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Le pillage, le fer, le feu, la faim, la rage,
Changent tout en déserts. Souffre tu cet outrage?
Veux tu point arrester ces barbares efforts?
Ie dors.

Las! mon intérest est le tien.

Nous nous prestons esgal soustien.

Ta grandeur se perdra si l'on me peut destruire.
Désille vn peu tes yeux; soulage mon martyre;
Ou ie vay succomber sous de si grands efforts.
Ie dors.

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S'esleuer au sommet où son orgueil aspire.
Tout obstacle est fascheux à qui veut vn Empire.
Il n'y sçauroit monter sans te mettre dehors.
Ie dors.

Ces raisons ne te touchent pas.
Quoy! s'il me réduit au trespas,

Que deuiendra ton nom, ta grandeur, ta puissance?
Il ne t'en restera qu'vne vaine apparence.
Tu seras son iouet; que deuiendras tu lors?
Ie dors.

Va, France, loin de moy gémir,
Luy dit GASTON; ie veux dormir.

le nasquis en dormant. I'y veux passer ma vie.
Iamais de m'esueiller il ne me prit enuie.

Toy, ma Femme et ma Fille, y perdez vos efforts Ie dors.

Le prince de Condé.

Le burlesque remerciment des Imprimeurs et Colporteurs aux auteurs de ce temps [603].

Avant la paix de Saint Germain.

Filles du ciel, gentilles Muses
Qui n'estes laydes ni camuses,
Obligez tant vos Imprimeurs
Qu'ils puissent deuenir rimeurs;
Faites qu'ils aient pour vne heure
(Si c'est trop, pas tant n'y demeure)
Non les béquilles ni le nom
Du petit poëte Scarron,

Mais l'esprit et l'humeur crotesque
Auecques sa veine burlesque,
Pour dresser ce remerciment
Plus en François qu'en allemant.
Vous y estes quasi tenues;

Car

par nous vous estes connues;
Et si de vous n'auons secours,
A d'autres nous aurons recours.
I'inuoqueray Merlin Cocquaye
Et sa dame Oliue la guaye,
Afin qu'ils inspirent en nous
Quelque compliment qui soit doux,
Aussi chaussant qu'vn bas de laine
Et qui guérisse la migraine
De ceux à qui nous le dirons,
Et mesme à ceux qui le liront;
Car nos auteurs qui ne sont bestes,
Sont subiets à ces maux de testes.
C'est vn mestier de grand tracas

De composer tant de fracas,
De fadaises, de goguenettes

De bagatelles, de sornettes.

Il est vray qu'ils se vendent mieux
Que tous ces ouurages pieux

Qu'on imprime, la Quarantaine,
Dont l'on ne vend qu'vn par sepmaine.

Sans tous ces petits rogatons,

Sans les Condés et les Gastons,

Sans les pasquils et vaudeuilles
Sans les écrits des plus habiles,
Sans Riuière et sans Cardinal,
Nous allions bien souffrir du mal.

1

yeux.

Sans le petit bossu en poche
Nostre ruine estoit bien proche;
Et sans les riches curieux
Ma femme eust bien chié des
Les Libraires, la Librairie,
Les Imprimeurs, la Confrérie,
Les Relieurs et les Colporteurs
Eussent souffert de grands malheurs.
Enfin sans ces petits ouurages
Les demy ceints, les pucellages,
Les bagues et les beaux atours
Eussent fait eschauffer les fours.
Il eust fallu emprunter, vendre,
Mourir de faim ou s'aller pendre;
Mais grâce à tous ces bons esprits,
Nous ne sommes point là réduits.
Les sols, les deniers pesle-mesle
Tombent sur nous comme la gresle

Quand quelque chose de nouueau

Le prince de Conty, c'est-à-dire les pamphlets sur le prince de Conty; comme plus haut les pamphlets sur les Condés et sur les Gastons, sur La Rivière et sur le cardinal Mazarin.

vaille;

Vient de chez nous ou du Bureau1;
Disons plustost: comme la neige
Qui depuis cinq mois nous assiège.
Mais en cherchant mon compliment
le m'égare insensiblement.
le ne sçay ce que ie veux dire;
A grand peine le puis ie escrire.
Les beaux mots, le raisonnement
Manquent à mon remerciment.
Hélas! si i'estois fils d'apostre 2,
Ma foy, i'en vaudrois bien vn autre;
Et ie n'aurois pas de tintoin
A trouuer les mots au besoin.
Bon chat, bon rat; vaille que
Combattons d'estoc et de taille.
Prenons-la science au colet
Ainsi que l'on fit Corolet3
Lorsqu'en habit de capitaine
Il crioit à perte d'haleine
Dans toute la cour du Palais
Que le peuple vouloit la paix.
Hélas! ce grand homme de guerre
Fut quasy renuersé par terre,
Dont i'aurois eu mille regrets,
Parcequ'il nous vend des Arrests
Et qu'il est le cocq des Libraires,
Sans faire tort aux autres frères;
Mais auec son gallon d'argent

1 Le bureau d'adresse où se vendait la Gazette.

Le père de Scarron était surnommé Scarron l'apótre.

* Pierre Rocollet, l'un des imprimeurs et libraires ordinaires du roi. Dans l'État de la France pour l'année 1660 qu'il a ajouté au Nouveau théâtre du monde de Davity, édition de 1661, Antoine Estienne raconte que Louis XIV fit remettre à Rocollet une médaille d'or avec une chaîne du même métal pour le récompenser de sa loyale et courageuse conduite pendant la Fronde.

Il est bien mieux mis qu'vn sergent;
Et s'il n'eust tost crié : Renguaine !
Il estoit mort, chose certaine.
Mais reuenons à nos moutons.
Graues autheurs de rogatons

De qui chacun fait grande estime,
Soit pour la prose ou pour la rime,
le crois que vous estięz cachés
Aussi loing que nos vieux péchés
Alors que toutes les maltotes
Vouloient opprimer tous les hottes;
Car en ce temps les sansonnets
Comme poissons estoient muets.
L'esclat de la rouge Calotte

Vous donnoit à tous la menotte;
Mais s'en allant à Sainct Germain,
Il vous a délié la main.

Vos escrits, l'encre, l'huile ou graisse
Ont bien fait cheminer la presse.
Les partisans ou maltotiers.
Ont bien releué nos mestiers.
Nous auions aussi triste mine
Que le pain à la Mazarine,
Quand la démangeaison a pris
A tous vos excellents esprits.
Nous sommes huit cents, voire mille
Qui tous les iours courons la ville,
Depuis le matin iusqu'au soir,
Offrant par vn humble deuoir
Vos œuures à qui les demande;
Et si ne faut point qu'on marchande.
Six deniers pour quatre feuillets
Entrent dans mon gousset tout nets,
L'imprimeur payé de sa feuille.
Que cela dure, Dieu le veuille;

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