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presser en foule pour luy demander pardon des choses qui s'estoient passées, et luy tesmoigner le desplaisir qu'il leur restoit d'auoir esté gens de bien? Ie ne me plains pas tant de ces actions priuées qui montrent bien à la vérité la bassesse de quelques particuliers; mais qu'il soit dit que le Parlement ait député vers Monsieur le Prince, que la Postérité lise que Monsieur le Prince a receu compliment pour auoir assiégé Paris, désolé la Campagne à dix lieues à la ronde, abandonné à l'insolence barbare des Soldats estrangers non seulement tant de femmes innocentes, mais le Sanctuaire mesme du Dieu viuant qu'on a prophané par des sacriléges horribles, c'est ce que ie trouue insupportable à des François qui estant nais libres par leur condition deuroient plus tost mourir que commettre des lâchetez.

Dauantage comme les Princes ne souffrent ordinairement pour `punition de leurs excez que la haine des peuples qu'ils affligent, qui est sans doute vne punition plus grande qu'ils ne pensent, s'ils y faisoient réflexion, estoit il iuste, mais estoit il à propos de rendre à Monsieur le Prince cet honneur qu'il ne méritoit point? Ne falloit il pas qu'il reconnust la faute qu'il auoit commise, par les marques de nostre mespris et de nostre auer

sion?

Mais qui ne sçait d'ailleurs les desseins ambitieux que l'esprit de ce Prince médite depuis quelque temps, et la demande qu'il auoit faite et qu'on luy auoit accordée, des places de Clermont, Stenay et lamets en souueraineté? Ne fait elle pas voir qu'il souffre auec quelque impatience la qualité de Subiect? Tous les Princes, disoit vn de nos Roys, aspirent à l'indépendance; de là naissent tant de remuemens et tant de guerres Ciuilles que nous

esprouuons. Et c'est pourquoy il est important de les abaisser et qu'ils croyent qu'il leur est impossible de faire réussir leurs entreprises pernicieuses. Or comme le Parlement de Paris peut seul empescher les factions naissantes, il est de son deuoir principalement dans la minorité du Roy de ne plus souffrir qu'il s'élèue quelqu'vn qui puisse faire vn party dans le Royaume; et il doit employer ses soins d'en ruiner tous les prétextes et les causes mesme les plus esloignées; et par cette raison il est de la prudence du Parlement de tesmoigner courage et fermeté à vn Prince qui a fait voir par cette dernière entreprise que son esprit remuant n'en demeurera pas là et que c'est vn fléau que Dieu nous prépare pour affliger ce Royaume.

Mais la dernière et la plus importante raison pour laquelle le Parlement a eu tort de faire cette Députation, [est] que cet estrange abbaissement qui n'estoit pas d'ailleurs nécessaire, confirme en premier lieu les sentimens des Peuples dans le mauuais bruit qu'on a fait courir que les Députez du Parlement auoient esté corrompus dans les négociations de la Paix et qu'ils ont plié dans vn temps où il y auoit suiect d'espérer quelque soulagement dans les misères publiques, soit par l'acheminement de la Paix générale qui nous estoit offerte, soit par le changement du Ministériat qui estoit vn point [dans] lequel il semble qu'il ne falloit point conclure. Or comme la fin perpétuelle des Ministres a esté de désvnir les Peuples [d'auec] les Parlemens, ils ne manquent pas sans doute de profiter de cette occasion; et comme ils se persuadent auoir suiect d'abbattre leur authorité et de restablir le gouuernement absolu qu'ils ont pratiqué depuis quelques années, ie ne doute pas

que

qu'ils ne reprennent bientost leurs conseils violens et la bassesse de cœur qu'ils ont recognue par cette Députation, ne leur donne espérance de pouuoir ruyner facilement cette Compagnie qui les auoit retenus iusques icy dans les bornes de quelque modération.

Il n'est pas très difficile de conceuoir ce qu'ils feront, par ce qu'ils ont desià entrepris. On a yeu trois iours après la publication de la Paix vn Arrest du Conseil d'En haut éuoquer les appellations comme d'abus et casser vn Arrest du Parlement qui en auoit retenu la cognoissance. On a desià veu les Commissions Souueraines de l'Hostel restablies. On entend tous les iours les plaintes des cruautez horribles que les gens de Guerre commettent dans les pays du Maine et d'Aniou et aux enuirons de Sens pour s'estre déclarez en faueur de Paris et du Parlement; ce qui est manifestement violer la dernière Déclaration'. Et cependant le Parlement est dans le silence et souffre [auec] vne extresme ingratitude qu'on maltraite ceux qui ont attiré sur eux les maux qu'on leur fait endurer, pour auoir embrassé sa querelle. Il permet que l'on viole à ses yeux les articles d'vne Paix si solennellement iurée ; et il se persuade cependant que la tempeste ne retombera pas dessus luy, comme si les Ministres ne conseruoient pas dans leur cœur vne haine enragée contre vne Compagnie qui est capable d'estre vn obstacle perpétuel à leur dessein et qui les auroit perdus en cette dernière occasion si elle en eust poussé auec vigueur le conseil qu'elle auoit si généreusement proietté. C'est d'ailleurs vn aueuglement prodigieux que de s'imaginer que quand la tyrannie des Ministres sera

1 Déclaration du roi pour faire cesser les mouuemens et rétablir le repos et la tranquilité de son royaume, etc. [944].

establie, qu'ils ne se ressouuiennent plus que le Parlement a eu des Princes Généraux d'Armée qui ont commandé sous ses Ordres; car outre que s'il faut iuger de l'aduenir par le passé, nous auons veu que les Ministres ne sont pas si sages pour oublier leurs ressentimens de vengeance, qu'ils ont desià de la peine de dissimuler (ce qui fait voir en passant la foiblesse de leur esprit et de leur conduite d'estre touchez des passions vulgaires dont celuy qui se mesle du Gouuernement, doit estre exempt selon les règles de la Politique).

Mais quand les Ministres oublieroient le passé, ce que ie ne crois pas, c'est encor vne remarque fondée sur des exemples des histoires anciennes que le gouuernement violent et tyrannique exerce ses premiers efforts sur ceux qui luy sont plus proches et qui ont plus de droict et de pouuoir de luy résister. La raison est que cette sorte de gouuernement ne se peut establir parfaitement tant qu'il reste quelqu'vn qui a droict de résister au progrez du mal, parceque cette puissance illégitime est retardée ou par la pudeur ou par la crainte qu'il ne la destruise par des entreprises trop hardies. C'est donc pour cela qu'elle n'a point de suiet de souffrir qu'il y ait quelque obstacle qu'on puisse opposer à ses excez.

Qui peut douter donc après cela qu'en fort peu de temps le Parlement ne soit l'obiet de la persécution des Ministres et qu'ayant destaché les peuples, s'il leur est possible, de l'amour et de l'vnion parfaite qu'ils ont iusques icy gardée auec cet illustre Corps, qu'ils n'en abattent l'authorité ou par la proscription de tous les gens de bien, ou par quelque création nouuelle, comme on commence desià de nous en menacer. Que si cela arriue, qui ne voit qu'il ne restera plus de rempart pour la

liberté publique? qu'il n'y aura plus d'azyle qui soit inuiolable pour conseruer les innocens et les opprimez? que les Prouinces seront de nouueau exposées à l'auidité insatiable des Partisans? En vain on réclamera l'authorité des loix; elles seront trop impuissantes pour secourir les foibles; et l'honneur des femmes, la pudicité des Vierges, nos biens et nos vies seront la proye du Tyran qui s'élèue, et des Complices qui fauorisent ses desseins.

Il ne faut point douter que ces choses n'arriuent si le Parlement est vne fois opprimé. Et quand ie songe à cette lâche Députation, il me semble desià qu'elles sont arriuées. Mais d'autre part, lorsque ie fais réflexion que cette Députation n'a pas esté l'ouurage de tout le Parlement, que le plus grand nombre y a contredit, et que la pluspart des Enquestes et des deux Chambres des Requestes du Palais ont refusé généreusement de députer, qnand ie me ressouuiens que ce n'a tant esté vne Députation du Parlement de Paris qu'vne Cabale formée de quelques particuliers corrompus, timides, esclaues et despendans de la Cour, ie sens mes espérances renaistre; et ie me fortifie dans cette créance qu'il reste encore des gens de bien dans la Compagnie, qui n'ont pas fléchi le genouil deuant Baal, et qu'on n'a pas veu à Sainct Germain aller à l'adoration infâme du Cardinal, que le plus grand nombre ayme le public et ne souffrira point que la liberté soit opprimée. On ne peut pas leur reprocher la Paix qu'ils ont consentie. Elle estoit en quelque façon nécessaire pour le bien de l'Estat et de Paris, et pour ne pas tomber dans la puissance de quelques Généraux qui ont trahy vne si bonne cause par les intelligences secrettes qu'ils ont tousiours conseruées auec la Cour, par le mauuais vsage, pour ne pas dire le honteux larcin de

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