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(c'estoit le Duc de Candale). Ie suis marry qu'il s'est
rencontré en si mauuaise Compagnie. Ce n'est pas à luy
que nous en voulons. » Cela dit, il prit le coing de la
nappe qu'il ne renuersa qu'à demy, soit qu'elle fust trop
bien couuerte, ou que le Prince se contenta de témoi-
gner médiocrement son mespris selon sa modération
ordinaire. Pour moy,
ie veux croire qu'ils doiuent beau-
coup d'obligation à la présence de Monsieur de Candale.
D'autres disent que Monsieur de Beaufort les railla assez
plaisamment et qu'il dit à Monsieur de Candale et aux
autres du party ciuil : « Messieurs, ie m'estonne que vous
n'ayez pas icy les vingt-quatre violons. Vostre chère
n'est pas complète; mais en voilà quatre ou cinq qui les
valent bien. » Ie crois que ces Messieurs se fussent
souhaité bien loin de là et qu'ils eussent voulu n'auoir
jamais raillé les Frondeurs.

Monsieur de Beaufort se contenta de leur auoir fait l'affront et leur dit en se retirant : « Messieurs, vous apprendrez vne autre fois à mieux parler. » Cela leur fit perdre l'appétit. Toutes les viandes leur semblèrent mal assaisonnées; et ils deschargèrent toute leur mauuaise humeur sur le cuisinier, à qui ils auoient donné des louanges au premier seruice. Il y en eut vn de la Compagnie qui dit qu'il n'y auoit pas de quoy rire et que ce n'estoit pas vn temps de s'ammuser à manger, que le procédé de Monsieur de Beaufort ne leur promettoit rien de bon, que le peuple qui estudie ses sentimens et qui espouse si ardemment ses intérests, pourroit changer la farce dans vne tragédie, si cela venoit à leurs oreilles et que Renard y pourroit bien perdre sa vaisselle d'argent et eux leurs oreilles. On approuua ce conseil; et ces Messieurs, sans plus tarder, se retirèrent doucement chez

eux et partirent le lendemain, quelques vns disent le soir mesme, pour la Cour, pour leur faire sçauoir que quoy que les vingt-quatre violons ne soient pas à Paris, on ne laisse pas d'y faire très bien danser la courante qu'on appelle la Mazarine.

Monsieur de Beaufort alla coucher chez les Preud'hommes pour estaindre dans le bain la noble chaleur que toute sa vertu auoit eu peine de contenir à la présence de ses ennemys. Toute la nuit, trois Mareschaux de France firent la patrouille par Paris, crainte qu'il n'arriuast quelque désordre; et le lendemain le Préuost des Marchands et quelques Escheuins furent chez Monsieur le Chancelier pour lui témoigner que les Bourgeois ne faisoient que se rire de cela, que là où Monsieur de Beaufort auroit de l'aduantage, il ne faut rien craindre, mais qu'ils le prient de faire en sorte qu'on recommande bien à la Cour de ne point esueiller cette grosse beste qui commence désià à s'assoupir, en remonstrant que le moyen de la gagner, c'est de la caresser et non pas la picquoter à tous momens.

Le Courrier dv temps apportant ce qui se passe de plus secret en la cour des princes de l'Europe [825] 1.

1

(17 juillet 1649.)

De Dantzic du 23 iuillet 1649.

Nicolas Canasille, consul de la nation françoise en ceste ville, a receu plusieurs ballots de draperies de laines et de soyes, castors et toilles fines qui lui ont esté enuoyées par le Cardinal Mazarini sous l'adresse du Comte de Bregi Flexelles, Ambassadeur près de sa Maiesté Polonnoise, afin d'esuiter par l'adueu que cet Ambassadeur en fait, le payement des droits de Tole. Elles ont esté bien vendues à des marchands de Varsau, Crakau et Léopol. Ledit Nicolas Canasille a employé la plus grande partie de l'argent qui en est prouenu, en Martres Zibellines, Renards noirs et autres fourrures exquises et en vn seruice tout entier d'ambre blanc qu'il renvoye audit sieur cardinal auec quelques autres raretez de ce pays, sur lesquelles il fera vn profit notable. L'Évesque de Varmie, cydeuant Ambassadeur extraordinaire en France, en ayant esté aduerty, les a voulu faire saisir pour se rembourser de la somme de dix mille tallers (thalers) dont il fust trompé par le Cardinal Mazarini

1 Il est de Fouquet de Croissy, conseiller au parlement de Paris, l'un des plénipotentiaires français à Muns'er, grand frondeur et partisan du prince de Condé jusque chez l'Espagnol. Guy Patin avait un goût particulier pour ce pamphlet dont il parle en plusieurs endroits de ses

Lettres.

dans l'achapt d'vne croix que son Éminence lui vendit pour donner de la part de Sa Maiesté Polonnoise à nostre Royne lors de ses fiançailles à Paris. Nostre Sénat n'a pas voulu que ce différend esclatast.

De Rome du 26 iuillet 1649.

Nous auons appris par les dernières lettres de France qu'vne des sœurs de l'Eminentissime Cardinal Mazarin estoit morte en cette ville. On ne sçait pas bien encore laquelle c'est des deux. Peut-estre qu'auec le temps on

s'en esclaircira 1.

De Sainct Quentin du 10 août 1649.

A l'arriuée du cardinal Mazarin en cette ville, Nostre Bourgeoisie s'est mise en armes; et l'on a crié Viue le Roy! sur la créance qu'on auoit que Sa Maiesté nous honoroit de sa présence; mais nous auons esté surpris, voyant que les compagnies des Gardes, les Gendarmes et Cheuaux-Légers, commandez par Monsieur le Mareschal de Schomberg, ne venoient icy que pour escorter son Éminence, et que les Mareschaux Du Plessis et de Villeroy auoient eu ordre de quitter la personne du roy et de Monsieur pour suiure ce Ministre. Il a beaucoup trauaillé icy à marchander luy mesme les bleds, les faire mettre au moulin, faire cuire les pains de munition. C'estoit sa principale occupation, si ce n'est qu'il se délassast quelquefois de ces grandes fatigues à quelques re

'C'est l'original de l'anecdote racontée par le cardinal de Retz sur le père de Mazarin.

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prises de hoc où il a monstré vne adresse merueilleuse au grand estonnement de tous les corps de cette ville. Ses trois tables seruies de mets les plus exquis et occupées par Messieurs de Vandosme et de Mercœur qui, comme ses chers futurs alliez 1, estoient en toute humilité assis au dessous de lui, trois Mareschaux de France, grand nombre de Ministres de l'Estat et de Mareschaux de Camp, Commandeurs et Cheualiers de Malthe, ont bien iustifié, à la honte de ses ennemis, sa Royale magnificence. Son buffet d'or massif et de mesme caract que celuy de nos Louys tenoit toute la grande Salle de nostre maison de Ville. Ceux de sa suite respandoient icy en mesme temps plusieurs bruits pour tenir le peuple en admiration de ses grands desseins.... et en effet.... il a veu les Erlacs. Cette fierre nation s'est adoucie à sa présence, luy a fait hommage comme au distributeur et possesseur de toutes les finances de France. Les Généraux Oems et Flechenstein se sont enyurez pour l'amour de luy. Il a recogneu les caresses de ces braues estrangers; et pour se les asseurer, il leur a fait vne ample distribution de pièces de toille, chemises et rabats sans glans, coiffes de nuict, manchettes, gans de Cerf et de Daim à franges d'or et d'argent, baudriers en broderies, gardes d'espées, fourreaux de pistolets, le tout tiré de ses Maga

1 On a fait un peu plus tard sur le projet de mariage du duc de Mercœur et de la nièce de Mazarin l'Antinopcier, etc. [93], le Poulet [2831], la Sauce du Poulet [3597], la Salade en réponse à la Sauce du poulet [3573], la Lettre de M. le duc de Beaufort à M. le duc de Mercœur, etc. [2021], la Réponse de M. le duc de Mercœur, etc. [3408], la Lettre de la prétendue Mme de Mercœur, etc. [1941], enfin l'Entretien de M. le duc de Vendosme, etc. [1238].

2 Le corps d'armée allemand du général Erlac qui s'était séparé de Turenne pendant le blocus de Paris et que la Fronde a tant maltraité dans ses pamphlets.

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