruineuses et délabrées. Dieu sçait quelle postérité il en réussit! Allez puis après déférer en Iustice vn Financier ou vn Traitant qui s'est fortifié de telles alliances? L'autre raison, sous l'ombre et le bénéfice de laquelle ces gens-là trouuent leur abry et leur éuasion c'est la formalité de Iustice, laquelle formalité, quand elle est sincèrement et fidèlement obseruée, est d'vn très grand et très nécessaire vsage; mais quand elle est trop superstitieusement appliquée, elle deuient vn retardement et vn obstacle au bien public; comme aussi quand elle est malignement et frauduleusement administrée, elle dégénère en illusion

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et en iniustice; et c'est dedans ces prestiges et parmi ces ombres que le cauteleux Iusticier fauorise et fait échapper qui bon lui semble, contre la droite intention de la Loy. Telle estoit la iustice des anciens Pharisiens, contre laquelle l'Euangile est tout plein de reproches et d'inuectiues. La manière d'Epaminondas estoit bien plus franche et plus brièue. Il enuoya vn homme de mérite, qui auoit bien serui en guerre, chez vn riche de Thèbes luy demander mil escus. Celuy cy vint tout à l'instant trouuer Epaminondas pour sçauoir de luy à quel tittre il le condamnoit de bailler cette somme à ce Soldat : c'est, dit-il, parcequ'il a bien serui la République, et qu'il en a besoin, et que tu es vne personne inutile, et qui en as plus que tu n'en mérites. Ce mandement fut exécuté, et n'excita ny sédition ny murmure; il passa pour vne action de Iustice; et nous sommes si malheureux et si traistres à nostre bonheur, que pour mil francs qu'on aura imposé sur vne femme qui a plus de dorures qu'vne Reyne de Saba, on verra des familles en rumeur, qui crient au meurtre et qui se scandalisent de cette rigueur; et cependant ils ne firent iamais de conscience de la ruine de plusieurs milliers d'hommes, qui ont esté dépouillez par l'Exacteur qui a basty tous ces Palais et amassé vne montagne d'or. Il y a quelques années qu'vn homme assez imaginatif nous surprit fort agréablement par vne vision qu'il nous raconta: il nous dit qu'il venoit de voir dans des chaudières et des marmites bouillantes des Élections toutes entières; il sortoit de l'Église Nostre Dame; ie crus que c'estoit que dans la méditation des quatre fins de l'homme, il auoit eu quelque forte imagination des peines d'Enfer. Il nous expliqua enfin sa figure, en nous disant qu'il venoit d'vne maison du Cloistre où l'on at

tendoit Monsieur Deffiat à diner, et qu'il auoit veu des potages et des bisques de prix inestimable capables d'absorber les Généralitez de la Touraine et du Berry. C'est contre ce grand luxe que les gens de bien sont irritez, et contre ceux qui l'entretiennent. Si quelques Conseillers du Parlement de Paris ont pris à tasche de vouloir mettre des bornes à ces grands excez, le Garde des Seaux de Marillac y auoit trauaillé de son temps; et si tous les Législateurs ont eu égard à ce désordre, escoutera-t-on des Bouffons de Cour et des Gourmands contre des intentions si louables? N'est ce pas vne impudence capitale de présenter à la Reyne vne bouchée de pain et luy faire à croire qu'elle vaut vne pistolle à Paris'; et ces railleries sanglantes, iointes à l'histoire de Charles sixiesme, ne sont elles pas damnables? Messieurs du Parlement, Messieurs les Princes, et tous vous autres bons François qui voulez la réformation de l'Estat et le soulagement du peuple, ne deschargez pas toute vostre indignation sur le Ministre Estranger; il n'en seroit iamais venu là, s'il n'y auoit esté porté par la trahison de quatre ou cinq domestiques, qui luy ont donné des aduis et luy ont déclaré le foible du Maistre et de la Maistresse. Ainsi conseillèrent ils Conchine; ainsi seruirent ils les Luynes; ainsi se prostituèrent ils au Cardinal de Richelieu; ainsi raillèrent ils la Reyne mère, qu'ils auoient tant idolâtrée. On les connoît; on sçait leurs malices; on en sent le préiudice; et on les épargne! Permettez nous au moins de les nommer et d'en faire vn catalogue public, comme on fait des Interdits en l'Estude des Notaires. Cependant il n'y a ny Prince ny Ma

1 Une note manuscrite de l'exemplaire de la bibliothèque de SainteGeneviève attribue cette impudence à Bautru.

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