Si l'on fit mal, si l'on fit bien,
le m'en rapporte et n'en sçay rien; Ie Et, pour dire vray, ne me pique De me connoistre en Politique; Car en ce mestier le hazard A souuent la meilleure part. Aux nouuelles de cette prise, La Bazoche fut fort surprise. Le mal, au lieu de se calmer, Parut de nouueau s'allumer. On s'assemble, on crie, on proteste; Qui iure, qui gronde, qui peste. Quelqu'vn parle plus hautement Et se plaint du gouuernement, l'entends celuy de la finance; Pour l'autre on garde le silence. C'est bien assez de le penser, De peur de se trop auancer. Cependant la Reyne Régente, Comme elle est sage et très-prudente, Voulant à cecy promptement Trouuer quelque tempérament,
Remit, pensant calmer l'affaire,
La Polette à son ordinaire,
Fit reuenir les exilez, De la frontière rappelez; Mais deffendit aux Compagnies
De se tenir encore vnies,
Puisque leur remettant le prest, Elles estoient hors d'intérest. Maintenant Messieurs des Enquestes, Dont aucuns sont de fortes testes,
Et d'ordinaire, à dire net,
L'ont assez proche du bonnet,
Furent d'opinion contraire.
L'vn dit : « Messieurs, c'est vn mystère. Si nous cessons d'estre assemblez, Dans trois iours nous sommes sanglez. Nos biens, de mesme que nos vies, Releueront de ces harpies. Enfin ce n'est pas d'auiourd'huy Qu'on dit: Ce qu'il te fait, fais-luy. Machiauel, grand politique, Qui des Cours auoit la pratique, Dans son damnable art de régner Ne l'a sceu que trop enseigner. Toutes ces faueurs apparentes Sont des marques très-éuidentes Du venin caché là-dessous. Hélas! Messieurs, souuenez-vous De Sinon, du cheual de Troye, Comme Ilium fut mis en proye Et le vieil Priam peu rusé Sous vn faux cheual abusé. Permettez que ie vous le die : Tout cecy n'est que comédie. Les biens receus hors de saison, Les récompenses sans raison, Ainsi que les chants des Sirènes, Marquent les tempestes prochaines. Le salut dans vn mauuais pas Consiste à ne relacher pas. Souuent c'est proche du riuage Que les matelots font naufrage. En deux mots voicy mon advis : Si mes sentiments sont suiuis, Messieurs, auant toute autre chose, Afin d'affermir nostre cause, Qui n'est pas sans besoin d'appuy, Nous conclurons tous auiourd'huy
Que l'on soulage les canailles,
Que l'on remette vn quart des tailles, Que de nos païs désolez
Les Intendans soient rappelez, Que les Éleus, bien que vermine, Exercent au moins pour la mine Et soient mis en leurs fonctions. C'est par telles inuentions Que le peuple prompt et volage Se meut, se conduit et s'engage. Quand le peuple sera pour nous, Sans doute on filera plus doux. Mais si nous manquons cette voye, Quelque temps calme que ie voye, l'appréhende fort l'interdit. Songez-y bien, Messieurs. l'ai dit. >> Lors chacun parlant à l'oreille Auec son voisin se conseille. Faut-il le croire, ce dit-on. L'vn dit qu'ouy, l'autre que non. Tout est d'opinion diuerse. L'vn la suit; l'autre la trauerse. L'vn dit que c'est trop attenté; L'autre la seule seureté. Cette vénérable consulte
Auoit fort de l'air d'vn tumulte. Et comme nous voyons souuent, Lorsque l'on chasse à mauuais vent, Que des voix de diuers meslange Font aux vieux chiens prendre le change, Ou confus dans vn si grand bruit, Ne suiure les voyes, la nuit; Encor' que parmy cette émeute, Les Présidens, clefs de la meute, D'abord ne donnassent les mains,
Tous leurs obstacles furent vains. Sans fruit les vieillards résistèrent. Enfin les frondeurs l'emportèrent. Et, suiuant leur intention, L'on se tint à la ionction 1. D'Émery, contre son attente, Trouua la fortune changeante. Par des conseils accommodans On réuoqua les Intendans.
La Reyne mesme, à ce qu'il semble, Trouue fort bon que l'on s'assemble. Gens de Palais et gens de Cour Ont conférence à Luxembour'. Le Duc d'Orléans, fils de France, Au Parlement prit sa séance; Et le feu loin de s'embraser, Paraissoit quasi s'appaiser, Alors que la prison nouuelle
Du bon-homme Monsieur Bruxelle, Riche d'honneur, pauure de biens, Arma tous ses concitoyens. Ce fut au temps que la victoire, Amoureuse de nostre gloire, Fit à Lens, ainsy qu'à Rocroy, Triompher nostre ieune Roy De ces redoutables cohortes
Qui sembloient menacer nos portes. L'illustre Prince de Condé,
Par son courage secondé,
Auec ses troupes, comme vn foudre, Réduit leurs escadrons en poudre,
Et les suiuant iusqu'à Douay,
1 Arrêt du 15 juin.
* Surintendant des finances.
3 Le 21 juin eut lieu la première conférence.
Mais comme en vn beau iour d'Esté, Plein de lumière et de clarté,
Le Ciel se couurant de nuage Change le beau temps en orage, Et des ruisseaux font vne mer
Qui ne peut pourtant pas durer, La ioye en nos cœurs préparée Ne fut pas de longue durée.
De tout temps nos Roys très-pieux Par vn zèle déuotieux,
Quand le Ciel a bény nos armes, Et la valeur de nos gendarmes, Vont en cortège solennel Rendre grâces à l'Éternel, Deuant le temple où l'on réuère Le nom de sa très-chaste mère. Les Gardes dès le point du iour Assemblez au son du tambour Dessus le Pont-neuf se logèrent Et par les rues s'arrangèrent, Quand, la Reyne estant de retour, Vn bruit s'épand tout à l'entour Que l'on auoit pris le bon-homme
Courtray, pris en 1647 par les Espagnols pendant que le prince de Condé faisait le siége d'Ypres.
2 Pierre Broussel, conseiller au parlement.
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